Fatah et Hamas

Abdel Bari Atwan
Abdel Bari Atwan - Photo: via Quantara.de

Par Abdel Bari Atwan

La dernière “réconciliation” entre les factions palestiniennes opposées est-elle différente de toutes celles qui précèdent ?

Je suis sûr que je ne suis pas seul à être très sceptique quant aux dernières réunions tenues et aux accords conclus par le Fatah et le Hamas – les deux poids lourds de la scène politique palestinienne – sous l’égide de l’Égypte au Caire. Ce n’est pas en raison de l’ampleur des défis que cela implique. C’est parce que nous avons déjà assisté à cette scène à plusieurs reprises au cours des années, et parce que le niveau de confiance entre tous les intéressés est extrêmement faible.

Fatah et Hamas sont tous deux dans des bouleversements internes et se sentent de plus en plus marginalisés – tant au niveau arabe que international. Ils ont besoin de trouver une issue et d’organiser une reprise politique et médiatique. Ils sont donc revenus à un ancien stratagème – mais sans idées nouvelles – pour essayer de gagner du temps sans irriter les dirigeants égyptiens que les deux côtés sont désireux d’apaiser.

Beaucoup a changé depuis le premier accord de réconciliation signé au Caire en 2011. Les dirigeants égyptiens ont changé, tout comme le chef des services de renseignement égyptien qui est responsable de ce dossier, le général Khaled Fawzi ayant remplacé Omar Suleiman. Le Hamas a aussi changé. Il a élu un nouveau bureau politique et une direction plus jeune et plus à l’initiative dans la bande de Gaza, qui n’est pas affectée par les différents entre les Arabes et même les conflits intra-palestiniens.

La seule chose qui n’a pas changé est la direction du Fatah et de l’Autorité palestinienne (AP). Les mêmes têtes, la même approche, le même président, les mêmes négociateurs et les mêmes refus.

Initiatives avisées

Il faut reconnaître, en tant qu’observateur, que les dirigeants actuels du Hamas se sont révélés beaucoup plus proactifs et meilleurs manœuvriers que leurs homologues de Ramallah.

Ils ont rétabli des ponts avec l’Égypte et ont causé un coup de sang au Fatah en entamant un dialogue avec le candidat au pouvoir Muhammad Dahlan, soutenu par l’Égypte, et en s’entendant avec lui sous les auspices du Caire. En même temps, ils ont reconstruit les alliances avec l’Iran et le Hezbollah et se sont lavés les mains de la totalité ou de la plupart des alliances arabes de la direction précédente. Ils sont à présent prêts à restaurer les liens avec la Syrie et certains états du Golfe.

En revanche, le Fatah – et plus précisément la direction de l’AP – commettait des erreurs catastrophiques. Comme moyen de punir le Hamas, l’AP a cherché à aggraver la souffrance des deux millions de Palestiniens vivant dans la bande de Gaza, mais le projet a lamentablement échoué, révélant à la fois de la prétention et un jugement médiocre dans le processus décisionnel. L’AP a réduit l’approvisionnement en électricité de l’enclave assiégée, réduit les salaires de 60 000 employés publics (la plupart étant des partisans du Fatah), forcé 6000 d’entre eux à prendre une retraite anticipée. Elle a également fait de son mieux pour garder fermé le passage de Rafah – le seul lien de la bande de Gaza avec le monde extérieur.

Mais cela n’a pas affaibli le Hamas ni amené les habitants à descendre dans les rues pour protester contre son administration. L’initiative a échoué et a poussé le Hamas dans les bras de Dahlan, l’archi-rival du président et leader du Fatah, Mahmoud Abbas. En entamant un dialogue avec Dahlan, le Hamas a gagné du crédit auprès des sponsors égyptiens et d’autres États arabes de même nature, ce qui a permis de prolonger les périodes d’ouverture au passage de Rafah et de fournir du carburant égyptien à la seule centrale électrique du territoire assiégé.

Le problème de la direction de l’AP est qu’elle n’est pas suffisamment en prise avec les changements sur la scène internationale et régionale et dans la société palestinienne. Elle se comporte d’une manière individuelle et exclusive, comme si elle s’imaginait aussi puissante et populaire que l’était l’OLP à son apogée. Le Hamas – accusé d’être obscurantiste et en retrait – a changé au moins à trois reprises sa direction et son bureau politique par des élections internes, tandis que les dirigeants du Fatah et les membres du Comité central vieillissants restaient résolument en poste.

Certes, Abbas détient toujours la carte de la “légitimité”. Mais la légitimité de l’Autorité palestinienne s’effondre rapidement avec l’échec flagrant de son fondement principal, les Accords d’Oslo vieux de 24 ans, sous les coups de la colonisation israélienne en plein essor, du déclin de son soutien populaire et de la transformation de l’AP en mendiant d’une charité internationale assorties de conditions étouffantes.

Le sondage d’opinion le plus récent publié dans le journal The Guardian révèle que si des élections se tenaient aujourd’hui, le Hamas l’emporterait dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Mais qui peut persuader Abbas et son Comité central de croire à ce fait dérangeant, de reconnaître la réalité et de s’engager dans des mesures d’autocritique ou de révision ?

Prendre courage ?

Les rencontres entre le Hamas et Fatah ont abouti à des accords supposés lourds de conséquences. Le Hamas a exprimé sa volonté de dissoudre immédiatement son gouvernement (Conseil d’administration) à Gaza et d’organiser des élections à la présidence et à la législature de l’AP, ainsi qu’au Conseil national de Palestine. Il a également convenu de restructurer son appareil de sécurité et de donner tous les pouvoirs à un “gouvernement d’accord national” pour une période intérimaire en attendant la formation d’un “gouvernement d’unité nationale”.

Mais on recherche en vain dans tous les documents et déclarations, la moindre référence à la fin de la coordination répressive entre l’Autorité palestinienne et Israël, ou à la réactivation de la résistance sous toutes ses formes contre l’occupation, ou au rétablissement des allocations aux prisonniers politiques palestiniens dans les prisons de l’occupation, ou à l’annulation des réductions de salaire pour les employés à Gaza. Aucune mention de ces problèmes n’a été faite.

L’accomplissement le plus récent et plus importante des Palestiniens a été de forcer le Premier ministre israélien Binyamin Netanyahu à abandonner ses projets de renforcer le contrôle israélien sur la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem. Cette victoire a été obtenue sans l’implication directe ou indirecte ni du Fatah ni du Hamas, ni d’aucune des autres factions qui sont sur le point de s’engager dans une autre série de dialogues et de rapprochements pouvant leur donner plus de crédibilité.

Cela résume avec précision et sans détour l’état actuel de la politique palestinienne.

Ils veulent que nous nous nous réjouissions de la dissolution du Conseil d’administration de Gaza et du fait que les représentants du Hamas et du Fatah s’embrassent, au motif que la réconciliation serait sur la bonne voie. Pas de problème, nous respecterons leurs souhaits. Mais jusqu’à quel point pouvons-nous être optimistes, et combien de semaines ou de mois faudra-t-il ? Quels sont les mécanismes pratiques pour la mise en œuvre des accords ? Comment le nouveau gouvernement sera-t-il constitué ? Y aura-t-il des garanties de véritables réformes dans toutes sortes de domaines ou que la corruption sera réellement éradiquée ?

Il est épuisant et douloureux de continuer à écrire sur ces réunions et accords de réconciliation. Cela est devenu fastidieux en raison des constantes répétitions, et la difficulté de trouver quelque chose de nouveau à dire. Cela s’applique autant aux analystes qu’aux lecteurs. C’est pour cette raison que la Palestine a cessé d’être la cause centrale du monde arabe et que des dirigeants arabes sans envergure se sentent libres de se soucier ou non des Palestiniens et d’accueillir les Israéliens comme leurs nouveaux protecteurs.

18 septembre 2017 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah