Par Jalal Abukhater
Si votre stratégie a échoué et que vos manœuvres politiques ont atteint une impasse, n’est-ce pas le moment de changer de passer la main ?
Un mois après l’annonce par l’administration américaine du changement de politique sur le statut de Jérusalem, également qualifié de “fin de la mascarade américaine”, de nombreux Palestiniens continuent de se demander pourquoi l’Autorité palestinienne (AP) n’a pas encore fait de déclaration pour avancer une nouvelle stratégie pour la recherche d’un État et de la justice pour les Palestiniens.
Le manque de vision de la direction palestinienne pour une stratégie alternative est l’une des raisons pour lesquelles elle s’obstine dans la même direction. Mais plus important encore, il y a aussi un fort désir de ceux qui sont au pouvoir de maintenir le statu quo. En effet, celui-ci ne sert pas seulement Israël en tant que puissance occupante, mais il est également dans l’intérêt d’une petite classe privilégiée de Palestiniens qui bénéficient du système actuel de pouvoir et de monopole économique dans les territoires occupés.
L’AP extorque un soutien politique dans la population en offrant un accès aux ressources pour la survie économique plutôt qu’en encourageant des programmes qui servent l’intérêt national. Cette classe de Palestiniens privilégiés bénéficie directement de la redistribution des ressources publiques par l’AP, selon les appartenances politiques et les loyautés claniques. Ceci, à son tour, aide l’élite dirigeante à préserver le statu quo et à maintenir ses atouts politiques et économiques.
Par conséquent, l’Autorité palestinienne et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) tentent désespérément de sauver les interminables négociations pour une solution à deux États.
Elle refuse d’acquitter le fait que la solution à deux États est morte avant même que le président américain Donald Trump ait publié sa déclaration reconnaissant Jérusalem comme la capitale d’Israël. Les Israéliens ne montrent aucun intérêt pour un quelconque “processus de paix”. La société israélienne en général ne considère même pas les colonies dans la Vallée du Jourdain ou les grands blocs tels que Ma’ale Adumim et Ariel, comme des territoires qu’ils seraient prêts à abandonner pour l’établissement d’un État palestinien indépendant.
Les colons continuent à construire leurs colonies sans se décourager; les expulsions et les accaparements de terres n’ont pas ralenti. Ainsi, les faits sur le terrain sont tels qu’un État palestinien contigu avec Jérusalem-Est occupée comme capitale est devenu impossible.
Pourtant, comme un homme en train de se noyer qui s’accroche à une paille, l’OLP a essayé de rendre la solution à deux États pertinente en commençant à parler de suspendre la reconnaissance d’Israël. Il a continué d’espérer que l’Union européenne viendrait à son aide et reconnaîtrait un État palestinien. Mais Bruxelles ne semble pas disposé à apporter un soutien aussi vital à la solution à deux États moribonde.
Il n’y a aucune raison pour que l’AP continue de soutenir la stratégie actuelle du processus de paix, parce que le territoire qui est toujours sous son contrôle pourrait être officiellement annexé par le gouvernement israélien sous le coup de lois adoptées récemment par la Knesset israélienne.
Si le soutien international n’est manifestement pas garanti et si les négociations se poursuivent sans résultat, l’AP devrait reconnaître son propre échec stratégique.
En fait, les dirigeants palestiniens ont désespérément besoin de se blanchir devant leur peuple. “Oui, nous avons échoué”, est la formule que beaucoup de Palestiniens voudraient entendre.
Ce leadership obsolète doit céder la place et l’entêtement et l’hypocrisie ne sont pas pas acceptables. Israël a créé des faits sur le terrain pendant des décennies, tandis que les dirigeants palestiniens épuisaient leurs moyens de négociation durant cette même période, notamment l’idée d’un “compromis”.
À ce stade critique de notre histoire, l’honnêteté totale de la direction palestinienne pourrait nous fournir une petite lueur d’espoir; cela nous aiderait à nous unir en tant que peuple pour trouver des solutions et concevoir une stratégie qui nous rassemble.
En tant que Palestiniens, nous devons exprimer notre besoin d’un changement immédiat et fondamental de stratégie. Nous devons impliquer notre peuple dans de telles décisions, peut-être à travers la renaissance d’un Conseil qui représente toute la population palestinienne au pays et à l’étranger.
Dans un article qu’il a écrit en 1998, Edward Said a déploré : “Nous ne pouvons pas nous battre pour nos droits et notre histoire aussi bien que pour l’avenir, tant que nous ne disposerons pas des armes de la critique et d’une conscience dévouée”.
La situation en Palestine devient insupportable pour beaucoup d’entre nous Palestiniens vivant sous occupation. Mais nous ne serons pas capables d’agir contre l’occupation avec tous nos moyens tant que nous n’aurons pas procédé à une introspection critique et décidé d’être honnêtes avec nous-mêmes. Seulement alors pourrons-nous commencer à construire une nouvelle stratégie pour résister et vaincre l’occupation.
Auteur : Jalal Abukhater
* Jalal Abukhater est Jérusalemite. Il est titulaire d'une maîtrise en relations internationales et en politique de l'Université de Dundee, en Écosse. Son compte Twitter.
23 janvier 2018 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine