L’occupant israélien ne pourra faire taire les appels à la prière

Ramzy Baroud
Le Dr Ramzy Baroud est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur du Palestine Chronical
Ramzy Baroud – Dans une succession d’initiatives qui ont révélé une coordination majeure entre les différents centres de décision du gouvernement israélien, les groupes de colons juifs et la municipalité de Jérusalem, Israël a récemment décidé d’interdire l’appel musulman pour la prière, d’abord à Jérusalem, puis dans d’autres secteurs arabes en Israël.

Cela visait clairement et dans le plein sens du terme à faire taire les musulmans palestiniens, et pouvait être juste considéré comme une nouvelle tentative israélienne pour judaïser Jérusalem et éradiquer l’héritage palestinien – musulman et chrétien – dans toute la Palestine.

Mais il y a un plus à l’histoire: le moment choisi pour l’initiative.

Le député de la Knesset Moti Yogev a présenté le projet de loi initial pour interdire l’appel à la prière en mars dernier, mais il est devenu plus pressant ces dernières semaines suite à un vote à l’UNESCO qui a fortement contrarié Israël.

Après leur occupation et l’annexion illégales de Jérusalem-Est arabe, les dirigeants israéliens ont systématiquement revendiqué la ville occupée comme étant la leur, en la décrétant “capitale éternelle et indivisible” d’Israël [délire millénariste – NdT].

Mais la réalité est qu’à part la plupart des Israéliens et leurs lèche-bottes de l’extrême-droite chrétienne, la communauté internationale n’a jamais avalisé l’occupation ou l’annexion de la Palestine, ni la prétention israélienne sur Jérusalem.

Le 26 octobre, suite à d’intenses campagnes de divers pays arabes, parmi d’autres, une résolution de l’UNESCO a une fois de plus souligné le statut de Jérusalem comme ville occupée, en vertu du droit international, et a décidé de conserver la désignation de la Vieille Ville de Jérusalem comme étant “menacée”.

La résolution, adoptée après un vote du Comité du patrimoine mondial de l’organisation, critiquait vivement les violations commises par Israël du caractère sacré des maisons de culte palestiniennes, exigeait l’accès aux lieux saints pour évaluer leur état de conservation, et, ce qui est particulièrement pénible pour Israël, désignait ces lieux saints par leur patronymes en arabe en non en hébreu.

Israël était furieux. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a répondu avec colère. Ses ministres ont été jusqu’à prétendre que le vote prouvait à nouveau le soi-disant anti-sémitisme des Nations-Unies.

Les amis évangéliques d’Israël ont inondé les responsables de l’UNESCO de bibles pour “rafraîchir la mémoire des diplomates” sur les liens du judaïsme avec Jérusalem.

Puis la vengeance israélienne a dépassé le domaine de la rhétorique et des médias pour prendre une tournure plus agressive. Tout d’abord, Netanyahu a tout fait pour officialiser l’annexion illégale de centaines d’acres de terres palestiniennes à Jérusalem, et le maire Nir Berkat a menacé de démolir “des centaines, voir des milliers” de maisons palestiniennes dans la ville.

En d’autres termes, la réponse d’Israël à l’UNESCO est une accélération des activités illégales et criminelles qui ont en premier lieu poussé cette organisation à voter sa résolution.

Israël est allé encore plus loin en essayant de faire taire l’appel à la prière, d’abord à Jérusalem, puis dans d’autres villes.

Bien sûr, l’appel à la prière dans l’Islam a une profonde signification religieuse et spirituelle, mais en Palestine, ces traditions religieuses ont aussi une signification symbolique et profonde qui est unique aux Palestiniens : l’appel à la prière signifie, entre autres, la continuité, la survie, l’unité et la renaissance.

Ce sont ces significations qui ont fait que les Palestiniens à Gaza prient sur les ruines de leurs mosquées détruites en 2014 par les bombes israéliennes lors de la plus récente et la plus dévastatrice des guerres.

Selon l’autorité palestinienne et les médias, un tiers des mosquées de Gaza ont été détruites lors de la dernière guerre sur le territoire assiégé.

La volonté d’Israël d’interdire l’appel à la prière est un nouveau coup bas. Son prétexte officiel est de parler de “pollution sonore” – une plainte faite à maintes reprises par les colons juifs venus d’Europe, des États-Unis et d’autres pays, qui se sont illégalement installés dans Jérusalem et dans les autres territoires occupés sur des terres palestiniennes illégalement saisies.

Le 3 novembre, une petite foule de colons de la colonie de Pisgat Zeev s’est rassemblée devant la maison du maire Nir Berkat, exigeant que le gouvernement mette fin à la “pollution sonore” qui émanerait des mosquées de la ville. Le maire s’est immédiatement exécuté.

Mais cela ne s’est pas arrêté là.

Le 13 novembre, le Comité ministériel israélien sur la législation a approuvé le projet de loi visant à interdire les haut-parleurs sur les “lieux de culte” et rapidement poussé le projet en première lecture à la Knesset.

Les choses semblaient se dérouler sans à-coup… jusqu’au 16 novembre quand un ministre ultra-orthodoxe a déposé un appel contre le projet de loi. L’appel lancé par le ministre de la Santé, Yaakov Litzman, semblait hors de propos, étant donné que les zélotes ultra-orthodoxes de la Knesset et du cabinet ont été les promoteurs de la guerre culturelle israélienne contre les Palestiniens.

Le ministre a discerné un petit défaut dans le projet de loi… Bien que ce projet cible totalement les Palestiniens, ce détail n’est pas précisé dans son libellé et cela pourrait, s’il le projet est adopté, servir de base aux arguments juridiques des partis laïcs d’Israël pour mettre fin aux pratiques religieuses juives, quand les sirènes hurlent chaque vendredi soir pour annoncer le shabbat.

Alors que le vote sur le projet de loi est susceptible d’être pour l’instant reporté, jusqu’à ce qu’une formulation plus directe remplace l’actuelle, la guerre contre l’héritage religieux et national des musulmans et des chrétiens palestiniens ne cessera pas.

En fait, cette guerre va s’aggraver, en particulier à Jérusalem occupée et dans et autour du complexe musulman d’Haram Al-Sharif.

C’est en dessous de ce complexe que les excavatrices israéliennes ont sans cesse creusé durant des années, tentant de localiser un temple imaginaire, tout en menaçant les fondations du troisième site sacré de l’islam.

A1 * Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest. Visitez son site personnel.

24 octobre 2016 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah