Par Ramona Wadi
Le compromis des deux États, en particulier, a piégé les gouvernements, ainsi que de nombreuses institutions et groupes les plus en vue, au point que les possibilités pour les Palestiniens de définir leurs objectifs à partir de leur propre histoire et de leurs propres droits sont quasiment réduites à néant.
Mardi, les ministres des Affaires étrangères du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud (BRICS) se sont réunis à Pretoria, en Afrique du Sud, en prévision du 10e sommet des BRICS qui se tiendra en juillet. La déclaration finale issue de la réunion a fait écho à l’exigence exprimée par l’Afrique du Sud en mars dernier, que la Palestine soit une priorité du programme des BRICS. Cependant, se contenter seulement de belles paroles pour répondre à une exigence légitime nuit aux perspectives de la Palestine, plutôt qu’elle n’améliore les possibilités d’une résistance anticoloniale légitime.
Pour leur part, selon la déclaration publiée par l’agence de presse Wafa les BRICS appellent à la création “d’un État palestinien territorialement contigu, indépendant, et viable, vivant côte à côte avec Israël dans la paix et la sécurité. Le ministre a réitéré que le statut de Jérusalem faisait partie des questions de statut final à définir dans le cadre des négociations entre Israël et la Palestine.”
Il ne sert à rien de prétendre faire de la Palestine une priorité alors que les déclarations véhiculent le message inverse. La rhétorique des BRICS est identique à celle que régurgitent régulièrement l’ONU, le Quartet pour le Moyen-Orient, l’UE et la majorité des gouvernements du monde entier. De plus en plus, la Palestine devient un point de l’ordre du jour à discuter dans le contexte de la normalisation de la colonisation.
Cela crée un abîme dans lequel de nombreuses formes de militantisme tombent dans le piège de campagnes non viables, tandis que les Palestiniens se retrouvent marginalisés par rapport à leur propre histoire, contraints de faire des compromis sur leurs propres aspirations à la libération, prétendument soutenus par des entités qui accordent la priorité à la sécurité d’Israël dans le contexte de la création d’un hypothétique État palestinien.
La colonisation de la Palestine par Israël a transformé la dynamique politique et a réduit les attentes à un compromis et à une exploitation permanente.
A partir de cette réunion, il est important de mettre l’accent sur le fait que les BRICS soutiennent le compromis des deux Etats. L’inscription de la Palestine à leur programme n’a fait qu’une brève apparition, comme on en voit presque tous les jours et qui illustre le décalage entre les paroles et les actes. Le pire de tout, c’est qu’est maintenant apparu chez les acteurs internationaux un consensus qui obéit à la commodité plutôt qu’il ne défend les droits.
Il n’y a pas de différence au sein de ces cercles entre “Palestine” et “points de l’ordre du jour”. L’objectif sous-jacent est de préserver le statut d’Israël en définissant les options de la Palestine à partir des récits coloniaux fabriqués. Étant donné que la Palestine historique appartient aux Palestiniens, la population autochtone devrait décider de la stratégie de libération, après quoi la paix pourra être discutée. Le fait de lier le statut de Jérusalem aux accords et débats internationaux a conduit Israël à revendiquer Jérusalem, unilatéralement soutenu par les États-Unis.
Et comble d’hypocrisie, l’insistance internationale sur le paradigme des deux États alors qu’il a été déclaré obsolète. Parler au nom des Palestiniens pour anéantir leur voix – au point qu’on peut retracer les origines de toute alternative diplomatique possible jusqu’au compromis corrompu dominant – est devenu la norme. L’option politique pour les Palestiniens consiste à aider leur résistance anticoloniale, ce que la communauté internationale a exclu en insistant pour que les Palestiniens se soumettent à des définitions concoctées pour pacifier Israël.
Sachant cela, n’est-il pas temps que les obligations soient analysées d’un point de vue palestinien ? Les BRICS, comme d’autres entités, ne visent qu’à reproduire le vide symbolique pour les Palestiniens et à ouvrir la voie au projet “Grand Israël” d’Israël. Il n’y a aucune obligation pour les Palestiniens de se conformer à des exigences internationales autres que la légitimité de la résistance anticoloniale. Pour les institutions internationales et les gouvernements, il n’y a pas d’autre obligation que de respecter leur déclaration de mettre fin au colonialisme. Cette dernière est une mascarade – depuis 1990, l’Assemblée générale de l’ONU a déclaré trois décennies internationales “pour l’élimination du colonialisme”. C’est aussi un exemple de ce à quoi la Palestine est confrontée et de la façon dont les mots sont vidés de leur sens pour incorporer tout et rien selon le pouvoir.
Face à l’existence d’une communauté internationale ouvertement vouée à la sauvegarde du colonialisme, les Palestiniens n’ont d’obligation envers personne d’autre qu’eux-mêmes et leur revendication légitime à l’égard de la Palestine historique.
Auteur : Ramona Wadi
* Ramona Wadi est rédactrice au Middle East Monitor. Écrivain, chercheuse et journaliste indépendante, elle est également critique. Ses écrits couvrent une série de thèmes en relation avec la Palestine, le Chili et l'Amérique latine. Elle contribue régulièrement au PalestineChronicle.com. Consultez son site internet. Son compte Twitter.
12 juin 2018 – The Palestine Chronicle – Traduction: Chronique de Palestine – MJB