Alors que des représentants de 70 nations se réunissent aujourd’hui à Paris pour discuter du moribond processus de paix au Moyen-Orient, une bonne dose de scepticisme est à l’ordre du jour. Pas tant sur les perspectives de succès de la conférence – elle n’est pas conçue pour réussir au-delà du fait d’être convoquée et de produire un communiqué – mais plutôt sur l’objectif de cet exercice.
Selon ses organisateurs français, l’objectif de la conférence est de réaffirmer l’engagement collectif de la communauté internationale pour une solution à deux États du conflit israélo-palestinien et – sans doute en prévision de l’arrivée de l’administration Trump – de souligner qu’il n’y a pas d’alternative à ce paradigme.
Un engagement sérieux envers un tel objectif pourrait prendre plusieurs voies : mettre de la chair politique sur les os de la récente résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies. La résolution :
– condamne toute activité de colonisation israélienne comme illégale
– appelle les États membres à distinguer dans leurs relations entre Israël et les territoires occupés
– appelle à la reconnaissance collective de l’État palestinien
– et considère que les accords d’Oslo, et plus largement la formule des négociations bilatérales sans conditions préalables sous les auspices américains, ont mis en danger plutôt que facilité une solution à deux États.
En d’autres termes, une conférence qui ne met pas l’occupation israélienne et les mécanismes pour en finir avant et au centre de ses délibérations, ne saurait vraiment être qualifiée de conférence internationale sur la promotion d’un accord pour deux États.
Le projet de communiqué de la conférence serait, à cet égard ridicule, si ce n’était pas si tragique. Son préambule, par exemple, salue le discours prononcé par le secrétaire d’État John Kerry le 28 décembre 2016, sur le Moyen-Orient. Discours qui, à bien des égards, cherche à étouffer non seulement les dispositions clés de la résolution 2334, mais aussi le consensus international sur la Palestine.
Plus important encore, il se réfère spécifiquement et exclusivement à la déclaration de Kerry selon laquelle, 23 ans après Oslo, la communauté internationale n’a aucun rôle à jouer pour mettre fin à l’occupation et parvenir à un accord basé sur deux États, si ce n’est de vouloir faire de la persuasion avec les Israéliens et les Palestiniens.
Si les hôtes français approuvent la formule : “Nous ne pouvons pas vouloir la paix plus que les partis eux-mêmes” et, vu la dénonciation furieuse de la conférence par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et sa nette préférence pour une annexion rampante au détriment de l’État palestinien, on peut vraiment s’interroger sur l’utilité de convoquer cette réunion.
Dans la mesure où le communiqué formule de simples demandes adressées à la communauté internationale, il est purement déclaratif et ne va pas au-delà de ce qui est déjà exprimé dans la résolution 2334 et dans des résolutions similaires qui contraignent déjà les participants à la conférence en référence à la loi internationale.
Le communiqué atteint les plus hauts niveaux d’absurdité dans son approche à l’égard d’Israël et des Palestiniens.
Ses paragraphes de conclusion appellent “les deux parties à réaffirmer leur attachement à la solution des deux États et à désavouer les voix officielles de leur côté qui rejettent cette solution”, comme si non seulement le gouvernement israélien, mais aussi son “homologue” palestinien, exigeraient une souveraineté exclusive de la mer Méditerranée au fleuve Jourdain.
Plus précisément, quelle différence cela ferait-il si les ministres israéliens suivaient l’exemple de Netanyahu et exprimaient leur soutien verbal à cette formule, sans perdre aucune occasion de la miner dans la pratique ?
Le Paragraphe II propose des “incitations économiques et une participation accrue du secteur privé”, “de nouvelles réunions entre les partenaires internationaux et la partie palestinienne” pour renforcer les institutions palestiniennes et bien sûr, des “forums de la société civile israélienne et palestinienne”. Et c’est tout.
Ceux qui croient que l’intérêt personnel de la communauté internationale et particulièrement des gouvernements occidentaux, finira par aboutir à une résolution du conflit israélo-palestinien, devraient selon toute probabilité être profondément impressionnés par le fait que Paris a réussi à convoquer 70 gouvernements ainsi que le secrétaire d’État sortant des États-Unis pour signer ce bulletin lamentable, tout en espérant produire une nouvelle résolution du Conseil de sécurité avant que la Maison Blanche ne devienne “orange”.
Des partisans plus réalistes de l’autodétermination des Palestiniens reconnaîtront immédiatement qu’un demi-siècle d’occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ne sera pas abordé de façon significative par des réunions internationales. Sauf si les conditions ont d’abord été créées par les Palestiniens eux-mêmes pour rendre ces réunions productives… Cela pourrait se faire en exploitant toutes les ressources dont ils disposent, à la fois en Palestine et dans la diaspora, et en mobilisant efficacement tous ceux qui soutiennent leur cause.
* Mouin Rabbani est un analyste palestinien qui réside en Jordanie. Il contribue régulièrement aux médias Jadaliyya, Institute for Palestine Studies, et Middle East Report.
15 janvier 2017 – Al Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine