Abed Zagout – On refuse à la famille de Nisreen Hassan tout contact avec elle.Au mois d’octobre dernier, cette femme a été arrêtée à Erez, le check point militaire entre Gaza et Israël. Depuis lors, elle est détenue par les Israéliens.
Selon sa famille, on a diagnostiqué que cette citoyenne palestinienne d’Israël, âgée de 41 ans, souffrait d’un lymphome. Avant son arrestation, elle avait reçu une chimiothérapie à Gaza et son état de santé s’était amélioré.Son avocat a assuré à sa famille qu’elle recevait un traitement médical adapté à son cas. Malgré tout, ils ne sont pas autorisés à lui parler. La dernière fois où elle a eu le droit de téléphoner à Hazem Abu Kmail, son mari, remonte au mois de février.
Son mari a déclaré : « Elle m’a dit qu’elle allait bien et qu’elle envoyait toute son affection aux enfants. »Cette femme est en fait accusée d’avoir photographié des sites militaires israéliens en vue de transmettre les photos à des groupes armés palestiniens.Elle s’est déclarée innocente.
Lorsqu’en mars dernier son cas a été porté devant un tribunal israélien elle a refusé de comparaître devant les juges car, selon elle, cette accusation n’était pas fondée. Son mari a ajouté qu’elle ne s’était jamais mêlée de politique et n’avait jusque là jamais été arrêtée.
Ils voulaient juste déménager
Les autorités israéliennes lui avaient demandé de se présenter au check point d’Erez le jour où précisément elle fut arrêtée. Elle croyait y avoir été convoquée parce qu’elle avait fait la demande pour sa famille de documents pour se déplacer et de papiers d’identité établis en Israël.
Son mari a dit qu’une heure après son départ, il recevait un coup de fil l’avertissant de son arrestation.
Le check point d’Erez est l’un des deux seuls points de passage entre Gaza et Israël. L’autre, celui de Rafah, est le principal point de sortie pour 1 800 000 Palestiniens. Mais l’Egypte l’a fermé en octobre 2014 et ne l’a que très rarement rouvert.
Le passage par Erez, dans le nord de la bande de Gaza, n’est autorisé qu’aux détenteurs d’un permis israélien. La plupart de ceux-ci sont des commerçants et de rares cas humanitaires, notamment des patients qui ont besoin de soins médicaux introuvables à Gaza. L’an dernier, le groupe israélien pour la défense des droits de l’homme, Gisha, y a enregistré une moyenne de 14 000 passages par mois.
Il est fréquent que les Israéliens arrêtent des Palestiniens qui tentent de passer par Erez.L’an dernier, ils y ont arrêté 44 Palestiniens, dont 4 patients. C’est ce que rapporte Al Mezan, un groupe pour les droits de l’homme basé à Gaza.
Au cours du premier trimestre de 2016, 7 Palestiniens, dont 2 patients, y ont été arrêtés.
Samir al-Zaqout, un chercheur qui travaille avec l’organisme Al Mezan, s’est lui-même vu refusé le passage par Erez. Il a déclaré : « Israël poursuit sa politique qui consiste à arrêter les patients et à les empêcher d’arriver à l’hôpital à l’heure pour leurs rendez-vous tout en prétextant que c’est pour des raisons de sécurité, ce que nous démentons absolument. »
Nisreen Hassan a été arrêtée après avoir été convoquée par les Israéliens au poste d’Erez, l’un des deux seuls points de sortie de la bande de Gaza.
Vers la fin de l’année dernière, Israël a imposé de nouvelles restrictions, limitant le nombre des maladies pour lesquelles les Palestiniens étaient autorisés à se faire soigner en dehors de la bande de Gaza. Ils ont également rallongé le temps qu’ils mettent à vérifier les identités de ceux qui accompagnent les patients à l’hôpital.Le docteur Bassam al-Badri, fonctionnaire du Ministère de la santé à Gaza, a dit que les retards dus à ces nouvelles restrictions “amenaient les hôpitaux à refuser les patients qui n’arrivaient pas à l’heure à leur rendez-vous.”
L’organisation israélienne pour le respect des droits de l’Homme, Gisha, a certifié que l’an dernier “le nombre de détenteurs de permis de passage appelés au poste d’Erez afin d’être interrogés pour “raisons de sécurité” n’avait cessé de croître”.
C’est lors d’une de ces convocations qu’il vaut mieux ne pas ignorer sous peine de se voir retirer son permis de passage que Nisreen Hassan a été arrêtée.Elle a grandi à Haifa. Depuis longtemps, elle tentait de faire sortir sa famille de la bande de Gaza pour qu’ils s’établissent à Haifa.
Ils avaient l’espoir que son mari aurait bien plus d’occasions d’y trouver du travail. Ils vivent dans le quartier Tal al-Hawa, à Gaza, et ont bien du mal à joindre les deux bouts.La seule source de revenus du mari vient de son travail de colporteur. Bien souvent, il gagne moins de deux dollars par jour.
Selon les dernières informations d’un organisme israélien pour la défense des droits de l’Homme, Addameer, Nisreen est l’une des 70 Palestiniennes actuellement retenues en prison. Elle est d’abord restée à la prison de Hasharon puis a été transférée à celle de Damon. Les deux prisons se trouvent en Israël.Riyad al-Ashqar, directeur du Centre d’Études sur les Prisonniers, situé à Gaza, a déclaré que ces deux prisons sont surpeuplées.
Une famille angoissée
L’emprisonnement de Nisreen a plongé toute sa famille dans une grande anxiété.
En son absence, c’est sa fille aînée, Amira, âgée de 12 ans, qui joue le rôle de mère.
Amira doit nettoyer la maison familiale avant de partir à l’école et quand elle en revient et s’occuper de son petit frère Ahmad, âgé de 18 mois.
Elle doit à présent remplacer sa mère auprès de ses frères et sœurs cadets.
En tout, Nisreen a sept enfants. Son mari est pris par son travail une très grande partie de la journée. La responsabilité des tâches ménagères leur retombe donc dessus, particulièrement sur Amira.Celle-ci déclare : « Je ne sais pas faire la cuisine comme maman. La plupart du temps, aujourd’hui, nous mangeons des conserves. La délicieuse cuisine de notre mère nous manque beaucoup. »
En plus de s’occuper de ses frères et sœurs, Amira participe régulièrement à des manifestations de solidarité avec les prisonniers palestiniens. Ces manifestations ont lieu dans la ville de Gaza au siège du Comité international de la Croix Rouge. Amira a demandé à la Croix Rouge de lancer une campagne pour la libération de sa mère.Elle ajoute : « Maman nous manque terriblement. Je n’arrive plus à rien gérer. Je veux qu’elle revienne avec nous. »
* Traduit de l’anglais par Christine Malgorn , auteure de Syrie, mon amour. 1860, au cœur de la guerre oubliée, édition Harmattan, 2012 – Voir la vidéo (disponible sur Amazon) ; et de « Bienvenue au Shéol » paru en avril 2015 (disponible en numérique sur Amazon, et en format papier). Consultez son blog.
14 juin 2016 – The Electronic Intifada