Par Zarefah Baroud
Le changement climatique catastrophique n’est plus un sujet de controverse, du moins à un niveau dominant au sein de la communauté scientifique. Pourtant, alors que les températures continuent d’augmenter, les efforts américains pour lutter contre le réchauffement climatique semblent hélas diminuer.
Le Président élu, Donald Trump, est surtout préoccupé par le coût économique de la lutte contre le réchauffement climatique et il a critiqué à maintes reprises le rôle pris par les États-Unis dans l’Accord Climatique de Paris signé en décembre 2015.
En fait, Trump s’est engagé à mettre fin à l’engagement des États-Unis dans l’accord climatique de Paris, soutenant que la principale préoccupation du gouvernement américain est la poursuite de la construction de divers pipelines – comme le Keystone XL Pipeline – ainsi que le forage, la fracturation hydraulique massive et ainsi de suite, parce que ce serait “un gros morceau de profits” pour le peuple américain.
Bien sûr, sa déclaration est sans fondement, si ce n’est guidée par son intérêt personnel, sachant que le “gros morceau de profits” profitera aux sociétés américaines et aux élites, et pas au peuple américain.
De tels arguments s’accordent certainement aux opinions de Trump qui traditionnellement reflètent un profond égoïsme et ne tiennent guère compte de l’environnement. De plus, Trump avait qualifié le changement climatique de “canular”. Il a expliqué dans un de ses nombreux tweets : “Le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois afin de rendre la production américaine non compétitive.”
Indépendamment des vues excentriques d’un Trump, la gravité du changement climatique à l’échelle mondiale est aujourd’hui considérée pour acquise. La situation est trop critique pour dépendre d’amitiés politiques et de promesses vides venues des grandes entreprises.
Une étude menée par Climate Central – qui traite de l’étude scientifique et de l’impact du changement climatique – a identifié 414 villes aux États-Unis qui seront submergées, quelles que soient les mesures climatiques prises aujourd’hui.
“Les émissions historiques de carbone garantissent à elles seules que l’élévation du niveau de la mer submergera la plupart des habitations dans plusieurs centaines de villes américaines”, déclare un rapport sur le site Web de Climate Central.
Cette prévision dévastatrice comprend certains des centres de population les plus denses aux États-Unis, comme Miami et New Orleans.
Selon l’auteur principal de l’étude, Benjamin Strauss, si une action immédiate n’est pas prise, il est certain que New York rejoindra cette liste en constante augmentation.
“La chose la plus intéressante pour moi est qu’il y a beaucoup de villes où nos choix en matière de carbone font une énorme différence”, a déclaré Strauss au Huffington Post.
“Pour moi, c’est vraiment une question pour notre héritage américain et notre patrimoine américain : allons-nous laisser l’océan prendre un morceau de l’Amérique de la taille d’un État ? Si nous faisons des efforts extrêmes pour réduire l’émission de carbone, nous pouvons éviter cela.”
Hélas, il y en a beaucoup dans les médias qui parlent toujours de la théorie “canular”.
L’animatrice de Fox News, Andrea Tantaros, a fait valoir son ignorance face devant des scientifiques spécialistes du changement climatique, lorsqu’elle a demandé de façon sarcastique à ses invités : “Combien d’Américains sont morts suite au changement climatique ?”
Pourtant, selon un rapport de Euro News, citant des données scientifiques: “Le changement climatique entraînera 250 000 décès supplémentaires par an à partir de 2030.”
L’étude publiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), estime qu’environ 48 000 personnes mourront de diarrhée, 60 000 à cause du paludisme, 95 000 de sous-alimentation infantile et 38 000 personnes âgées à cause de l’exposition à la chaleur.
Ces chiffres ne comprennent pas les décès qui ont déjà eu lieu en raison de conditions météorologiques devenues extrêmes et anormales et qui sont directement liées au changement climatique.
Mais la co-animatrice de Tantaros, Melissa Francis, semble penser que toute la science sur le sujet n’est qu’un conspiration. “Je pense que tout cela est le fait du président (Barack Obama) qui veut faire des entreprises l’ennemi”, a-t-elle dit.
Mais il n’est nullement question de conspiration. L’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis avait signalé qu’à partir de 2014, les émissions de carbone des États-Unis totalisaient 6,870 millions de tonnes de dioxyde de carbone.
La NASA contextualise ces chiffres, indiquant sur son site Web : “Une composante mineure mais très importante de l’atmosphère, le dioxyde de carbone, est libérée par des processus naturels tels que la respiration et les éruptions volcaniques, et par des activités humaines telles que la déforestation, l’usage de combustibles fossiles. Les humains ont augmenté la concentration atmosphérique de CO2 d’un tiers depuis le début de la révolution industrielle. C’est le ‘défi’ à long terme le plus important du changement climatique.”
Aussi malheureuses que soient les prévisions, il y a des raisons d’espérer que de plus en plus de pays feront des progrès réguliers dans l’exploitation d’une énergie plus propre.
Depuis 2016, l’économie globale de l’Allemagne fonctionne déjà avec 27% d’énergie renouvelable. En fait, le jour du 8 mai 2016, 95% de la consommation d’énergie de l’Allemagne avait été satisfaite uniquement par les énergies renouvelables.
“Les prix de l’électricité ont effectivement été négatifs pendant plusieurs heures … ce qui signifiait que les abonnés clients étaient payés pour consommer de l’électricité”, a déclaré le journaliste de Quartz.com, Michael J. Coren.
Mais les citoyens ordinaires font aussi une différence. En janvier 2016, la tribu de Sioux de Standing Rock a lancé une grande mobilisation pour protester contre la construction du Dakota Access Pipeline, un pipeline de pétrole brut qui s’étend du Dakota du Nord à l’Illinois. Le trajet du pipeline était censé traverser d’anciens cimetières et il menaçait l’approvisionnement en eau de Standing Rock Sioux.
Les Amérindiens de plus de 100 tribus et des milliers d’autres manifestants se sont réunis, solidaires, pour s’opposer aux destructions devant être causées par le pipeline. Ils ont été traités avec violence par la police qui s’est rapidement massée sur place, utilisant des grenades assourdissantes ou à projection de gaz poivré, des chiens policiers et des canons à eau.
Grâce à la détermination des “protecteurs de l’eau”, les protestataires ont réussi à imposer une déviation dans la construction du pipeline, bien qu’ils continuent de protester contre la construction du Dakota Access Pipeline dans son ensemble.
Les États-Unis doivent tenir compte des appels à un changement fondamental d’attitude à l’égard des énergies renouvelables. Et ce faisant, nous y gagnerions économiquement.
L’Union of Concerned Scientists (UCS) a déclaré dans un rapport récent que “par rapport aux technologies des combustibles fossiles, qui sont généralement mécanisées et nécessitent d’importants capitaux, l’industrie des énergies renouvelables est plus exigeante en main-d’œuvre. Cela signifie qu’en moyenne, plus d’emplois sont créés pour chaque unité d’électricité produite à partir de sources renouvelables que de combustibles fossiles.”
L’organisation a également mené une étude qui a démontré que si les États-Unis répondent à la norme de 25% d’énergie renouvelable d’ici l’an 2025, 202 000 nouveaux emplois seront créés. Ce chiffre ne comprend pas les emplois que l’industrie des énergies renouvelables a déjà produits.
En outre, la transition vers l’énergie renouvelable créera d’autres avantages pour le développement économique.
Toujours selon UCS: “Les administrations locales recouvrent les impôts fonciers et les impôts sur le revenu et les autres paiements des propriétaires de projets d’énergie renouvelable … Les propriétaires d’un terrain sur lequel sont construits des projets éoliens perçoivent souvent des paiements locatifs allant de 3000 à 6000$ par mégawatt de capacité installée, des paiements pour les servitudes liées aux lignes de transport d’électricité et aux voies d’accès. Ou alors ils peuvent toucher des redevances basées sur les revenus annuels du projet. De même, les agriculteurs et les propriétaires fonciers ruraux peuvent générer de nouvelles sources de revenus en produisant des matières premières pour les installations de production de biomasse.”
En décembre 2015, un accord historique a été signé à Paris. A l’occasion de cet événement, les dirigeants de la planète ont affirmé qu’ils accorderaient la priorité à la lutte contre le changement climatique, acceptant de réduire les émissions de carbone pour rester “bien en deçà” d’une augmentation de 2° de la température mondiale.
Naturellement, les sceptiques se demandent si tous les 195 pays tiendront leur part d’engagement. Par exemple, selon CNN, la production pétrolière américaine a presque doublé au cours de la dernière décennie. En outre, à partir de 2016, le fracking (une technique de forage par propulsion hydraulique utilisée pour extraire du pétrole ou du gaz naturel du sous-sol profond) alimente la moitié de la production pétrolière américaine.
L’US Energy Information Administration (EIA) a rapporté que le fracking “a permis aux États-Unis d’augmenter sa production de pétrole plus rapidement qu’à n’importe quel moment de son histoire.”
Il n’est donc pas illogique de douter de l’engagement des États-Unis à l’égard de l’accord de Paris, surtout lorsque Trump ne reconnaît pas qu’il y ait là un problème de première urgence.
Les voix raisonnables comme l’ancienne candidate à la présidentielle pour le Green Party, Jill Stein, doivent être écoutées. Ses vues apparemment “radicales” sont en fait l’approche nécessaire pour surmonter ce défi.
“Le fracking n’a pas sa place dans notre avenir. Nous ne survivrons pas à notre dépendance aux combustibles fossiles. Nous devons passer à 100% d’énergie renouvelable et propre d’ici 2030”, a-t-elle récemment tweeté.
Elle a aussi écrit: “Ce plan mettra fin au chômage et à la pauvreté, permettra d’éviter la catastrophe climatique, de construire une économie durable et juste, et de respecter la dignité et les droits humains de chacun dans notre société et notre monde. Le pouvoir de créer ce nouveau monde n’est pas dans nos espoirs, il n’est pas dans nos rêves – il est entre nos mains.”
Il n’est plus temps de trouver des excuses à la transition difficile et très en retard des États-Unis vers les énergies renouvelables. Cette mentalité égoïste des grandes entreprises et corporations a non seulement mis en jeu le bien-être des Américains ordinaires, mais aussi celui du monde entier, maintenant et pour les générations à venir.
Auteur : Zarefah Baroud
* Zarefah Baroud est titulaire d'un master en études politiques de l'Université de Washington, où elle a effectué des recherches sur les programmes d'aide américains à l'armée israélienne. Zarefah Baroud a publié divers articles sur CounterPunch, Common Dreams, Socialist Worker et d'autres, et elle travaille en tant qu'associée aux médias numériques pour l'organisation American Muslims for Palestine.Zarefah est doctorante au Centre européen d'études palestiniennes de l'Université d'Exeter. Son compte Twitter.
14 janvier 2017 – Transmis par l’auteure – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah