Par Abdel Bari Atwan
Les États-Unis et leurs alliés occidentaux qui s’affairent aujourd’hui contre l’Iran commettent une grave erreur de jugement. Ils sous-estiment le pouvoir de l’Iran et de ses alliés dans la région, leur réaction probable aux provocations militaires et politiques auxquelles ils sont soumis et les conséquences potentiellement désastreuses d’une nouvelle escalade.
La crise actuelle liée à la détention de pétroliers en est le meilleur exemple.
Lorsque le dirigeant iranien Ali Khamenei a averti que son pays allait se venger de la saisie par les forces britanniques la semaine dernière d’un pétrolier iranien dans le détroit de Gibraltar, les autorités de la Grande-Bretagne ont estimé qu’il ne s’agissait que d’une exagération verbale. Ils ne s’attendaient pas à ce que la menace soit traduite dans la pratique. Mais cela s’est réalisé : les forces navales iraniennes ont procédé à la saisie d’un pétrolier britannique dans le détroit d’Hormuz, affirmant qu’il avait violé la réglementation maritime, s’était heurté à un bateau de pêche iranien et avait pollué les eaux du Golfe.
Le Royaume-Uni n’a pas arraisonné le pétrolier iranien Grace Ibec parce qu’il avait enfreint les lois, mais sur instructions de Washington. Et les gardiens de la révolution iraniens n’ont pas saisi deux pétroliers britanniques dans le Golfe (dont un a été relâché par la suite) pour des raisons de sécurité ou d’environnement. Ils l’ont fait pour obtenir une monnaie d’échange afin de forcer les autorités britanniques à restituer leur propre navire.
Les dirigeants iraniens veulent envoyer un message clair aux États-Unis et à leurs alliés occidentaux : ils tiennent parole et ne resteront pas sans réaction face à un assaut concerté contre leur économie et leurs intérêts. Cela poussera les choses aussi loin que nécessaire, même si la situation dégénère en guerre totale. Surtout, l’Iran n’est pas disposé à répéter l’expérience de l’Irak qui a été soumis à un blocus économique de huit ans avant de se voir envahi et dévasté et son régime renversé. Il espère que le message a été reçu et bien compris.
L’Iran ne restera pas en retrait et ne permettra pas que son peuple soit soumis à la famine ou à l’étranglement de ses exportations de pétrole. Les flottes et les porte-avions américains ne l’impressionneront pas, et les éventuelles négociations ne se dérouleront qu’à des conditions qui seront les siennes. Il a montré sa détermination en abattant un drone américain qui n’avait pénétré que d’une courte distance dans son espace aérien, et en mettant en œuvre sa menace de produire et de stocker plus d’uranium que prévu dans l’accord nucléaire après l’abandon de ce dernier par les États-Unis. Si Washington et ses alliés ne comprennent pas le message, ils risquent de commettre une nouvelle erreur stratégique catastrophique qui leur coûtera très cher, à eux et à leurs obligés dans la région.
Aucun de ces alliés n’a encore cédé aux pressions pour rejoindre la nouvelle alliance anti-iranienne proposée par les États-Unis, à l’exception des gouvernements de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Ceux-ci doivent jouer leur rôle habituel en réglant les factures de cette alliance et en ravitaillant et entretenant ses navires de guerre avec l’argent de leur peuple.
La force de l’Iran ne découle pas de son arsenal de missiles balistiques et de petits bateaux de guerre difficiles à détecter, mais de sa volonté de résister, et de sa capacité à exercer des représailles contre toute agression.
Lors de mon interview samedi au programme Dateline de la BBC à Londres, on m’a demandé, si j’étais conseiller auprès de la première ministre britannique Theresa May, quelle serait ma recommandation au sujet de la détention du pétrolier britannique. J’ai répondu que même si je n’étais pas et ne serais jamais dans une telle situation, je lui conseillerais (1) de libérer le pétrolier iranien, (2) de le faire sans délai, et (3) de prendre ses distances de la politique téméraire de Tump, sous peine de se retrouver confrontée à une avalanche de problèmes au Moyen-Orient et en particulier dans le Golfe.
L’Iran n’est pas isolé. Ses alliés de « l’axe de résistance » régional – en Syrie et en Irak, au Liban et au Yémen sont également déterminés à résister et à exercer des représailles contre toute agression. L’époque où les gouvernements du reste du monde faisaient la queue pour rejoindre les « diverses » coalitions et jouer un rôle symbolique dans les guerres du Moyen-Orient, convaincus qu’ils ne rencontreraient que peu de résistance, est bel et bien révolue.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
21 juillet 2019 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah