La fermeture du bureau de l’OLP à Washington serait une chance pour la Palestine

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Rassemblement des partisans du Fatah à Gaza - Janvier 2013 - Photo : Archives Info-Palestine.eu

Par Daoud Kuttab

L’OLP se porterait mieux sans un bureau à Washington, écrit Daoud Kuttab.

Sans le savoir ou l’avoir prévu, l’administration Trump a peut-être fait aux Palestiniens un cadeau dont ils ont grandement besoin. La semaine dernière, l’administration a annoncé qu’elle ne renouvellerait pas l’autorisation de six mois pour le bureau de la délégation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington, DC. En réponse, le président palestinien Mahmoud Abbas a déclaré que toutes les relations avec les États-Unis seraient suspendues.

Bien que le Département d’État américain ait annulé la décision le 24 novembre, le mal était fait. Cette décision fait partie d’une série de politiques anti-palestiniennes adoptées par l’administration Trump, qui prouve ainsi qu’elle soutient pleinement Israël et que comme sous les précédentes administrations américaines, il y a peu de chances que les États-Unis soutiennent une résolution juste pour le problème palestinien. Ils essaient au contraire par tous les moyens possibles de pousser les Palestiniens à accepter toutes les exigences israéliennes.

À ce stade, le désengagement d’avec les États-Unis est la seule solution possible pour les dirigeants palestiniens. Étant donné que la pression de Washington se maintiendra, les Palestiniens doivent se préparer à des défis financiers et politiques majeurs.

Avoir une apparence d’État avec des emplois, des budgets et des programmes a fait plus de mal que de bien aux Palestiniens. Cela a créé une dynamique propre qui est tellement été liée au Processus d’Oslo qu’il est difficile de pouloir sortir de sa dépendance.

Cette complaisance a nui à la cause palestinienne parce qu’elle a créé toute une génération de Palestiniens qui bénéficient du statu quo. Un choc était nécessaire pour tirer les Palestiniens de cette complaisance. L’action américaine contre la mission de l’OLP pourrait être précisément la poussée nécessaire pour bousculer le système et briser ce fameux statu quo.

L’agessivité évidente que manifeste Washington pourrait pousser l’Autorité Palestinienne (AP) à chercher finalement une refonte complète de sa stratégie et de son organisation politique. Cela signifie que la retenue sur la poursuite judiciaire d’Israël devant diverses plateformes internationales sera finalement levée. L’OLP devrait faire avancer les enquêtes sur les crimes de guerre israéliens devant la Cour pénale internationale, sans tenir compte de la pression américaine et tout en sollicitant l’aide des alliés européens et arabes.

Les Palestiniens devraient également se préparer à une pression financière accrue sur l’AP et tous les employés qui en dépendent pour leurs revenus. Cela signifie qu’ils doivent réduire leurs dépenses, limiter les pratiques de corruption qui pèsent sur le budget et rechercher un soutien financier extérieur et venu des États arabes.

Plus important encore, pour avoir le soutien de la population en général, l’AP doit adopter une approche radicalement différente de la transparence et arrêter la coordination répressive avec Israël. Actuellement, une grande partie du budget annuel de l’AP est consacrée à cette dite “sécurité”. Si la coordination avec Israël n’est plus nécessaire, il est possible de réduire considérablement ce poste dans le budget.

L’AP devrait arrêter sa répression interne et les arrestations politiques arbitraires, et garantir les droits fondamentaux de liberté d’expression et de réunion. C’est aussi une opportunité pour la réconciliation palestinienne et les pratiques démocratiques à mettre en œuvre.

Il est important de résoudre les désaccords actuels avec le Hamas et le Jihad islamique et de les inclure dans le processus politique. Ce processus de réconciliation ne devrait pas dépendre de sponsors extérieurs et devrait être avant tout un processus mis en œuvre par les Palestiniens eux-mêmes.

L’AP devrait chercher un soutien direct de la population dans son ensemble et se gagner à nouveau de la légitimité en offrant aux Palestiniens un choix politique. Elle ne peut pas continuer à être dirigée par des officiels non élus. Elle devrait aller de l’avant avec le projet d’organiser des élections parlementaires et présidentielles avant la fin de 2018.

En ouvrant la scène politique, l’OLP devrait également chercher à inclure la diaspora et demander son soutien à la fois politique et financier. Depuis trop longtemps, des millions de Palestiniens vivant dans le monde ont été aliénés et leurs voix ignorées, ce qui a entraîné une apathie générale et une grande désillusion.

C’est aussi une opportunité pour l’OLP de soutenir sans réserve le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) qui a connu un grand succès en changeant sa position actuelle qui appelle uniquement au boycott des colonies israéliennes. L’AP devrait soutenir un boycott de tout l’État d’Israël.

Les divisions internes et les désaccords ont affaibli la cause palestinienne depuis des décennies. Elles ont profité à Israël et à ses alliés, et lui ont permis d’empiéter sur les droits des Palestiniens en toute impunité. Avec son offensive diplomatique actuelle, Israël tente de faire sortir la question palestinienne de l’agenda politique international et qu’elle soit oubliée.

La seule façon d’empêcher cela est que les Palestiniens et leurs partisans dans le monde entier se mobilisent sur tous les fronts. L’AP a la chance de pouvoir jouer un rôle clé en préconisant une stratégie nationale unifiée et en ralliant le soutien de toutes les composantes de la société palestinienne. La menace récente des États-Unis peut donner l’élan nécessaire pour y parvenir.

La nécessité d’unir les Palestiniens derrière une stratégie de libération nationale n’a jamais été aussi importante qu’elle l’est maintenant.

25 novembre 2017 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine