Par Ahmad Abu Amer
Face à la recrudescence des attaques palestiniennes contre les Israéliens en Cisjordanie, au moins deux attaques meurtrières revendiquées par le Hamas laissent supposer que le mouvement a activé ses cellules clandestines pour faire pression sur l’occupant israélien et sur l’Autorité palestinienne.
L’aile militaire du mouvement Hamas, les brigades Izz ad-Din al-Qassam, a revendiqué le 13 décembre la responsabilité de l’attaque par balle du 9 décembre près de la colonie Ofra, à l’est de Ramallah, qui a blessé 11 Israéliens. Le groupe a également assumé la responsabilité d’un incident survenu le 7 octobre à la colonie de Barkan, dans lequel un Palestinien qui travaillait dans une usine israélienne proche a abattu deux colons et en a blessé un troisième. Les brigades ont menacé de mener des attaques supplémentaires.
L’armée israélienne a effectué des raids et des arrestations le 11 décembre. Entre le 13 et le 14 décembre, elle a appréhendé et tué par balle les auteurs présumés des attentats d’octobre et de décembre. Le 14 décembre, deux soldats israéliens ont été tués et d’autres blessés près de Silwad, au nord de Ramallah, par un homme soupçonné d’être affilié au Hamas et toujours en fuite.
L’augmentation de la violence intervient après que le chef d’état-major de l’armée israélienne, Gadi Eizenkot, eut averti à la mi-septembre d’une possible implosion en Cisjordanie. Selon les données publiées par le Shin Bet le 13 décembre, le nombre d’attaques perpétrées par des Palestiniens contre des soldats et des colons israéliens dans ce pays s’est élevé à 64 en août; 70 en septembre; 95 en octobre; et 114 en novembre. Les auteurs ont utilisé des couteaux, des fusils, des pierres et des cocktails Molotov.
Ces incidents représentent un défi pour les services de sécurité israéliens et leurs collaborateurs palestiniens, qui ces dernières années ont déjoué de telles attaques en Cisjordanie et ont été en mesure de démanteler les cellules du Hamas. L’Autorité palestinienne étant bloquée au milieu, le bureau du président Mahmoud Abbas a condamné le 13 décembre la violence des deux côtés.
Certains observateurs palestiniens pensent que le Hamas cherche probablement, par le biais de ses attaques, à accroître la pression sur Israël pour qu’il poursuive les négociations sur une trêve à long terme, qui étaient en cours mais se sont ensuite arrêtées après une confrontation militaire de deux jours, les 12 et 13 novembre, à Gaza.
Mahmoud Mardawi, dirigeant du Hamas et ancien responsable militaire des brigades Qassam, a déclaré à Al-Monitor que ces attaques étaient une réaction aux attaques permanentes perpétrées par les colons israéliens contre les Palestiniens et aux raids et kidnappings lancés par l’armée israélienne dans les secteurs palestiniens. Les colonies en expansion constante sont également un facteur de colère. Il a affirmé que le Hamas et d’autres factions palestiniennes disposaient d’un réseau de cellules en Cisjordanie capable de frapper à tout moment l’armée israélienne et les colons.
Mardawi a nié la possibilité que les attaques du Hamas nuisent à la tentative de réconciliation avec le Fatah, qu’il estime bloquée en raison de l’intransigeance du Fatah et du rejet d’un partenariat politique avec le Hamas. Il a affirmé que l’Autorité palestinienne avait menacé d’imposer des mesures plus punitives à Gaza, telles que la suspension du soutien gouvernemental aux Gazaouites estimé à 96 millions de dollars par mois, dans le but d’exercer un chantage et d’inciter l’opinion palestinienne à s’opposer au mouvement.
Le 14 décembre à Hébron, les services de sécurité palestiniens ont réprimé violemment une manifestation dirigée par le Hamas en soutien aux récentes attaques armées. Un nombre non spécifié de manifestants ont été arrêtés puis ensuite relâchés.
“Les services de sécurité ne permettront à aucune entité palestinienne de remettre en cause la sécurité intérieure et d’enflammer [la situation en] Cisjordanie pour ses propres objectifs”, a déclaré à Al-Monitor une source de sécurité de haut rang, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. “Une telle situation serait utilisée par Israël comme une excuse pour réoccuper la Cisjordanie.”
Il a noté que la coordination entre les services de sécurité israéliens et leurs collaborateurs palestiniens restait en cours et que l’Autorité palestinienne avait le pouvoir d’y mettre fin si elle le souhaitait. Les incursions de l’armée israélienne dans les zones contrôlées par l’Autorité palestinienne sans coordination préalable avec les services palestiniens, ainsi que les attaques et les menaces de colons contre les Palestiniens, constituent le principal problème qui menace la coordination repressive, a-t-il encore dit. Il a ajouté que le 11 décembre, des colons avaient appelé à l’assassinat d’Abbas, en publiant des affiches à cet effet.
Wassef Erekat, un ancien commandant d’artillerie de l’Organisation de libération de la Palestine, a déclaré à Al-Monitor que les cellules qui ont perpétré les attaques récentes ont reçu une formation militaire. Il en a cité comme preuve l’exactitude des attaques et la capacité de leurs auteurs à se retirer et à disparaître. Il a noté qu’il avait fallu beaucoup de temps, environ 60 jours, à Israël pour retrouver l’un des assaillants. Erekat pense que le Hamas se prépare à mener des attaques supplémentaires contre les Israéliens et il s’attend donc à une augmentation des tensions en Cisjordanie.
Akram Atallah, analyste politique et chroniqueur pour le quotidien al-Ayyam, a déclaré à Al-Monitor que le Hamas avait programmé ses attaques à l’occasion de l’anniversaire de la fondation du mouvement, le 14 décembre. Le Hamas rappelle ainsi à Israël qu’il continuera de mener des opérations armées.
Atallah a également expliqué que les attaques étaient embarrassantes pour l’Autorité palestinienne, qui apparaît totalement en marge dans la lutte contre Israël et dans l’incapacité de maîtriser la situation en Cisjordanie. Il affirme que l’AP est consciente que le Hamas, tout en recherchant une trêve à Gaza avec Israël, souhaite en même temps une escalade militaire avec Israël en Cisjordanie afin de punir l’AP pour ses actions répressives contre le mouvement.
Israël déploie davantage de troupes et érige des points de contrôle dans les villes de Cisjordanie et intensifie ses opérations de renseignement pour contrecarrer d’éventuelles attaques. Les forces de sécurité israéliennes prédisent la poursuite de la hausse actuelle des attaques, tandis que des appels sont lancés pour qu’elles cessent rapidement avant qu’il ne soit trop tard.
Auteur : Ahmad Abu Amer
* Ahmad Abu Amer est un écrivain et journaliste palestinien, travaillant pour plusieurs médias, à la fois locaux et internationaux. Il est titulaire d’une maîtrise de l’Université islamique de Gaza. Il a co-écrit un livre sur le blocus de Gaza pour l’Agence turque Anadolu.Son compte Twitter.
21 décembre 2018 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine