Résistance palestinienne : le Hamas n’a plus le monopole des tunnels

Combattants des Brigades al-Qassam - Photo : extrait vidéo

Hana Salah – Jusqu’à récemment, le Hamas a été le seul mouvement à utiliser des tunnels depuis que le siège israélien sur la bande de Gaza a pris plein effet en 2007.

L’utilisation des tunnels par le Hamas s’est développée après la capture du soldat israélien Gilad Shalit en été 2006 lors d’un raid transfrontalier depuis Gaza.

L’utilisation des tunnels a encore augmenté au cours de la guerre de 2014 puisque ceux-ci ont servi à lancer des missiles, à mener des attaques contre les forces israéliennes et à capturer des soldats. Cependant, ces tunnels semblent ne plus être l’apanage du Hamas, depuis que le mouvement du Jihad islamique en construit également.

Le 10 juillet, les Brigades Al-Quds – l’aile militaire du Jihad islamique – ont publié une déclaration dans laquelle elles annonçaient pour la première fois la mort d’un de leurs membres, suite à l’effondrement d’un tunnel construit par la résistance dans le nord de la bande de Gaza. Mais les Brigades Al-Quds n’ont fourni aucun détail expliquant si le tunnel avait été établi par le Jihad islamique lui-même ou conjointement avec le Hamas.

En outre, les médias locaux ont signalé 18 juillet la mort d’un autre membre des Brigades Al-Quds suite à l’effondrement d’un tunnel à l’est de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza. De leur côté, les Brigades Al-Quds se sont limitées à publier un communiqué annonçant la mort d’un « martyr de la préparation », un terme utilisé par les ailes militaires pour qualifier les martyrs qui meurent pendant un entraînement en creusant des tunnels ou en testant des armes qui doivent servir dans les combats. Les Brigades n’ont pas donné plus de détails sur l’incident.

Al-Monitor a essayé de communiquer avec des sources militaires dans le Jihad islamique, mais ces sources préfèrent « ne pas faire de commentaire sur le sujet en ce moment. »

Le soir du 28 juillet, le Jihad islamique a organisé un festival dans la ville de Rafah, dans le sud de Gaza, en l’honneur et en mémoire des victimes du mouvement tués dans la guerre de 2014. Le porte-parole militaire pour les Brigades Al-Quds a prononcé un long discours qui contenait plusieurs messages. Parmi ceux-ci celui adressé aux prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes : « Votre liberté est une priorité absolue et la preuve en est le sang de nos martyrs » [dans les entraînements]. « Nous allons creuser [des tunnels] et combattre l’occupant sur tous les fronts », a déclaré le porte-parole.

Invité à commenter le festival, Ibrahim Habib – un expert dans les affaires de sécurité nationale – a déclaré à Al-Monitor : « Le Jihad islamique, la deuxième organisation à Gaza en importance, cherche à faire jeu égal avec les Brigades Izz ad-Din al-Qassam, l’aile militaire du Hamas, et il ne ménage aucun effort pour y parvenir, en particulier dans le domaine des tunnels. Le Jihad islamique a prouvé sa capacité à mener des opérations percutantes derrière les lignes ennemies, telles que le lancement de roquettes et la capture de soldats pour les opérations d’échange avec des prisonniers palestiniens ».

A l’occasion de la parade militaire du festival, le Jihad islamique a présenté plusieurs types d’arme dont un missile moderne et à longue portée, exhibé pour la première fois. Il n’a donné aucun détail sur son origine, son nom ou sa catégorie.

Habib a dit aussi que depuis la guerre de 2014, les tunnels constituent la plus grande menace pour Israël et que les missiles ne sont pas sa préoccupation majeure. L’objectif premier d’Israël est de lutter contre ce qui est l’arme principale de la résistance, à savoir les tunnels, par tous les moyens technologiques possibles dans le but de mettre fin à toute attaque potentielle venant de là.

« Le rythme du forage de tunnels a augmenté après [la guerre en] 2014. Par conséquent, Israël utilise de la technologie et des équipements lourds dont un mur en béton armé de plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur à la frontière avec Gaza. La mise en place de ce mur prendra trois ans, selon les estimations israéliennes. »

Dans ce contexte, le journal Yedioth Ahronoth a révélé 16 juin un plan israélien de construction d’un mur de béton – à partir d’octobre – sur et en dessous de la frontière nord de la bande de Gaza, à un coût estimé à 2,2 milliards de shekels (environ 576 millions de dollars), pour empêcher l’infiltration des membres de la résistance à travers les tunnels.

L’armée israélienne a découvert en avril et mai plusieurs tunnels menant de la frontière de Gaza à l’intérieur d’Israël, dans le cadre des préparatifs d’Israël pour la prochaine confrontation inévitable avec le Hamas à Gaza, qu’un commandant militaire a décrit pour le journal comme « finale. »

En dépit de tout cela, Habib estime que « Israël est pleinement conscient que le mur ne sera pas une solution radicale pour les tunnels, car la résistance est persuadée qu’elle mène aussi ’une guerre de l’imagination’ et en conséquence elle travaille dur pour trouver des alternatives à toute tentative visant à détruire, combler ou bloquer les tunnels avec un mur en béton ».

Pour sa part, le Jihad islamique a déclaré aux médias le 18 juin que la décision d’Israël de construire un mur, mettait en évidence l’échec du système israélien de sécurité à lutter contre les tunnels de la résistance.

Dans une interview avec Al-Monitor, le dirigeant du Jihad islamique Khaled al-Batsh a déclaré : « Les activités coloniales et la construction de murs de sécurité par Israël sont illégales et illégitimes et ne protégeront pas les colonies des attaques de la résistance. »

Interrogé pour savoir si l’escalade israélienne sur la frontière orientale au début de mai risquait d’ouvrir la voie à une guerre entre les organisations de la résistance et Israël, Batsh a répondu : « La décision est toujours dans les mains d’Israël, car c’est lui qui dispose d’une armée et d’équipements militaires. Pour leur part, les organisations militaires [palestiniennes] doivent repousser toute agression qui prend pour cible le peuple palestinien, et prendre toutes les mesures nécessaires à cet égard ».

Pendant ce temps, des sources militaires d’al-Qassam ont dit à Al-Monitor que le creusement de tunnels est en cours sur la frontière orientale de la bande de Gaza, en préparation de la future bataille avec Israël. Ces mêmes sources ne fournissent aucune autre information.

Le site d’al-Qassam a publié un rapport militaire israélien rendu public par la chaîne israélienne Channel 2, indiquant que les brigades [de la Résistance] forent environ 10 kilomètres (6 milles) de tunnels offensifs par mois dans la bande de Gaza.

Lors d’une visite le 28 juillet dans les villes israéliennes en bordure de la bande de Gaza, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a promis de répondre durement si le Hamas et le Jihad islamique « rompaient la trêve » impulsée par l’Égypte pour mettre fin à la guerre 2014.

« Le calme pour nous est équivalent au calme dans la bande de Gaza. Toute attaque contre nous conduira à détruire le Hamas, le Jihad islamique et quiconque essaiera de nous agresser. Nous allons répondre fortement à toute tentative d’attaquer nos villes et nos citoyens », a éructé M. Netanyahu.

Ces derniers mois, le rythme des mouvements militaires israéliens le long de la partie sud-est de la frontière de Gaza a augmenté, et Israël a fait sauter quelques-uns des tunnels découverts tout en menant des opérations de ratissage pour prévenir toute attaque surprise préparée par les factions palestiniennes.

Pendant ce temps, le nombre de « martyrs de la préparation » est à la hausse et les deux camps sont l’un en face de l’autre avec une attitude plus vindicative que jamais auparavant.

A2* Hana Salah est journaliste spécialisée dans le domaine financier et basée à Gaza. Elle a au préalable travaillé pour l’agence de presse Anadolu.



4 août 2016 – Al-Monitor