Le nouveau chef du Hamas Yahya Al-Sinwar, confronté à une alliance tripartite

Gaza - Rassemblement à l'occasion de l'anniversaire de la création du mouvement Hamas - Photo : alresalah.ps

Par Saleh Al-Naami

Saleh Al-NaamiLes choses s’éclaircissent et ne nécessitent guère d’analyse complémentaire. La crise de l’électricité qui a dernièrement été exacerbée dans la Bande de Gaza n’était pas une étape passagère due à des considérations économiques de la part de l’Autorité Palestinienne.

Ce n’était pas non plus le résultat d’options politiques de la direction de l’AP ni le désir du président Mahmoud Abbas de mettre les choses au point avec le Hamas. La réalité c’est que ce fut la mise en œuvre d’une stratégie israélienne visant à réduire la marge de manœuvre de la nouvelle direction du Hamas dans la Bande de Gaza afin de dissuader le mouvement d’entreprendre une nouvelle confrontation militaire. M. Abbas et le chef du régime en place au Caire, Abdel Fattah Al-Sisi, ont tenu les rôles principaux dans cette stratégie, bien qu’ils n’aient joué aucun rôle dans son élaboration.

Cet article ne reflète pas mon opinion personnelle ; c’est une traduction d’un reportage paru dans le numéro de vendredi du magazine Israeli Defence qui examinait les raisons de la réduction de l’approvisionnement en électricité dans la Bande de Gaza et son objectif. D’après le magazine, Israël suppose que le passé militaire du nouveau dirigeant du Hamas dans la Bande de Gaza, Yahya Al-Sinwar, et la nature « intransigeante » de ses positions politiques et idéologiques peuvent l’amener à envisager une confrontation militaire avec Israël en réaction au siège du territoire et à la détérioration de sa situation économique. Ainsi, la manœuvre tripartite mise en place par Tel Aviv et exécutée avec la coopération de MM. Abbas et Al-Sisi a été conçue pour dissuader le Hamas de débuter un nouveau conflit.

Selon Israeli Defence, la stratégie tripartite a été élaborée dans l’idée d’essayer d’amener les masses palestiniennes de Gaza à exercer une pression sur M. Al-Sinwar, envoyant le message à la direction du Hamas que le peuple pourrait se retourner contre elle. Cet objectif pourrait être atteint en aggravant encore plus la situation économique par des coupures supplémentaires d’électricité. Israël présumait que M. Al-Sinwar devra alors prendre en compte l’intérêt de la population, de telle sorte qu’il doive mettre dans la balance les options militaires du Hamas et l’opinion publique.

L’article explique comment MM Al-Sisi, Netanyahou et Abbas ont coopéré afin de mettre ce plan en œuvre progressivement. Le but était de faire craindre au Hamas l’éventualité d’une désobéissance civile. Israël est passé à l’acte et a réduit la fourniture d’électricité à Gaza, tandis que le Caire annonçait sa propre intention d’en faire autant au cas où le Hamas ne prenait pas d’engagements en matière de sécurité, notamment à la frontière entre Gaza et le Nord Sinaï. Quant à M. Abbas, il a fait part à Israël de son intention d’arrêter de payer la facture d’électricité, ce qui en pratique signifierait la fin totale de la fourniture d’électricité à Gaza par Israël.

D’après le magazine la manœuvre visait à utiliser la crise de l’électricité pour modifier l’équilibre et épuiser le crédit politique et diplomatique de la direction du Hamas, et éroder son pouvoir au niveau régional. Une délégation du Hamas s’est rendue en Égypte pour tenter de résoudre le problème et se mettre d’accord sur une solution avec M. Al-Sisi. Ce travail d’approche avec le Caire laisse à penser que la direction du mouvement n’est pas intéressée par un nouveau conflit militaire avec Israël.

Initialement, d’après Israeli Defence, le Hamas aurait tenté de réagir aux actions israéliennes par des menaces militaires et en laissant entendre qu’il entamerait une confrontation. Israël riposta en démontrant qu’il était prêt au combat. Le magazine avance qu’Israël réussit à tromper le Hamas en annonçant le rappel de forces réserves sous le prétexte de faire face aux défis du Hezbollah sur le front nord, alors que le réel objectif est de les utiliser contre le Hamas à Gaza au cas où M. Al-Sinwar décidait de lancer quelque chose. Des sources officielles à Tel Aviv auraient confirmé que l’option “escalade” avait été mise au placard pour l’instant parce que le Hamas a montré son désir de contrôler la situation par le biais de démarches politiques.

Ceci a amené M. Netanyahou à revenir sur des déclarations faites par ses ministres sur l’intention d’Israël d’intensifier la crise de l’électricité ; il pense que l’objectif de l’action tripartite a déjà été atteint.

Ceci apporte la preuve que l’aggravation de la crise de l’électricité dans la Bande de Gaza était, en fait, un vaste stratagème géopolitique complet pour exploiter les difficultés du peuple palestinien tout en pariant cyniquement sur le sens du devoir et de la responsabilité que la direction du Hamas ressent à son égard. Il est facile de comprendre qu’Israël puisse se comporter de la sorte envers Gaza et utilise la souffrance du peuple pour servir son propre intérêt. Mais ce qui est plus difficile à comprendre, cependant, c’est pourquoi Mahmoud Abbas, l’AP et M. Al-Sisi se prêtent à ce jeu alors qu’il ne sert que les intérêts de Tel Aviv. Il est clair que MM Abbas et Al-Sisi ne sont que des pions utilisés par M. Netanyahou pour maîtriser M. Al-Sinwar.

Alors qu’Israël continue d’imposer des faits sur le terrain en étendant ses colonies illégales dans toute la Cisjordanie occupée et Jérusalem, et que M. Netanyahou annonce que la Cisjordanie restera pour toujours sous souveraineté israélienne, personne ne s’attendait à ce que l’Autorité Palestinienne et le gouvernement égyptien prêtent main forte au premier ministre israélien dans ses manigances contre les Palestiniens. L’AP et le Caire lui ont fourni la marge de manœuvre nécessaire, et ont protégé Israël d’une nouvelle confrontation militaire.

22 juin 2017 – Middle East Monitor – Traduction: Chronique de Palestine – MJB

1 Commentaire

  1. Comme quelqu’un qui a suivi la situation en Gaza depuis des années avec intérêt
    je ne vois absolumentent aucune incongruence dans les attitudes de l’AP et du gouvernement égyptien. Au contraire.

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