Par Kamel Hawwash
Il est flagrant que rien n’est fait pour qu’Israël rende des comptes pour ses crimes contre le peuple palestinien.
L’absence de mesures visant à obliger Israël à rendre des comptes pour ses crimes contre le peuple palestinien depuis plus de sept décennies est flagrante. “Trop c’est trop ” est une expression galvaudée, mais dans le cas du peuple de Palestine occupée, elle est mille fois trop faible pour exprimer son indignation devant l’hypocrisie de la communauté internationale.
Néanmoins, depuis la Nakba de 1948, il n’y a eu que trop de dépossessions, de vols de terres et de réfugiés qui languissent dans les camps, 5 millions au moins. Et c’en est trop d’être diabolisés par Israël, qui se présente comme la victime, qualifie les vraies victimes de terroristes et impose des lois qui le définissent comme un État d’apartheid.
Trop c’est trop quand il s’agit d’enlèvements d’enfants par Israël au milieu de la nuit, de mutilations et de meurtres d’enfants à la frontière nominale de la Bande de Gaza assiégée. Les vies palestiniennes ont-elles vraiment si peu de valeur ?
Deux enfants palestiniens ont été abattus par des tireurs d’élite israéliens à Gaza vendredi dernier, frappés à la poitrine comme s’il s’agissait de cibles d’entraînement pour les terroristes déguisés en soldats. Il n’y a pas eu une seule condamnation de la part du monde dit civilisé ; cependant, un porte-parole de l’UE a envoyé ses condoléances à Israël. En outre, cet ignoble État terroriste fait l’objet d’éloges de la part de l’Occident, dont les femmes et hommes politiques trouvent des excuses à son comportement criminel, y compris les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.
Nous en avons assez d’entendre dire qu’Israël est “la seule démocratie du Moyen-Orient” et “nous partageons les mêmes valeurs”. Vraiment ? Depuis quand le nettoyage ethnique, le vol de terres, les enlèvements, le meurtre gratuit de femmes, d’enfants et de personnel médical non armés, et l’occupation colonialiste font partie des valeurs démocratiques occidentales ?
Israël existe dans un voisinage difficile, nous dit-on, et a donc le droit inconditionnel d’agir en “légitime défense”. Assez de ces lâches absurdités. Essayez de dire cela aux familles de Hassan Shalabi, 14 ans, Hamza Ishtiwi, 18 ans, ou Razan Al-Najjar, infirmière, 21 ans, qui ne représentaient aucun danger pour les tireurs d’élite israéliens qui les ont assassinés.
Non seulement, les crimes d’Israël sont expliqués et même tolérés par l’Occident, non sans une certaine préoccupation pour les souffrances des Palestiniens, évoquées à des fins de relation publique, mais ses alliés pensent aussi que nous pouvons tous apprendre quelque chose de son succès en tant que “start-up nation” ; ils ne mentionnent pas – n’osent pas le faire – son mépris pour les lois et conventions internationales. À l’ère Trump, les accords commerciaux et les exigences du lobby pro-israélien mettent au placard le respect de la loi et des droits de l’homme en permanence. Il en est ainsi aux États-Unis depuis des décennies.
Le secrétaire d’État états-unien Mike Pompeo est toutefois allé plus loin que la plupart des partisans d’Israël, lorsqu’il a pris la parole lors du dîner annuel du Jewish Institute for National Security of America (Institut juif pour la sécurité nationale de l’Amérique) (JINSA) à Washington, décrivant Israël comme “tout ce que nous voulons que l’ensemble du Moyen-Orient devienne”. Selon Pompéo, il (Israël) est “démocratique et prospère, il désire la paix, il a une presse libre et jouit d’une économie florissante”. Une telle flagornerie de la part d’un haut fonctionnaire américain est répugnante.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’admiration pour Israël n’a pas grand-chose à envier à celle des Etats-Unis. Le ministre des affaires étrangères britannique, Jeremy Hunt, a récemment déclaré lors d’un événement organisé par les Conservative Friends of Israel (les Amis conservateurs d’Israël) que leur état préféré était un symbole de valeurs démocratiques. Il n’a critiqué aucune de ses politiques ni prononcé le mot occupation, et n’a pratiquement pas mentionné les Palestiniens.
Le collègue de M. Hunt, le secrétaire d’état aux affaires internationales Liam Fox, s’est empressé d’annoncer un accord commercial avec l’État d’apartheid à Davos. “Alors que la Grande-Bretagne se prépare à quitter l’Union européenne et à assurer la continuité de ses activités dans les deux sens, a-t-il expliqué, nous avons conclu un accord de principe avec nos collègues israéliens.”
Tandis que le monde occidental, en particulier les États-Unis, s’empresse de renforcer ses liens avec Israël pour bénéficier de milliards de dollars d’échanges commerciaux, il jette quelques miettes à l’Autorité Palestinienne notamment pour maintenir sa coopération en matière de sécurité avec l’état occupant, tout en réduisant l’aide humanitaire si cruellement nécessaire. Gaza est maintenue au bord du gouffre de l’effondrement total, tandis que l’AP est privée de fonds à moins qu’elle ne consente à la “reddition du siècle”.
Là où l’Occident fait preuve de constance, c’est dans la compilation de preuves sur les politiques et crimes israéliens contre les Palestiniens. Nos souffrances quotidiennes sont bien documentées par le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires de l’ONU, BCAH (OCHA en anglais). Toutes les atrocités israéliennes sont consignées, bien que de trop nombreuses personnes en Israël et au delà pensent que de tels “accomplissements” sont essentiels.
Le Quartet pour le Moyen-Orient, généralement incompétent, est en fait expert dans la rédaction de rapports. Là encore, les violations du droit international commises par Israël sont documentées et des préoccupations sont exprimées dans les instances internationales. Mais cela ne justifie pas vraiment l’existence de cette organisation dysfonctionnelle, qui n’a pas fait avancer la paix d’un iota.
L’UE est un contributeur important de l’Autorité Palestinienne ainsi qu’un partenaire commercial clé d’Israël. Tandis que le fil twitter de son bureau en Israël donne l’image du plus grand fan de l’état sioniste, l’UE, aussi, produit des rapports ; son dernier en date documente l’expansion des colonies israéliennes illégales : « La progression totale des unités d’habitation en 2018 (de janvier à décembre) s’élève à plus de 15800 (9400 unités en Cisjordanie et 6400 à Jérusalem-Est). Les chiffres montrent une forte hausse de la planification des constructions futures. Cette évolution permettra potentiellement, en l’espace de plusieurs années, à plus de 60000 colons israéliens de s’installer en Cisjordanie occupée, Jérusalem-Est y compris ? »
Malheureusement, toutefois, l’Union Européenne n’imposera pas de sanctions à Israël pour avoir planifié d’installer 60 000 Israéliens supplémentaires en Palestine illégalement occupée en violation du droit international. C’est une organisation, souvenez-vous, qui n’a pas sourcillé lorsque l’an dernier Israël a détruit des salles de classe utilisées par des enfants palestiniens, qui avaient été financées par les contribuables européens.
L’UE peut décider de bannir les produits des colonies pour signaler qu’elle enregistre les violations Israéliennes et la construction de colonies peuplement, mais qu’elle ne contribuera pas à leur développement. Si 27 pays peuvent contrarier la stratégie de sortie de l’Union Européenne de la Grande Bretagne, alors ils peuvent prendre des mesures contre Israël. Il devrait subir des pressions. Ses clubs de foot devraient être expulsés de l’UEFA et l’organisation du prochain Concours Eurovision de la chanson en mai prochain devrait lui être retirée.
Insistons sur le fait que c’en est vraiment trop du deux poids, deux mesures et de l’hypocrisie du monde concernant les violations israéliennes envers les Palestiniens. Cela suffit de documenter les souffrances palestiniennes et les atrocités israéliennes tout en procurant une totale impunité à l’agresseur. Il est temps d’agir pour faire en sorte qu’il n’y ait plus d’autres enfants palestiniens comme Hassan et Hamza qui soient abattus et tués par des tireurs d’élite israéliens qui peuvent agir de la sorte sachant que leurs actes n’auront aucune conséquence significative pour eux-mêmes ou leur pays. L’UE documente les crimes israéliens; elle doit maintenant y remédier.
Auteur : Kamel Hawwash
* Kamel Hawwash est professeur de génie civil palestinien britannique de l’université de Birmingham. Il fait campagne pour que soit réparée l'injustice qui a frappé le peuple palestinien pacifique lorsque Israël lui a été imposé et que des centaines de milliers d'entre eux sont devenus des réfugiés. Il est vice-président du British Palestinian Policy Council (BPPC) et membre du Comité exécutif de la Campagne de solidarité avec la Palestine (PSC). Il écrit pour le Middle East Monitor et Middle East Eye, offrant une perspective palestinienne. Vous pouvez aussi consulter son blog sur : www.kamelhawwash.com
12 février 2019 – Middle East Monitor – Traduction: Chronique de Palestine – MJB