Par Yvonne Ridley
Ça ne se passe jamais très bien pour les lanceurs d’alerte lorsqu’ils tentent de braquer un projecteur sur des actes répréhensibles, et le dernier groupe en date de militants pro-palestiniens à faire son apparition en Grande Bretagne ne semble pas faire exception à la règle.
Palestine Action, qui a ciblé les bureaux et usines de la plus importante entreprise d’armement d’Israël en Grande Bretagne, a accusé la police de traiter ses membres comme des terroristes dans ce qui a été décrit comme « l’escalade d’une campagne de harcèlement et d’intimidation de la part de l’état ».
Parmi les nombreuses accusations portées contre les militants figure celle de chantage après l’envoi d’une série de messages aux propriétaires des locaux de l’entreprise d’armement les incitant à se conformer au droit international et aux conventions des droits humains en expulsant Elbit Systems de leurs murs. Le groupe Palestine Action affirme qu’il veut seulement dénoncer les usines d’armement présentes sur le sol britannique qui, insiste-t-il, facilitent les crimes de guerre à l’étranger.
Richard Barnard, cofondateur de Palestine Action, a été accusé cette semaine de « conspiration de chantage » au poste de police de Charing Cross, accusation que le groupe dit être « fallacieuse » et visant à effrayer les militants. Ceci suit une arrestation le 3 février au cours de laquelle les passeports des cofondateurs Richard Barnard et Huda Ammori ont été saisis par la police.
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Depuis sa création l’an dernier, Palestine Action a mené des actions directes soutenues contre Elbit Systems, ciblant ses usines et bureaux en Grande Bretagne dans le cadre de son opposition au commerce des armes « meurtrier » d’Israël. Au cours des derniers mois le groupe a mené avec succès une série de protestations contre les usines d’Elbit Systems, et les locaux des propriétaires de l’entreprise, LaSalle, causant plus de 2 millions de livres de dégâts et de pertes de production.
« La police utilise actuellement tous les outils à sa disposition pour essayer de démoraliser et perturber Palestine Action, » a déclaré le groupe hier. « Les cofondateurs de Palestine Action ont déjà été arrêtés en vertu de l’Annexe 7 ( de la loi de 2000 sur le terrorisme) et ont dû subir des interrogatoires en vertu de la législation anti-terroriste ; le domicile des militants a été perquisitionné (ou une tentative a été faite dans ce but) alors qu’ils étaient en garde à vue, et des objets leur appartenant dont passeports et appareils ont été confisqués. »
En outre, a déclaré Palestine Action, des militants se sont vu refuser la liberté sous caution, ou les conditions de libération sous caution étaient fixées de sorte à entraver les manifestations ou même le soutien aux manifestations. Les conditions de libération sous caution pour ce chef d’accusation ne sont pas différentes : couvre-feu de 22H à 7h, présence obligatoire au poste de police sur convocation, et interdiction de pénétrer dans six juridictions où Elbit opère. »
Par ailleurs, le groupe affirme que l’accusation elle-même est pure fiction. « L’accusation invoque la ‘conspiration de chantage’, basée sur des ’exigences injustifiées par lettres et courriels adressées à LaSalle Ltd, leur enjoignant d’expulser Elbit de leurs locaux. »
La correspondance avec les propriétaires des locaux d’Elbit System leur recommandait de ne pas s’associer à des « criminels de guerre » à moins d’être prêts à ce que des mesures soient prises à leur encontre. Huda Ammori a insisté sur le fait que ce n’est pas du chantage. « C’est demander aux entreprises de respecter le droit international et les conventions des droits humains. Ce à quoi nous assistons actuellement n’est rien d’autre qu’un autre prolongement du harcèlement par la police. Nous ne nous laisserons pas dissuader par le harcèlement policier ; nous ne ferons que nous renforcer et appelons tout le monde à nous rejoindre pour expulser les criminels de guerre. »
Elbit Systems a dix sites en Grande Bretagne et commercialise ses armes sous le label « testées sur le terrain ». Beaucoup de personnes pensent qu’il s’agit là d’un euphémisme signifiant qu’elles ont été testées sur des femmes, des hommes et des enfants palestiniens vivant dans la Bande de Gaza sous blocus. Israël a lancé de grandes offensives militaires contre Gaza et y a fait de nombreuses incursions depuis 2008. Un film documentaire réalisé par Yotam Feldman en 2013 – The Lab – a fait l’objet de controverses parce qu’il avançait et démontrait qu’Israël tire profit de l’expérimentation de ses armes dans les territoires palestiniens occupés. Le film a reçu plusieurs récompenses, dont le prix du Meilleur premier film au Festival international du film documentaire de Tel Aviv.
Il m’est difficile d’éprouver de la sympathie pour les fabricants et marchands d’armes qui utilisent les guerres brutales d’Israël contre des civils à Gaza comme « argument commercial » lucratif pour encourager d’autres régimes oppressifs à acheter leur marchandise mortelle.
Elbit fournit 85 pour cent des drones utilisés par l’armée israélienne. Certains d’entre eux ont été utilisés dans des exécutions extrajudiciaires et ont été déployés pour cibler et détruire des habitations palestiniennes et réprimer des protestations légitimes. Les drones et les armes furent utilisés très largement lors de « l’opération Plomb durci », l’offensive israélienne de 2008/9 au cours de laquelle au moins 1398 Palestiniens, dont 345 enfants ont été tués.
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Plus récemment l’Agence maritime et de Garde-côtes britannique a aussi acheté et utilisé des drones d’Elbit à des fins de surveillance dans le but de contrôler et refouler les migrants cherchant refuge au Royaume Uni. Des drones d’Elbit font partie de l’arsenal que l’armée brutale du Myanmar utilise dans le génocide des musulmans Rohingya dans l’état de Rakhine. Elbit Systems a aussi commencé à fournir de l’armement à l’armée indienne pour son « Projet Cheetah », alors même que les forces de sécurité sont engagées dans la violente répression des Cachemiris, atrocité qui continue.
Il sera intéressant de voir comment le système judiciaire anglais réagit aux procès à venir des militants de Palestine Action. Sur la base des éléments disponibles jusqu’ici, c’est peut-être Elbit Systems qui devrait être sur le banc des accusés et devrait rendre des comptes pour complicité directe ou indirecte dans des conflits qui font actuellement l’objet d’enquêtes pour crimes de guerre. Nous savons maintenant par exemple – grâce à la sortie d’un rapport secret – que les quatre jeunes garçons tués par une frappe aérienne alors qu’ils jouaient au football sur une plage de Gaza en 2014 ont été la cible de missiles lancés depuis un drone armé.
Au lieu de persécuter et de poursuivre des lanceurs d’alerte qui essaient de braquer les projecteurs sur les atrocités et les crimes de guerre commis à l’étranger, les Autorités britanniques devraient décerner aux membres de Palestine Action la médaille de bon citoyen pour avoir pris la défense des victimes de la terreur d’état dans les territoires palestiniens occupés par Israël. Je serais, moi-même, très heureuse de proposer leur nom pour la distinction.
Auteur : Yvonne Ridley
* Yvonne Ridley, journaliste et auteure britannique, procure des analyses politiques sur des questions relatives au Moyen-Orient, à l’Asie et à la guerre mondiale au terrorisme. Ses écrits ont été publiés dans de nombreuses publications dans le monde entier d’Est en Ouest dans des titres aussi divers que The Washington Post, le Tehran Times et le Tripoli Post, ce qui lui a valu reconnaissance et récompenses aux États-Unis et au Royaume Uni. Après avoir travaillé dix ans pour des grands titre de Fleet Street elle a élargi sa contribution aux médias audiovisuels et électroniques en produisant un certain nombre de films documentaires sur les questions palestiniennes et internationales allant de Guantanamo à la Libye et aux Printemps arabes.
21 avril 2021- Middle East Monitor – Traduction: Chronique de Palestine – MJB<