Hazem Balousha – Compte tenu de l’aggravation de sa crise financière et de son besoin de soutien militaire, le Hamas a repris ses relations avec Téhéran, qui étaient tendues depuis le début de la révolution syrienne.
Gaza City, Bande de Gaza – le Hamas a décidé de reprendre ses relations publiques avec la République islamique d’Iran après des années d’indifférence entre les deux du fait de la crise syrienne. Les signes de rapprochement sont venus des vice-présidents du Bureau politique du Hamas Mousa Abu Marzouk et Ismail Haniyeh.
Dans une interview du 15 juin accordée à la chaîne de TV Al-Aqsa affiliée au Hamas, Abou Marzouk a fait l’éloge de l’Iran pour la première fois depuis le départ du Hamas de la capitale syrienne, Damas. Il a déclaré : « Le soutien apporté par l’Iran à la résistance palestinienne – que ce soit dans le domaine de la logistique, de la formation ou le domaine financier – est sans égal et au delà des capacités d’autres pays. Le soutien et l’appui de l’Iran à la résistance et à la cause palestiniennes est claire, explicite et à la hauteur de la position des peuples libres, musulmans et arabes du monde qui appuient et soutiennent la résistance. »
Les relations entre le Hamas et Téhéran commencèrent à se détériorer en 2012, après que la vague de révolutions du printemps arabe eut atteint la Syrie, qui était l’allié principal du Hamas au Moyen-Orient. Un différend public survint lorsque le chef du Bureau politique du Hamas, Khaled Meshaal, quitta Damas, où il résidait depuis des années, suite à son refus de soutenir la position adoptée par le régime syrien et l’Iran à l’égard de la révolution syrienne.
Le conflit s’intensifia lorsque le Hamas reconnu la légitimité du régime du président yéménite Abed Rabbo Mansour Hadi, après la prise de contrôle par les Houthis des institutions de l’État et que l’Iran eut ouvertement apporté son soutien aux Houthis.
Ismail Haniyeh – dirigeant du Hamas à Gaza – a félicité par téléphone le président du Shuar Council, Ali Larijani, pour sa nomination. Un communiqué émis par le bureau de M. Haniyeh le 3 juin a confirmé « notre intention de rester fidèles à nos convictions et de ne pas dévier de la voie de la résistance, et notre engagement de maintenir le cap, de résister en Palestine, et d’appeler la nation [arabe et musulmane] à s’unir et à renoncer à la discorde dans l’intérêt de Jérusalem et de la Palestine. »
Les déclarations d’Abu Marzouk et l’appel téléphonique de M. Haniyeh confirment le changement survenu dans les rapports que le mouvement islamique entretient avec Téhéran, et corroborent l’idée que les relations entre eux avaient été renouées et le financement iranien rétabli.
Dans des clips audio divulgués sur YouTube le 30 janvier, on peut entendre Abu Marzouk critiquer durement l’Iran et nier les allégations de ce dernier selon lesquelles il apportait un soutien à la résistance palestinienne. Dans ces extraits, il parle de ce qu’il appelle des mensonges iraniens, disant, « Depuis 2011, ils prétendent que chaque bateau qu’ils ont perdu était à destination de nos côtes. Un bateau transportant des armes et perdu au Nigéria était soi-disant en route pour chez nous. Je leur ai dit qu’aucun bateau n’était arrivé chez nous, car tous les bateaux exposés semblent nous avoir été destinés. »
Un haut responsable du Hamas à Gaza a dit à Al-Monitor à ce propos, « Le bureau politique du Hamas a réglé le débat politique interne en votant en faveur d’une reprise des relations avec l’Iran, en particulier après que les espoirs de relations avec l’Arabie Saoudite se sont évanouis. »
La source, qui veut rester anonyme, a ajouté, « L’aile militaire du Hamas a fortement appuyé la reprise des dites relations, surtout étant donné le besoin urgent de fonds et de soutien militaire que seul l’Iran peut fournir. »
Dans une interview accordée à Al-Monitor, Ibrahim al-Madhoun, éditorialiste politique du quotidien Al-Risalah affilié au Hamas a déclaré, « Le Hamas espérait bâtir de sérieuses relations avec l’Arabie Saoudite, surtout après l’accession au trône du roi Salman. Mais ce plan semble avoir été contrarié par des complications politiques internes au royaume. »
Madhoun ajouta, « Il est nécessaire pour le Hamas et son aile militaire d’affronter l’ennemi sioniste, et la capacité inégalée de l’Iran à soutenir financièrement le mouvement – militairement et politiquement dans toute confrontation éventuelle – est à l’origine d’une plus grande ouverture envers Téhéran à un moment où l’axe arabe n’a pas suffisamment offert au Hamas pour l’attirer dans son camp. »
Un autre dirigeant du Hamas souhaitant rester anonyme a dit, « Les relations entre le Hamas et l’Iran n’ont jamais été interrompues et ont été épargnées au cours des dernières années. Leur intensité a diminué à certains niveaux à certaines périodes, mais les liens ont été maintenus, au moins sur le plan militaire. »
Il a ajouté, « Ce qui est diffèrent aujourd’hui, c’est que le Hamas et l’Iran ont décidé de rendre ces relations publiques, ne voyant aucune nécessité de les garder clandestines. Le discours public sur la reprise des relations est maintenant clair et explicite. »
Après la nomination du faucon de droite Avigdor Liberman au poste de ministre israélien de la défense et la montée des propos sur la possibilité d’une nouvelle guerre contre Gaza, l’aile militaire du Hamas, les Brigades Izz ad-Din al-Qassam, a ressenti le besoin urgent d’un soutien militaire et financier, tandis que son aile politique cherchait un appui politique public et explicite.
Le Hamas a essayé de retarder la reprise des relations avec l’Iran après le renversement de certains dirigeants arabes et l’ascension des Frères musulmans en Égypte. Mais la chute des Frères musulmans et l’éviction du président Mohammed Morsi en 2013 ont rendu le Hamas, qui est une branche des Frères musulmans en Palestine, mieux disposé à reprendre ses relations avec l’Iran.
Le haut dirigeant du Hamas a expliqué, « La carte du monde arabe est en train d’être redessinée. Le régime syrien remporte des victoires sur le terrain contre ses adversaires. L’Arabie Saoudite est préoccupée par sa guerre au Yémen et la Turquie renoue ses relations avec Israël. Il s’en suit que le Hamas craint de rester isolé à cause des évolutions régionales. Donc en toute conscience, il effectue un rapprochement avec l’Iran étant donné la totale conviction de sa direction que c’est là la meilleure option pour sauvegarder sa force politique et militaire. »
La décision du Hamas de retourner dans le giron de l’Iran est peut-être bien sa seule option en ce moment compte tenu de l’aggravation de sa crise financière et son besoin de soutien militaire. Grâce à ce soutien le Hamas vise à contrer les efforts persistants d’Israël pour découvrir des tunnels le long de la frontière avec Gaza, dans le but de détruire cette capacité militaire stratégique spécifique de laquelle le Hamas est devenu dépendant dans sa confrontation avec les forces israéliennes.
* Hazem Balousha est un journaliste palestinien basé à Gaza City. Il a travaillé pour BBC World Service, collaboré à la Deutsche Welle et écrit pour le Guardian, Al-Raya (Qatar) et d’autres publications. Il est le fondateur de l’Institut palestinien pour la communication et le développement (PICD). Sur Twitter : @iHaZeMi
29 juin 2016 – Al-Monitor – Traduction : MJB