Par Ramona Wadi
L’Autorité palestinienne se livre régulièrement à des démonstrations hypocrites de solidarité envers les prisonniers palestiniens.
La dernière fois, c’était lors d’un sit-in organisé par des militants, devant l’église de la Nativité de Bethléem, en solidarité avec les prisonniers palestiniens en grève de la faim dans les prisons israéliennes.
Le premier ministre de l’AP, Rami Hamdallah, a participé à l’événement.
Selon l’agence de presse Ma’an qui tenait cela d’un défenseur des droits des prisonniers palestiniens, Hamdallah a déclaré que l’Autorité palestinienne a « toujours fait de la cause les prisonniers une priorité absolue. »
Parler ici de « priorité » est inapproprié.
Depuis des années, justement, les prisonniers palestiniens sont abandonnés à leur triste sort, du fait de la collaboration de l’AP avec Israël qui permet tout à la fois de remplir les prisons israéliennes et de violer les droits des prisonniers palestiniens pendant les négociations.
L’histoire palestinienne regorge d’informations sur la façon dont la résistance s’est en partie construite dans les prisons et sur le fait que les prisonniers faisaient partie intégrante de la lutte anti-coloniale.
L’aversion de l’AP envers la résistance a eu une influence très négative sur la situation des prisonniers palestiniens et la perception de leur situation, en particulier par les observateurs extérieurs, et a contribué à une sorte d’acceptation internationale du cycle perpétuel des violations des droits de l’homme dans les prisons israéliennes, notamment à travers la détention administrative et la torture.
Les médias ne s’intéressent aux grévistes de la faim palestiniens que lorsque leur vie est en danger. On le voit aujourd’hui avec Bilal Kayed. Ça a commencé avec Samer Issawi, qui a été mis sous le feu des projecteurs, et ensuite oublié.
Plus récemment, Mohammed Al-Qeq, un autre prisonnier politique palestinien qui avait entamé une grève de la faim de protestation, a fait sensation dans les médias après que des images de lui se tordant de douleur sur un lit d’hôpital aient été diffusées.
Dans le cas d’Issawi comme dans celui de al-Qeq, les médias s’intéressent exclusivement aux détails sensationnels et ne font pas plus le lien entre la lutte des palestiniens et leur grève de la faim, que l’Autorité palestinienne et Israël ne reconnaissent les conséquences humanitaires de leur politique.
Kayed a été arrêté en 2002 et condamné à 14 ans et demi de prison. Depuis 2015, il est placé à l’isolement, et un ordre de détention administrative a été délivré pour l’empêcher de sortir en juin 2016 comme il aurait dû le faire.
Maintenant que Kayed a été transféré à l’hôpital Barzilai, et se trouve enchaîné à son lit comme d’autres grévistes de la faim palestiniens avant lui, l’Autorité palestinienne a jugé bon de faire semblant d’intervenir.
Son soi-disant soutien, cependant, n’est qu’une façade destinée à détourner l’attention de la réalité de la coordination sécuritaire avec Israël qui fait des ravages dans les familles palestiniennes.
Particulièrement importante en 2014, pendant l’opération Brother’s Keeper [recherche par l’armée d’occupation de trois adolescents israéliens disparus dans les territoires occupés] qui a précédé l’opération Protective Edge [bombardements massifs israéliens sur la bande de Gaza en juillet et août 2014], la coordination sécuritaire est l’expression ultime de la corruption de l’AP.
Celle-ci aide en effet Israël à sélectionner les Palestiniens à kidnapper et à soumettre à la torture et à des peines de détention administrative interminables.
Le mépris envers les prisonniers politiques palestiniens a été le plus flagrants au cours de la dernière série de négociations supervisées par les Étasuniens en 2014.
Tout au long des négociations, Israël a capitalisé sur la libération des prisonniers politiques palestiniens pour poursuivre l’expansion des colonies, contre laquelle, d’ailleurs, l’Autorité palestinienne ne s’est pas vraiment élevée.
Le refus d’Israël de libérer le dernier groupe de prisonniers palestiniens a été accueilli avec une indignation toute relative, l’AP se contentant de vagues menaces d’avoir recours aux institutions internationales si sa demande de libération n’était pas acceptée.
Les prisonniers palestiniens n’ont été, en fait, pour l’AP, rien d’autre qu’un objet de marchandage sans lendemain. Deux ans plus tard, bien qu’une procédure ait été entamée à la CPI, les prisonniers palestiniens n’ont pas constaté la moindre avancée dans le respect de leurs droits.
Bien au contraire, la marginalisation internationale a augmenté et il n’y a plus que les organisations de défense des droits humains qui s’intéressent aux prisonniers qui protestent contre la détention administrative par des grèves de la faim.
Cette inversion des rôles réduit aussi l’impact de la lutte car ces organisations ont beaucoup moins de ressources et d’influence que les organisations politiques.
Le fait que l’Autorité palestinienne ne manifeste aucune volonté politique de faire quoi que ce soit en dehors du mirage des négociations, laisse à penser qu’elle collabore de son plein gré aux violations des droits de l’homme des prisonniers politiques palestiniens.
Le voile que l’Autorité palestinienne tire sur les prisonniers politiques palestiniens enfermés dans les prisons israéliennes permet aussi de faire oublier le rôle historique qu’ils ont joué dans la lutte anti-coloniale.
Loin d’être isolés du reste de la population, les prisonniers politiques palestiniens ont été les fers de lance de la lutte organisée et de la formation des Palestiniens.
Non seulement ils ont développé la coopération entre les factions politiques palestiniennes et permis leur union, mais c’est aussi grâce à eux que les Palestiniens sont formés et conscients de la situation.
Les Accords d’Oslo ont donné lieu à une libération massive de prisonniers palestiniens, mais ils ont également ouvert la voie à de nouvelles arrestations grâce à la coordination sécuritaire.
Le déclin de la sensibilisation à la lutte anti-coloniale peut être attribué à plusieurs facteurs découlant des Accords d’Oslo, dont la création de l’AP qui a conduit à la désintégration des mouvements antérieurs de soutien à la lutte anti-coloniale.
L’AP est bien consciente du rôle central des prisonniers palestiniens dans la lutte pour la libération, d’où ses efforts pour marginaliser cet aspect important de l’histoire et s’assurer qu’il n’y ait pas de retour en arrière.
La détention administrative sert parfaitement ces objectifs, ainsi que les habituels reportages parcellaires des médias qui mettent en lumière des cas individuels, en prenant soin de ne pas replacer les grèves de la faim dans le contexte plus large de la lutte contre la colonisation.
Pour l’AP, aussi longtemps que les médias concentrent leur attention sur la détérioration de la santé des grévistes de la faim, plutôt que sur les intrigues délétères qui se cachent derrière la réalité apparente, tout est parfait.
La dernière fois, c’était lors d’un sit-in organisé par des militants, devant l’église de la Nativité de Bethléem, en solidarité avec les prisonniers palestiniens en grève de la faim dans les prisons israéliennes.
Le premier ministre de l’AP, Rami Hamdallah, a participé à l’événement.
Selon l’agence de presse Ma’an qui tenait cela d’un défenseur des droits des prisonniers palestiniens, Hamdallah a déclaré que l’Autorité palestinienne a « toujours fait de la cause les prisonniers une priorité absolue. »
Parler ici de « priorité » est inapproprié.
Depuis des années, justement, les prisonniers palestiniens sont abandonnés à leur triste sort, du fait de la collaboration de l’AP avec Israël qui permet tout à la fois de remplir les prisons israéliennes et de violer les droits des prisonniers palestiniens pendant les négociations.
L’histoire palestinienne regorge d’informations sur la façon dont la résistance s’est en partie construite dans les prisons et sur le fait que les prisonniers faisaient partie intégrante de la lutte anti-coloniale.
L’aversion de l’AP envers la résistance a eu une influence très négative sur la situation des prisonniers palestiniens et la perception de leur situation, en particulier par les observateurs extérieurs, et a contribué à une sorte d’acceptation internationale du cycle perpétuel des violations des droits de l’homme dans les prisons israéliennes, notamment à travers la détention administrative et la torture.
Le sensationnalisme des médias et l’AP
Les médias ne s’intéressent aux grévistes de la faim palestiniens que lorsque leur vie est en danger. On le voit aujourd’hui avec Bilal Kayed. Ça a commencé avec Samer Issawi, qui a été mis sous le feu des projecteurs, et ensuite oublié.
Plus récemment, Mohammed Al-Qeq, un autre prisonnier politique palestinien qui avait entamé une grève de la faim de protestation, a fait sensation dans les médias après que des images de lui se tordant de douleur sur un lit d’hôpital aient été diffusées.
Dans le cas d’Issawi comme dans celui de al-Qeq, les médias s’intéressent exclusivement aux détails sensationnels et ne font pas plus le lien entre la lutte des palestiniens et leur grève de la faim, que l’Autorité palestinienne et Israël ne reconnaissent les conséquences humanitaires de leur politique.
Kayed a été arrêté en 2002 et condamné à 14 ans et demi de prison. Depuis 2015, il est placé à l’isolement, et un ordre de détention administrative a été délivré pour l’empêcher de sortir en juin 2016 comme il aurait dû le faire.
Maintenant que Kayed a été transféré à l’hôpital Barzilai, et se trouve enchaîné à son lit comme d’autres grévistes de la faim palestiniens avant lui, l’Autorité palestinienne a jugé bon de faire semblant d’intervenir.
Son soi-disant soutien, cependant, n’est qu’une façade destinée à détourner l’attention de la réalité de la coordination sécuritaire avec Israël qui fait des ravages dans les familles palestiniennes.
Particulièrement importante en 2014, pendant l’opération Brother’s Keeper [recherche par l’armée d’occupation de trois adolescents israéliens disparus dans les territoires occupés] qui a précédé l’opération Protective Edge [bombardements massifs israéliens sur la bande de Gaza en juillet et août 2014], la coordination sécuritaire est l’expression ultime de la corruption de l’AP.
Celle-ci aide en effet Israël à sélectionner les Palestiniens à kidnapper et à soumettre à la torture et à des peines de détention administrative interminables.
L’exploitation des prisonniers palestiniens par l’AP
Le mépris envers les prisonniers politiques palestiniens a été le plus flagrants au cours de la dernière série de négociations supervisées par les Étasuniens en 2014.
Tout au long des négociations, Israël a capitalisé sur la libération des prisonniers politiques palestiniens pour poursuivre l’expansion des colonies, contre laquelle, d’ailleurs, l’Autorité palestinienne ne s’est pas vraiment élevée.
Le refus d’Israël de libérer le dernier groupe de prisonniers palestiniens a été accueilli avec une indignation toute relative, l’AP se contentant de vagues menaces d’avoir recours aux institutions internationales si sa demande de libération n’était pas acceptée.
Les prisonniers palestiniens n’ont été, en fait, pour l’AP, rien d’autre qu’un objet de marchandage sans lendemain. Deux ans plus tard, bien qu’une procédure ait été entamée à la CPI, les prisonniers palestiniens n’ont pas constaté la moindre avancée dans le respect de leurs droits.
Bien au contraire, la marginalisation internationale a augmenté et il n’y a plus que les organisations de défense des droits humains qui s’intéressent aux prisonniers qui protestent contre la détention administrative par des grèves de la faim.
Cette inversion des rôles réduit aussi l’impact de la lutte car ces organisations ont beaucoup moins de ressources et d’influence que les organisations politiques.
Le fait que l’Autorité palestinienne ne manifeste aucune volonté politique de faire quoi que ce soit en dehors du mirage des négociations, laisse à penser qu’elle collabore de son plein gré aux violations des droits de l’homme des prisonniers politiques palestiniens.
Le déni de l’histoire
Le voile que l’Autorité palestinienne tire sur les prisonniers politiques palestiniens enfermés dans les prisons israéliennes permet aussi de faire oublier le rôle historique qu’ils ont joué dans la lutte anti-coloniale.
Loin d’être isolés du reste de la population, les prisonniers politiques palestiniens ont été les fers de lance de la lutte organisée et de la formation des Palestiniens.
Non seulement ils ont développé la coopération entre les factions politiques palestiniennes et permis leur union, mais c’est aussi grâce à eux que les Palestiniens sont formés et conscients de la situation.
Les Accords d’Oslo ont donné lieu à une libération massive de prisonniers palestiniens, mais ils ont également ouvert la voie à de nouvelles arrestations grâce à la coordination sécuritaire.
Le déclin de la sensibilisation à la lutte anti-coloniale peut être attribué à plusieurs facteurs découlant des Accords d’Oslo, dont la création de l’AP qui a conduit à la désintégration des mouvements antérieurs de soutien à la lutte anti-coloniale.
L’AP est bien consciente du rôle central des prisonniers palestiniens dans la lutte pour la libération, d’où ses efforts pour marginaliser cet aspect important de l’histoire et s’assurer qu’il n’y ait pas de retour en arrière.
La détention administrative sert parfaitement ces objectifs, ainsi que les habituels reportages parcellaires des médias qui mettent en lumière des cas individuels, en prenant soin de ne pas replacer les grèves de la faim dans le contexte plus large de la lutte contre la colonisation.
Pour l’AP, aussi longtemps que les médias concentrent leur attention sur la détérioration de la santé des grévistes de la faim, plutôt que sur les intrigues délétères qui se cachent derrière la réalité apparente, tout est parfait.
Auteur : Ramona Wadi
* Ramona Wadi est rédactrice au Middle East Monitor. Écrivain, chercheuse et journaliste indépendante, elle est également critique. Ses écrits couvrent une série de thèmes en relation avec la Palestine, le Chili et l'Amérique latine. Elle contribue régulièrement au PalestineChronicle.com. Consultez son site internet. Son compte Twitter.
30 juillet 2016 – The NewArab – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet