Israël a constamment réclamé avec insistance la normalisation, à partir du postulat que la question clé est sa propre sécurité et la prétendue menace existentielle arabe pour ses citoyens.
En d’autre termes, Israël a conclus à partir de ses propres affirmations, que la normalisation serait indispensable pour rassurer les Israéliens, et que la responsabilité incombe aux Arabes de faire la preuve que leur acceptation d’Israël dans la région est réelle et que ce n’est pas une stratégie provisoire résultant d’une faiblesse temporaire.
La “normalisation” est issue du vocabulaire sioniste
La normalisation découle donc d’un discours purement sioniste, à la fois explicite et manifeste, et l’accepter, comme certains responsables palestiniens ont offert de le faire, consiste à accepter la logique israélienne révisionniste.
Cependant bien que de nombreux Arabes aient essayé, parfois de manière embarrassante, de faire « preuve de bonne volonté » pour dissiper l’inquiétude de l’occupant à l’égard du peuple qu’il occupe, la société israélienne n’est pas devenue plus disposée à accepter une justice élémentaire, ni même plus réaliste. Et à chaque fois qu’un Palestinien apparaît plus modéré, les Israéliens se divisent encore plus entre ceux qui mettent en doute ses intentions, et ceux qui exigent plus de concessions de la part des « modérés » quand ils les saluent.
Toutefois, lorsqu’il s’agit des états arabes qui prétendent vouloir influencer Israël et aider les Palestiniens, d’autres considérations sont en jeu, qui n’ont aucun rapport avec les objectifs avancés ou une quelconque sentimentalité en ce qui concerne Al-Aqsa ou Jérusalem.
« Les questions clé ne résident pas dans les détails. La question déterminante c’est la lutte et sa cause contre Israël. »
Lécher les bottes à Israël pour plaire aux États-Unis
Au contraire, ce qui motive les gouvernements arabes en quête de normalisation a à voir avec la concurrence féroce qui les oppose pour plaire aux États-Unis. A leur yeux, le plus court chemin pour être dans les petits papiers de l’Amérique passe par l’approbation d’Israël, même aux dépends de la Palestine et des Arabes.
L’opinion publique arabe s’interroge beaucoup sur ce qui constitue la normalisation. Toutefois, Les questions clé ne résident pas dans les détails. La question déterminante c’est la lutte et sa cause contre l’occupation et les politiques d’apartheid.
Rejeter la normalisation dans le monde arabe c’est aussi ne pas accepter d’invitations de la part d’institutions israéliennes telles que les médias.
En réalité, la majorité des personnalités arabes qui acceptent d’apparaître dans les médias israéliens ont non seulement contribué à la normalisation, mais également exprimé la volonté de s’engager dans des relations de normalisation avec Israël en l’absence d’un règlement politique juste, trahissant ainsi leur manque de soutien au peuple palestinien. Et il arrive souvent, que pour se défendre, ces personnalités entraînent leurs détracteurs dans une argumentation repoussoir invoquant la surenchère et les discours creux de régimes répressifs qui exploitent la Palestine pour justifier leur politique répressive.
Tout ceci est vrai, mais là n’est pas la question. La surenchère des régimes arabes qui exploitent la question palestinienne ne devrait pas nous détourner de la justice de la cause palestinienne, ni être censée réduire d’un iota la ferme position contre Israël.
« Rejeter la normalisation et appeler au boycott d’Israël ne signifie pas que nous devrions perdre nos repères politiques et perdre de vue nos intérêts bien desservis par le combat contre le sionisme. »
La cause palestinienne est au-delà des tentatives d’instrumentalisation
En effet, être un farouche opposant au régime syrien, qui prétend souvent soutenir la cause palestinienne, ne veut pas dire abandonner le peuple palestinien et laisser de tels régimes despotiques se servir de la dernière cause anti-coloniale restant au monde. Rien ne peut excuser la clémence ou les éloges à l’égard d’Israël et de son occupation.
D’autre part, il faut faire la distinction entre apparaître dans les médias israéliens pour lesquels la présence d’intellectuels arabes sur leur plateau compte plus que ce qu’ils disent ; et apparaître sur des plateaux occidentaux pour contrer le discours israélien, devoir patriotique palestinien s’il en est.
Je ne parle pas ici de conversations à huit clos (autre forme de normalisation) ; je soutiens que les intellectuels arabes ne devraient pas esquiver les confrontations politiques publiques sur la Palestine avec des orateurs qui représentent l’autre point de vue, qui qu’ils soient.
Il ne s’agit pas d’événements culturels ou de championnats sportifs qui ignorent l’occupation et partent du principe que toutes les nations devraient avoir des liens normaux quoi qu’il en soit. Il s’agit de prendre part à des débats devant un public et d’avancer des arguments qui portent sur des questions politiques.
Autrement dit, rejeter la normalisation et boycotter Israël ne signifie pas que les gens qui se battent pour la justice perdent leurs repères politiques, et perdent de vue leurs intérêts qui sont bien desservis par la confrontation publique avec les arguments de leurs adversaires.
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Lire la première partie de cette série : (1) : problèmes de terminologie, la troisième partie : (3) : le boycott à l’intérieur de la Palestine et la quatrième partie : (4) : pour un boycott systématique.
* Azmi Bishara est un intellectuel palestinien, universitaire et écrivain. Consultez son site personnel et suivez-le sur Twitter: @AzmiBishara
24 août 2016 – The New Arab – Traduction : Chronique de Palestine – MJB