Non au congrès de psychanalyse et psychothérapie en Israël !

Photo: Oren Ziv, ActiveStills
Arrestation violente d'un manifestant palestinien - Photo: Oren Ziv, ActiveStills
AppelDes experts en santé mentale ont demandé à l’Association internationale pour la psychanalyse relationnelle et la psychothérapie [IARPP], de reconsidérer sa décision de tenir sa réunion internationale de 2019 en Israël en raison de l’agression systématique de cet État à l’encontre des Palestiniens.

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27 décembre 2017
Aux membres du conseil d’administration de l’Association internationale de psychanalyse relationnelle et de psychothérapie:

Nous vous écrivons pour exprimer notre opposition à la récente décision du Conseil d’administration de l’IARPP de tenir sa réunion internationale de 2019 en Israël, décision rendue publique par son président sortant, le Dr Chana Ullman. Nous demandons respectueusement au Conseil de reconsidérer cette décision.

Notre opposition est profondément motivée par la grave crise que représente l’occupation israélienne et ses attaques croissantes contre le peuple palestinien – des attaques reflétant une politique globale de nettoyage ethnique et de saisie des terres, de restriction de la liberté de mouvement et de contrôle des ressources naturelles. L’occupation a lancé dès le début une attaque massive contre les droits de l’homme et la dignité humaine. Toutes ces atrocités ont été bien documentées par des organisations telles qu’Amnesty International, les Nations Unies et ses divers groupes de travail, ainsi que par d’innombrables universitaires, historiens et chercheurs. Néanmoins, pour de nombreuses personnes aux États-Unis et en Israël même, la culpabilité de l’État d’Israël a été masquée par une campagne massive de désinformation et de black-out.

L’annonce par le président Donald Trump, en décembre 2017, de la décision de relocaliser l’ambassade américaine à Jérusalem constitue une priorité particulièrement urgente pour notre appel. Israël n’a pas hésité à profiter de cette occasion pour redoubler d’efforts pour forcer le déplacement de milliers de Palestiniens hors de Jérusalem et pour s’emparer de leurs maisons, de leurs terres et de leurs entreprises. Ce processus a été caractérisé dans l’immense majorité des cas par l’absence de procédure régulière et le recours à l’intimidation, aux assassinats ciblés et à la torture des Palestiniens – y compris la torture d’enfants, souvent accompagnée d’agression sexuelle.

Nous nous préoccupons du problème urgent de l’occupation d’abord en tant qu’êtres humains, ensuite en tant qu’agents de santé mentale voués aux valeurs humanitaires et profondément conscients de l’importance de ces valeurs pour le bien-être des enfants, des familles et des communautés. En tant que travailleurs de la santé mentale connaissant bien l’impact de la violence sur la santé individuelle et le bien-être collectif, nous estimons que nous avons une responsabilité supplémentaire de faire entendre notre voix.

Nous considérons que l’État d’Israël est responsable des blessures à grande échelle subies par le peuple palestinien, par son assaut incessant sur les esprits et les corps de ses habitants et par sa volonté implacable d’anéantir l’histoire, la culture, l’économie, le patrimoine, l’architecture et la vie communautaire. Selon nous, la tenue de conférences internationales liées à tout domaine professionnel en Israël représente une acceptation tacite du comportement de l’État d’Israël et perpétue une “normalisation” fictive des relations entre Israël et la Palestine occupée. Organiser de telles conférences ne peut que contribuer à faire avancer les intérêts de l’État d’Israël en laissant entendre que cet État fait bon accueil à un libre échange d’idées – sans parler de remplir ses hôtels, ses restaurants et ses auditoriums d’un public reconnaissant. S’opposer au choix d’Israël comme lieu des conférences internationales est une manière de mettre au premier plan la conduite de l’État d’Israël en tant que sujet de discussion et de débat, afin que l’étendue de la dépossession et de la souffrance du peuple palestinien puisse être reconnue.

Il est particulièrement ironique et douloureux de voir Israël sélectionné comme lieu d’une conférence internationale lorsque le thème central de l’organisation est la compréhension en profondeur des relations humaines.

La majorité des membres de l’IARPP vit aux États-Unis et le deuxième plus grand groupe national vit en Israël. Certains membres de l’IARPP israélien ont suggéré que la conférence de 2019 pourrait améliorer le problème posé par le choix d’Israël comme lieu de rencontre en invitant des orateurs palestiniens et en sollicitant des présentations par des organisations israéliennes progressistes de professionnels de la santé mentale concernés par un conflit politique. Pourtant, inviter des orateurs et des participants palestiniens à la conférence peut se révéler simplement impossible à cause des check-points, des restrictions de mouvement, des listes noires de militants et d’autres expériences quotidiennes familières aux Palestiniens – abus de pouvoir qu’aucune conférence en Israël ne peut changer et qui inévitablement reproduira la dynamique de pouvoir de la situation politique dans le microcosme de la conférence.

Néanmoins, nous sommes d’accord sur le fait que prendre ces mesures en théorie peut orienter l’IARPP dans la bonne direction; nous sommes convaincus que le groupe israélien poursuit ces activités dans le cadre de son fonctionnement régulier tout au long de l’année et non seulement lorsque des étrangers sont présents. Mais indépendamment de ces considérations, ces efforts bien intentionnés pour faire mention de la perspective palestinienne dans la conférence internationale ne parlent pas de la question centrale : la nécessité de démontrer au monde qu’Israël doit rendre des comptes pour son comportement.

La cible de notre protestation est le comportement de l’État d’Israël. Notre objection ici n’est pas à un individu ou à l’IARPP en tant qu’organisation. Nous reconnaissons pleinement qu’il y a des membres de l’IARPP qui soutiennent activement la Palestine et beaucoup d’autres qui peuvent être très disposés à écouter des voix exprimant leur dissidence de la politique israélienne. Notre objection s’applique à la décision du Conseil de l’IARPP de tenir la conférence de 2019 en Israël. Nous considérons que cette décision est répréhensible parce qu’elle protège Israël contre l’exposition publique de ses atrocités – une exposition qui a bien trop tardé.

Nous espérons entendre que nos collègues du Conseil de l’IARPP vont rouvrir le débat sur cette décision.

Sincèrement vôtres,

Samah Jabr MD
Psychiatre, Jérusalem-Est

Elizabeth Berger MD, MPhil
Pédopsychiatre, New York

Rebecca Fadil, LCSW
Travailleur social, Washington, DC

Christine Schmidt, LCSW
Psychanalyste et membre de l’IARPP, New York

27 décembre 2017 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine