Par Daniel Vanhove
En tant que militant de la cause Palestinienne, je pense même que cette décision a un avantage majeur : elle clarifie une fois pour toutes la position américaine pour ceux qui faisaient encore semblant de l’ignorer en feignant de penser que les USA étaient garants de neutralité, ce qu’ils n’ont jamais été tout au long de leurs interventions dans cette guerre coloniale au profit d’Israël, quels que soient les agissements de ce dernier.
Et dès lors, suite à cette décision, terminé le moribond « processus de paix » avec en point de mire, l’établissement de « deux Etats » se partageant Jérusalem comme capitale ; terminées les négociations autour des miettes dont la Palestine devait se contenter pour la création de son Etat parcellaire ; terminés le « quartet » insipide, inodore et incolore, ainsi que les ballets diplomatiques ne brassant que du vent et des bonnes intentions, se résumant toujours au même mantra des « deux Etats » ; terminés les plans foireux dont les Palestiniens font systématiquement les frais, le payant de plus en plus cher. La décision de D. Trump remet les pendules à zéro et a l’avantage de faire table rase d’une situation inextricable où chacun se regardait comme chien de faïence, accusant l’autre de blocage, sans que l’on puisse pointer la moindre avancée dans cette guerre d’usure, sauf au profit flagrant et incontestable de l’idéologie sioniste qui n’a cessé de progresser.
Pour ceux qui l’ignorent, je rappelle qu’en 1995, le Congrès américain avait déjà adopté le Jerusalem Embassy Act appelant les États-Unis à déménager l’ambassade de Tel Aviv à Jérusalem, « capitale de l’État d’Israël ». Cette loi, contraignante pour le gouvernement américain, était flanquée d’une clause permettant aux présidents de repousser son application pour six mois. Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama ont systématiquement utilisé la clause chaque semestre. Et D. Trump l’a utilisée une fois. Jugeant qu’aujourd’hui, il était temps d’arrêter la mascarade, et d’appliquer la loi de 1995.
Quelles retombées au niveau international ?
Les pays arabes ou à majorité musulmane tempêtent à grand renfort de déclarations et de menaces plus alarmistes les unes que les autres. Dans les faits, on verra… d’autant que pour tenter de déminer le terrain Ysrael Katz, ministre israélien du renseignement, a lâché que cette décision avait été prise en coordination avec certains pays arabes dont l’Arabie saoudite, de quoi tempérer quelque peu la colère montante… Info ou intox, les prochains jours/semaines nous le diront.
Dans les pays traditionnellement alliés des USA, les gouvernements ont fait part de leurs réticences voire pour certains de leur réprobation. Dans les faits, on verra… d’autant qu’en France – le gouvernement le plus « sionisé » d’Europe – le CRIF1 a déjà encouragé le président Macron à suivre l’exemple des USA, le député FN G. Collard a fustigé E. Macron le traitant de « mauviette » de ne pas avoir le courage de suivre l’exemple américain, et B. Netanyahu doit rencontrer le président français ce lundi 11 décembre… Là aussi, les prochains jours/semaines nous indiqueront ce qu’il en est.
Dans tous les cas, s’inscrivant à l’encontre du Droit international et des multiples Résolutions de l’ONU sur le sujet, cette déclaration tombe comme un aveu d’échec de ces derniers, même si cette décision n’a dès lors aucune valeur juridique.
A ce jour, qui réagira vraiment ?
Une fois de plus, c’est la rue palestinienne qui va payer le prix fort. Elle est, et restera seule, à s’insurger en pratique contre cette décision, encouragée par les autorités du Fatah et du Hamas ainsi que la plupart des dirigeants des pays arabo-musulmans multipliant harangues et menaces, et poussant au soulèvement. Eux-mêmes ne descendront pas dans la rue, préférant y envoyer leur jeunesse. Ainsi, comme dans n’importe quel pays, chacun peut voir et comprendre que le drame des peuples sont vraiment leurs dirigeants !
Chez nous, on verra sans doute quelques habituelles manifestations, un peu plus agitées peut-être… mais comme souvent, sans lendemain au niveau des responsables de gouvernements, seuls à même de pouvoir prendre des sanctions envers une décision qui va à l’encontre du Droit international qu’ils prétendent défendre. Hélas, quantité de situations préalables ont déjà démontré à quel point ces politiciens sont dépourvus de tout courage et du minimum de sens moral. Ainsi, je le répète, les seuls à se soulever avec la colère et la détermination qui conviennent seront les Palestiniens, comme toujours, jeunes pour la plupart, qui une fois encore payeront de leur vie une décision prise à l’autre bout de la planète, par une administration arrogante et sûre de pouvoir faire la pluie et le beau temps en fonction de ses intérêts coloniaux.
A court terme
Il y a néanmoins dans ce « jour historique » comme l’a désigné B. Netanyahu – et il a probablement toutes les raisons de le penser et de le proclamer, n’hésitant pas à affirmer que d’ici peu, d’autres pays emboîteront le pas aux USA – d’autres menaces : 1/. que cette reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu ouvre la voie royale pour imposer dans la foulée, une reconnaissance de facto de l’État israélien comme État juif. En effet, si la capitale l’est, pourquoi le pays tout entier ne le serait-il pas ?! D. Trump ayant déclaré au cours de son intervention qu’en tant qu’État souverain, Israël avait le droit de déterminer quelle serait sa capitale. Plus clair que cela… On attend donc la suite.
L’État sioniste sous la direction de B. Netanyahu a lamentablement échoué dans ses tentatives de renversement du gouvernement syrien. Il est, avec les USA et l’alliance occidentale, l’un des grands perdants de la longue guerre menée en Syrie. Tous ses plans et manigances se sont retournés contre lui, il fallait bien que le 1er ministre ait quelque chose à présenter au pays pour tenter de sauver sa peau, d’autant qu’il est empêtré, lui aussi, dans des affaires de corruption. De même pour D. Trump malmené dans plusieurs dossiers et qui se devait de redorer son blason aux yeux d’une large partie de son électorat, les chrétiens-évangélistes, puissant lobby souvent plus sioniste que les juifs eux-mêmes. Voilà qui est fait, dans les deux cas.
A moyen terme
Si cette première étape réussit, et que dans quelques mois nous assistons comme le prédit Netanyahu à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par d’autres Etats, l’étape suivante risque bien d’être celle-ci : 2/. sous prétexte de fouilles archéologiques, la découverte de n’importe quel caillou présenté comme vestige du Temple de Salomon qui autoriserait alors la démolition de la mosquée al-Aqsa déjà menacée régulièrement, sous allégation de lieu saint hébraïque, et son remplacement par le nouveau Temple que les sionistes les plus exaltés rêvent de reconstruire à sa place, préfigurant pour ces « fous de Dieu » la venue tant attendue de leur Messie, ramenant ainsi un problème strictement politique sur le terrain du religieux, piège à cons de tous ceux qui ne comprennent rien à ce dossier.
Cela entraînera là encore des hurlements de colère, des protestations en tous genres, des menaces verbales et une vive réprobation venant des quatre coins de la planète, avec à coup sûr, des poussées de violences imprévisibles et inégalées… qu’essuiera en première ligne le peuple palestinien, mais l’État sioniste poursuivra comme il le fait depuis toujours, le déroulement de ses plans que personne jusqu’à présent, n’est parvenu à arrêter ni même enrayer.
Ensuite, 3/. même à travers des violences devenues coutumières, ce qui reste de la Palestine tombera – à l’exception de Gaza – dans l’escarcelle de l’État israélien, et l’idéologie sioniste en ressortira plus que victorieuse. Elle aura quasiment atteint ses objectifs, même si l’un ou l’autre îlot sera laissé comme os à ronger à une population épuisée et exsangue d’avoir lutté contre vents et marées des décennies durant, encagée dans des conditions concentrationnaires à Gaza. Sous le regard désormais impuissant, contrit mais hypocrite et combien coupable de nos « démocraties » et du « Droit international » incapables d’arrêter la fuite en avant de ce qu’ils auront non seulement toléré trop longtemps mais dont ils se seront rendus complices à de multiples occasions. L’ONU déjà chancelante en sera encore plus fragilisée et son devenir même risque d’en être hypothéqué. Les USA de D. Trump se sont retirés de plusieurs organisations internationales. Certains pays pourraient envisager de sortir d’une ONU qui n’aurait plus aucun pouvoir sinon de se coucher devant les plus forts et donc, n’aurait plus aucune légitimité ni raison d’être, en tous cas, sous sa forme actuelle.
A long terme
Mais, tout le monde sait que les électeurs ont la fâcheuse tendance à avoir la mémoire courte. Et ce qui est présenté aujourd’hui comme un « jour historique » me semble contenir tous les ingrédients pour que ce jour se retourne de manière inattendue en ténèbres contre ceux qui l’ont provoqué et encensé. Comme l’écrivent très justement deux journalistes d’al Jazeera : « Jérusalem ne sera jamais la capitale israélienne ». Et les vrais résistants ne se couchent jamais. Que du contraire, plus l’injustice prévaut, plus celle-ci alimente leur détermination. L’apparent cadeau que vient de faire l’administration américaine au gouvernement Netanyahu est un cadeau pourri. Et aussi bien les USA qu’Israël seront perdants, s’entraînant mutuellement dans leur chute. Ce n’est qu’un épisode de plus dans la dérive actuelle, mais Jérusalem et la Palestine retrouveront plus tôt que tard, leur statut initial de ville et de pays arabe, où toutes les communautés présentes sur le territoire y jouiront comme avant de la liberté de vivre leur culte, dans le respect des autres, comme dans tout pays moderne, tourné vers l’avenir et animé d’une justice équitable pour tous ses citoyens, et non pour une partie d’entre eux.
En attendant, par sa funeste alliance avec l’occupant terroriste israélien l’administration américaine n’a fait qu’ajouter de l’huile sur un Moyen-Orient qu’ils ont déjà amplement enflammé. Et les jours/semaines qui suivent risquent d’aboutir à un nouvel embrasement – il est question d’une 4è Intifada – dont la colonie sioniste ne doit pas penser qu’elle sortira indemne, la résistance arabe s’étant considérablement renforcée ces dernières années. Et la rue arabe est plus que jamais unie face à cette décision qu’elle considère, à juste titre, comme une déclaration de guerre. Et en temps de guerre, ce sont les armes qui parlent ! A terme donc, cette décision hostile sera comme l’écrivent certains, les portes ouvertes de l’enfer qui engloutiront la colonie israélienne la faisant payer enfin pour ses multiples crimes et leur inadmissible impunité.
* Daniel Vanhove est Observateur civil et membre du Mouvement Citoyen. Il a publié aux Ed. Marco Pietteur – coll. Oser Dire : Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos âmes – 2004 et La Démocratie mensonge – 2008
9 décembre 2017 – Transmis par l’auteur.