Quelles leçons tirer des élections israéliennes?

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Ramzy Baroud - Photo : Palestine Chronicle

Finalement, qu’avons-nous appris des élections législatives israéliennes du 9 avril ?

Beaucoup de choses…

Pour commencer, ne vous laissez pas abuser par des commentaires sur la “lutte serrée” entre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son principal rival, Benny Gantz.

Oui, les Israéliens sont divisés sur certains points traitant de questions sociales et économiques. Mais ils sont aussi résolument unis qur la question qui devrait nous préoccuper le plus : la soumission ininterrompue du peuple palestinien.

En effet, qu’il s’agisse d’une “lutte serrée” ou non, Israël a voté pour cimenter l’apartheid, renforcer l’annexion en cours de la Cisjordanie occupée et poursuivre le siège à Gaza.

À la suite des élections, Netanyahu est apparu encore plus fort. Son parti, le Likoud, a remporté la première place dans les élections avec 36 sièges, suivi de Kahol Lavan (Bleu et Blanc) de Gantz avec 35 sièges.

Gantz, l’étoile montante de la politique israélienne, a été qualifié tout au long de la campagne de politicien “centriste”, une désignation qui équivalait à lancer une bouée de sauvetage à une “gauche” israélienne totalement vaincue – dont il ne reste de toute façon pas grand-chose.

Cette image de marque a permis de nourrir l’illusion très éphémère qu’il existerait une alternative israélienne au camp fascisant de Netanyahu.

Mais rien n’a jamais permis de penser que Gantz aurait agi pour mettre fin à l’occupation israélienne, démanteler le régime d’apartheid et rompre avec le discours à dominante raciste du pays.

En fait, c’est tout le contraire.

Gantz a à plusieurs reprises reproché à Netanyahu d’être parait-il “trop mou” avec Gaza, tout en promettant de provoquer encore plus de tueries et de destructions dans une région qui, selon les Nations Unies, sera invivable d’ici 2020.

Une série de vidéos, baptisées “Seuls les forts survivent”, ont été diffusées dans le cadre de la campagne de Gantz à l’approche des élections. Dans l’une d’elles, Gantz était présenté comme le sauveur national, qui avait massacré de nombreux Palestiniens alors qu’il était chef d’état-major de l’armée entre 2011 et 2015.

Gantz est particulièrement fier d’être un des responsables des bombardements devant ramener Gaza “à l’âge de pierre”.

Apparemment, cela importait aux supposés centristes israéliens et aux restes de la gauche : lors de la guerre de 2014 contre Gaza, baptisée Opération “Bordure protectrice”, plus de 2200 Palestiniens ont été assassinés et plus de 11 000 blessés. Au cours de cette guerre tragique, plus de 500 enfants palestiniens ont été tués et une grande partie des infrastructures de Gaza déjà partiellement délabrées ont été détruites.

Mais encore une fois, pourquoi alors voter pour Gantz alors que Netanyahu et son camp d’extrême droite font déjà le sale boulot ?

Malheureusement, la future coalition de Netanyahu sera probablement encore plus extrémiste que la précédente.

De plus, grâce aux nouvelles alliances rendues possibles, Netanyahu se libérera probablement d’alliés pesants comme l’ancien ministre de la Défense israélien, Avigdor Lieberman.

Un changement important dans la composition probable de la droite israélienne est la mise à l’écart de personnalités aussi dominantes qui, en plus de Lieberman, comprennent l’ancien ministre de l’Éducation, Naftali Bennett et l’ancien ministre de la Justice, Ayelet Shaked.

Toutes les envolées démagogiques de Bennett et Shaked, qui avaient récemment créé un nouveau parti appelé “La nouvelle droite”, ne leur ont même pas permis de recueillir suffisamment de voix pour atteindre le seuil requis permettant d’avoir un siège au Parlement israélien, la Knesset. Ils avaient besoin de 3,25% des voix, mais n’ont obtenu que 3,22%. Ils sont donc tous les deux hors-jeu.

La défaite de cet infâme duo infâme est révélatrice : les symboles de l’extrême-droite israélienne ne répondent plus aux attentes des électeurs israéliens toujours plus extrémistes.

La voie est maintenant grande ouverte pour que les partis ultra-orthodoxes – le Shas, qui compte maintenant huit sièges, et Le Judaïsme de la Torah Unie, qui compte sept sièges – imposent ce qui est la nouvelle normalité en Israël.

La gauche israélienne – si elle a jamais mérité cette appellation – a reçu un dernier coup : le parti travailliste autrefois dominant n’a remporté que six sièges.

D’autre part, les partis arabes qui s’étaient présentés aux élections de 2015 sous le drapeau de la Liste commune, se sont fragmentés une fois de plus et n’ont obtenu au total que 10 sièges.

Leur perte de trois sièges par rapport aux élections précédentes peut être en partie imputée aux objectifs divergents des organisations. Cela ne suffit toutefois pas à expliquer le recul massif de la participation des électeurs arabes aux élections : 48% contre 68% en 2015.

Cette faible participation record ne peut s’expliquer que par la “loi nationale“, adoptée le 19 juillet 2018 par la Knesset dominée par l’extrême-droite. La nouvelle loi fondamentale proclame qu’Israël est “la nation du peuple juif” où qu’il soit, reléguant ainsi les droits du peuple palestinien, son histoire, sa culture et sa langue, tout en élevant au sommet tout ce qui est juif et en faisant de l’autodétermination dans un État un droit exclusif réservé aux juifs.

Cette voie devrait être poursuivie, les institutions politiques israéliennes n’offrant plus aucune marge, même symbolique, pour une vraie démocratie et une représentation équitable.

Mais peut-être que la leçon la plus importante que nous puissions tirer de ces élections est qu’aujourd’hui en Israël, l’occupation militaire et l’apartheid ont été intériorisés et normalisés en tant que réalités incontestées, indignes d’un débat national. Cela en particulier devrait attirer notre attention immédiate.

Pendant les campagnes électorales, aucun grand parti n’a parlé de la paix, encore moins d’une vision globale pour y parvenir. Aucun homme politique de premier plan n’a appelé au démantèlement des colonies juives illégales qui ont été érigées sur des terres palestiniennes en totale violation du droit international.

Plus important et plus révélateur encore, personne n’a parlé d’une solution à deux États.

En ce qui concerne les Israéliens, la solution des deux États est morte. Bien que cela soit également vrai pour de nombreux Palestiniens, l’alternative israélienne n’est guère la coexistence dans un État laïc et démocratique. L’alternative israélienne est l’apartheid.

Netanyahu et sa future coalition gouvernementale d’extrémistes partageant les mêmes idées sont désormais dotés d’un mandat incontestablement populaire pour remplir toutes leurs promesses électorales, y compris l’annexion de la Cisjordanie.

En outre, avec une coalition d’extrême-droite enhardie et dotée du pouvoir, nous risquons également d’assister à une escalade majeure de la violence contre Gaza cet été.

Compte tenu de tout cela, nous devons comprendre que les politiques illégales d’Israël en Palestine ne peuvent et ne seront pas contestées au sein de la société israélienne.

Contester et mettre fin à l’occupation israélienne et au démantèlement de l’apartheid ne peut se produire que par une résistance palestinienne interne et une pression externe centrée autour de la stratégie de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS).

Il incombe maintenant à la communauté internationale de rompre ce cercle vicieux et de soutenir le peuple palestinien dans sa lutte contre l’occupation israélienne, le racisme et l’apartheid.

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18 avril 2019 – Ma’an News – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah