L’État génocidaire va-t-il connaître sa « nuit des longs couteaux » ?

Milices fascistes stationnées à l'entrée de la base militaire israélienne de Beit Lid - Photo : via Al-Mayadeen

Par Al-Mayadeen

Schisme en Israël : des soldats détenus accusés de viol sont qualifiés de « héros ».

(*) « La nuit des longs couteaux » est le nom donné à la série d’assassinats et d’arrestations perpétrés par la Waffen SS dans la nuit du 30 juin 1934, ordonnés au sein de l’appareil dirigeant du parti nazi par Adolf Hitler, visant à liquider les SA au profit des SS. La montée en puissance de l’extrême droite nationale-socialiste allemande n’a été possible que grâce au soutien des milices paramilitaires des SA (Sturmabteilung, ou sections d’assaut), fondées par l’officier Ernst Röhm. Mais l’arrogance de Röhm et son trop grand pouvoir personnel au sein des SA – qui comptent près d’un million d’hommes en 1933, – amènent Hitler, peu après son accession au poste de chancelier du Reich, à décider de son élimination et de celle de ses principaux fidèles. Ainsi, dans la nuit du 30 juin 1934, Röhm est assassiné, avec l’essentiel de son entourage.

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L’armée israélienne a annoncé la suspension des « discussions critiques sur la sécurité concernant l’escalade dans le Nord », citant l’attaque de la base militaire de Beit Lid par des gangs d’extrême droite lundi soir.

L’armée israélienne a confirmé qu’elle avait interrompu un cycle de « discussions critiques sur la sécurité concernant l’escalade dans le nord », décrivant l’attaque de la base militaire de Beit Lid comme un « incident grave constituant une infraction criminelle et une menace pour la sécurité d’Israël et l’effort de guerre ».

L’incident fait suite à une escalade spectaculaire lorsque des dizaines de colons appartenant à des groupes fascistes, certains masqués et armés, rejoints par d’autres militants, ont pénétré dans une base militaire israélienne lundi soir.

La base était le site où des soldats de l’occupation israélienne, détenus pour de graves violations morales et la torture extrême d’un détenu palestinien, étaient interrogés.

Les rapports confirment qu’un détenu palestinien a été soumis à un viol collectif par 9 ou 10 soldats israéliens et a subi de graves tortures, entraînant une paralysie et une hospitalisation.

Selon un rapport de la radio de l’armée israélienne, les abus se sont produits il y a environ trois semaines dans le centre de détention de Sde Teiman. La victime a été découverte sur la base militaire dans un état critique et a ensuite été transportée dans un hôpital pour y être soignée et opérée.

Les colons protègent les soldats violeurs

Ces troubles se sont produits quelques heures seulement après qu’une autre base a été prise d’assaut par une foule d’extrême droite furieuse des arrestations.

Le journal israélien Haaretz a rapporté que trois bataillons de la brigade Nahal ont été déployés d’urgence dans la région entre Naplouse, Qalqilya et Tulkarem suite à leur implication dans la guerre contre Gaza. Le rapport souligne que « l’armée a été pleinement engagée au cours des dernières 24 heures dans les préparatifs d’un front nord potentiel qui pourrait dégénérer en guerre, mais a dû suspendre toutes les opérations en raison des événements de Beit Lid ».

Les images montrent des dizaines de colons israéliens pénétrant dans le bâtiment du tribunal militaire pour libérer de force les soldats israéliens inculpés, bien que le tribunal ait considérablement réduit leurs peines sous la pression de personnalités d’extrême-droite, en particulier les ministres Ben-Gvir et Smotrich, qui cherchaient à empêcher toute punition malgré les condamnations.

Les images montrent également une discussion animée entre des soldats et des enquêteurs de la police militaire au camp de concentration de Sde Teiman.

Il convient de noter que Sde Teiman, une installation militaire située dans le sud de la Palestine occupée, a acquis une triste notoriété en tant que site assimilé à un « nouveau Guantanamo », où l’armée israélienne se livrerait à la torture et au meurtre de civils palestiniens de tous âges, y compris des enfants, qui ont été enlevés dans différentes zones de la bande de Gaza depuis le début de la guerre, le 7 octobre.

Ces personnes sont amenées au centre pour un premier interrogatoire, comme l’indique l’armée israélienne.

L’État génocidaire va-t-il connaître son putsch militaire ?

Les médias internationaux ont déjà fait état d’abus à Sde Teiman, à la suite du tollé soulevé par des groupes de défense des droits locaux et internationaux au sujet des conditions horribles qui y règnent.

Aggravation des divergences politiques et militaires

Les scènes chaotiques d’effractions massives, menées par plusieurs membres de la coalition au pouvoir du Premier ministre Benjamin Netanyahu – dont certains étaient impliqués dans les entrées forcées – ont provoqué des affrontements et intensifié les divisions existantes au sein des institutions politiques et militaires d’« Israël ».

Le chef de l’armée, Herzi Halevi, a condamné les émeutes devant la base de Sde Teiman, déclarant qu’elles portaient atteinte « à l’armée, à la sécurité d’Israël et à l’effort de guerre ».

Les médias israéliens ont rapporté que les manifestations se sont poursuivies, culminant avec une effraction similaire à la base militaire de Beit Lid dans le centre d’Israël, malgré les appels au calme du Premier ministre Netanyahu, du ministre de la sécurité Yoav Gallant et du président Isaac Herzog.

Les députés de l’aile fasciste, dont le ministre de la police Itamar Ben-Gvir, le ministre du patrimoine Amichay Eliyahu et le député du sionisme religieux Zvi Sukkot, ont incité leurs partisans à manifester devant Sde Teiman, ce qui a entraîné l’entrée illégale de certains colons dans la base.

Après avoir quitté Sde Teiman pour Beit Lid, où les soldats étaient interrogés, des dizaines de colons ont également pénétré dans cette base, qui abrite la police militaire et les tribunaux de l’armée.

Israël a une longue histoire d’instrumentalisation de la violence sexuelle

Depuis 1948, des Palestiniens de tous âges, hommes et femmes, ont été enlevés, détenus, torturés et agressés sexuellement par les forces d’occupation israéliennes dans leurs prisons, Sde Teiman étant l’un des établissements les plus tristement célèbres. Souvent, leurs familles sont obligées d’assister à ces abus.

Depuis le 7 octobre, des images ont été diffusées montrant des femmes et des hommes palestiniens déshabillés par les forces israéliennes. Par la suite, des témoignages d’hommes palestiniens ont commencé à circuler dans le monde entier, révélant des formes extrêmes de torture et d’agression sexuelles, certaines impliquant des chiens d’attaque.

Ben-Gvir qualifie les violeurs de « meilleurs héros d’Israël », Levin déclare que l’armée israélienne s’est engagée dans une « guerre sainte »

Ben-Gvir a de façon provocatrice déclaré qu’il était « honteux » pour « Israël » d’arrêter « nos meilleurs héros », tandis que Smotrich a déclaré que « les soldats de Tsahal méritent le respect » et ne doivent pas être traités comme des « criminels ».

Face à ce tollé, le président de la commission des affaires étrangères et de la sécurité de la Knesset, Yuli Edelstein, a annoncé qu’il convoquerait mardi une audition urgente sur les arrestations des soldats de Tsahal.

« Je ne prêterai pas la main à des scènes comme celle qui s’est déroulée aujourd’hui à la base de Sde Teiman », a déclaré M. Edelstein. « Une situation dans laquelle des policiers militaires masqués font une descente dans une base de Tsahal n’est pas acceptable pour moi, et je ne permettrai pas que cela se reproduise ».

« Le ministre de la justice, Yariv Levin, qui critique souvent la Haute Cour de justice, a tenu cette dernière pour responsable de l’arrestation des soldats. Il a affirmé que cette situation justifiait la nécessité de relancer l’initiative de réforme judiciaire qu’il avait précédemment suspendue.

« J’ai été choqué de voir les images difficiles de soldats arrêtés à Sde Teiman comme on arrête de dangereux criminels », a déclaré M. Levin, estimant que les soldats concernés menaient une « guerre sainte » et que leur arrestation était le résultat d’une « distorsion morale qui part du sommet, des jugements et des décisions de la Haute Cour ».

30 juillet 2024 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine