Moins de symbolisme, plus d’action : vers une solidarité significative avec la Palestine

Palestinian Solidarity Campaign
Photo : www.palestinecampaign.org
Ramzy Baroud – La Campagne de Solidarité avec la Palestine Palestine Solidarity Campaign) a choisi la semaine du 25 novembre au 3 décembre comme la plus grande initiative jamais menée pour boycotter les produits israéliens et ceux des entreprises qui contribuent à l’occupation militaire israélienne de la Palestine.

Dans un communiqué de presse publié récemment, l’organisation de la société civile a souligné “99 actions qui se dérouleront à travers le monde” pour mettre en évidence ce qu’ils ont qualifié de “complicité des entreprises HP dans les violations israéliennes du droit international et des violations des droits humains”.

Les actions de BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) devraient être organisées dans au moins 18 pays, répartis sur 6 continents.

La forte augmentation du militantisme dans le cadre de la campagne de boycott est le résultat direct de la pression israélienne – associée à celles des gouvernements occidentaux – pour contrecarrer ce mouvement. Même les institutions financières, comme la Banque d’Irlande, se sont associées à ces efforts, fermant les comptes des groupes de solidarité et cherchant simplement à relever le prix de ceux qui osent se montrer solidaires envers le peuple palestinien.

Cependant, il semble que plus Israël tente d’entraver BDS, plus ce mouvement gagne attention et sympathie. D’une certaine façon, la réaction frénétique d’Israël a aidé BDS à étendre son influence et à élargir le débat sur le conflit en Palestine. Dans un tel contexte, il est fort probable que les sociétés civiles, et non l’intimidation des pouvoirs politiques, finiront par l’emporter – comme l’ont montré des expériences antérieures, tel le mouvement anti-apartheid sud-africain.

La solidarité avec la Palestine a franchi de nombreuse étapes et a surmonté de nombreux obstacles ces dernières années, mais les Palestiniens eux-mêmes se sont adressés à d’autres groupes marginalisés, dont les Afro-Américains, les Amérindiens et le Mouvement des sans terre au Brésil. Cela reflète une maturité croissante, car tous ces mouvements cités ici sont les alliés naturels du peuple palestinien.

La semaine du 25 novembre, cependant, n’a pas été choisie au hasard car le 29 novembre est la “Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien”.

Alors, qu’est-ce que ce 29 novembre, “Journée de solidarité” ? En réalité, l’événement à l’origine de cette date spécifique est un des plus dramatiques.

De façon totalement injuste, la Palestine a été divisée le 29 novembre 1947. Il n’y avait aucune base morale ou juridique pour cette partition, telle qu’elle est mentionnée dans la résolution 181 (II) de l’ONU, en un “État juif” et un “État arabe”. Les immigrants juifs ont obtenu 55 pour cent de la taille totale de la Palestine historique, et l ‘”État arabe”, de façon totalement arbitraire, s’est vu attribué le reste. Jérusalem devait être doté un statut juridique et politique spécial, connu sous la dénomination latine de “corpus separatum”, et devait être sous administration internationale.

Quelques mois après cette partition sans aucun fondement, des milices sionistes ultra-entraînées ont largement débordé plusieurs ronts pour soit-disant “sécuriser” les frontières de ce qui leur avait été donné comme État, mais en réalité pour faire main basse sur plus de la moitié de ce qui était désigné comme appartenant à l’État palestinien, ne laissant à la population d’origine de cette terre que 22% de la Palestine historique.

En juin 1967, l’armée israélienne a conquis tout ce qui restait de Palestine. Suite à ces deux campagnes militaires, des millions de Palestiniens ont été transformés en réfugiés.

La Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien a été choisie presque exactement 30 ans après le plan de partage. Elle a été annoncée dans des résolutions successives, d’une part en décembre 1977 (Rés. 32/40 B) et, d’autre part, plus en substance, en décembre 1979 (Résolution 34/65 D).

Ces résolutions ont marqué trente années d’échec complet de la part de la communauté internationale à imposer l’établissement d’un État palestinien, et même à imposer n’importe quelle mesure de rétorsion à l’État juif qui depuis 30 ans violait de façon répétée les lois internationales et tous les principes juridiques sur la base desquels les Nations Unies ont été établies.

On ne peut pas nier le rôle de nombreuses nations amies, surtout du Sud, qui se tenaient à côté de la Palestine et qui, parfois, affrontèrent la colère des États-Unis et des gouvernements occidentaux pour leur solidarité sans faille. Cependant, la nature et les dates de ces résolutions ont juste valeur de témoins, au mieux de gestes symboliques pour attester d’une solidarité verbale et non active.

Selon un document des Nations Unies relatif à la journée de la solidarité, le 29 novembre a pour but de donner à la communauté internationale “l’occasion de concentrer son attention sur le fait que la question de la Palestine est restée non résolue et que le peuple palestinien doit encore obtenir ses droits inaliénables tels que définis par l’Assemblée générale.”

Pourtant, peu de choses ont été faites au cours des 39 dernières années pour mettre en œuvre une seule de ces résolutions, que ce soit en partie ou en totalité. Aucun mécanisme pratique n’a été mis en place. Aucun appareil juridique n’a été mis en place pour aider les Palestiniens dans leurs efforts pour parvenir à une indépendance digne de ce nom ou pour punir ceux qui nient au peuple palestinien ses droits et ses aspirations politiques.

Toute recommandation pour une intervention significative au nom des Palestiniens occupés et opprimés a été contrariée à maintes reprises : obstruée par les veto des États-Unis aux Nations Unies, entravée de multiples façons par Israël et ses alliés occidentaux.

Malheureusement, entre la résolution originale décidant de la partition en 1947 et la période d’aujourd’hui, la cause palestinienne s’est nourrie de symbolisme – une solidarité symbolique, des victoires symboliques, etc.

Ce qui précède n’a pas pour but de saper l’importance de cette journée. Mais pour respecter le sens de son appellation, cette journée doit être reprise en main, écartée des diplomates et de leur vocabulaire édulcoré, et rendu au peuple. En fait, la solidarité palestinienne est désormais un phénomène mondial: c’est l’occasion parfaite pour faire du 29 novembre une journée stratégique et militante à l’échelle du globe, sous la direction de la société civile.

Cette société civile peut exploiter la journée de solidarité comme une occasion de faire pression sur ses gouvernements pour que ceux-ci aillent au-delà des gestes symboliques et prennent des mesures significatives. Cette orientation est des plus importantes dans les sociétés occidentales, en particulier aux États-Unis qui ont servi de bouclier et de bienfaiteur pour Israël depuis trop longtemps.

Les Nations Unies et toutes les plateformes importantes de la plus grande institution internationale doivent élaborer un mécanisme viable pour mettre un terme à l’occupation israélienne et donner aux Palestiniens un véritable horizon politique.

De plus, une journée de solidarité basée sur une réalité politique datant de quatre décennies et façonnée par une compréhension du conflit vieille de sept décennies, tout en étant admirable en principe, devrait être revue. Une “solution à deux État” n’est aujourd’hui ni juste ni praticable.

Un nouveau récit doit s’imposer, où la “question de la Palestine” ne soit pas présentée comme un “problème des réfugiés” ou une “crise humanitaire” dont la solution dépendrait d’une solidarité verbale et d’une aide alimentaire, mais comme une crise politique des plus urgentes où la partie lésée doit être supportée sans aucune condition.

Toute solidarité qui ne reprend pas à son compte les aspirations actuelles des Palestiniens – défendues par leurs combattants et leurs combattantes, par leurs prisonniers en grève de la faim, par leurs étudiants luttant pour le droit à l’éducation, par toutes ces voix résistantes mais souvent ignorées – n’est pas une vraie solidarité.

Pour que la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien soit véritablement significative, les Palestiniens eux-même et leurs amis du monde entier doivent s’en saisir.

A1 * Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest. Visitez son site personnel.

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30 novembre 2016 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah