Par Adnan Abu Amer
Le 27 novembre, la première Conférence internationale de la jeunesse a eu lieu à Gaza et a attiré nombre de personnalités et de dirigeants du Hamas pour discuter des problèmes et des besoins des jeunes Palestiniens. Al-Monitor a tenu une série de réunions avec des responsables du Hamas de différents niveaux de responsabilités, qui ont exprimé des positions différentes sur les raisons pour lesquelles les jeunes membres ne connaissent guère de promotion dans les rangs du mouvement. Certains responsables ont blâmé les jeunes eux-mêmes, tandis que d’autres ont déclaré que c’était la charte du Hamas qui entravait leur avancée.
Une jeunesse sous-représentée
Hazem Kassem, porte-parole de l’organisation islamique, a déclaré à Al-Monitor: “Le Hamas est un mouvement jeune, établi il y a 30 ans et qui compte des milliers de jeunes membres. Il n’y a pas de règlement empêchant ses jeunes membres de progresser, et en effet, certains des membres du Conseil de la Shura du Hamas ont moins de 40 ans.”
Mais Ahmed Youssef, conseiller politique de l’ancien Premier ministre palestinien Ismail Haniyeh, a déclaré à Al-Monitor que la génération fondatrice du Hamas n’a pas su – peut-être intentionnellement – représenter la jeune génération, en particulier au Conseil suprême de la Shura.
“La direction dans le mouvement est de nature patriarcale et cela nécessite des personnes plus âgées avec une expérience importante et étendue aux niveaux administratif ainsi bien que sécuritaire, ainsi que dans le cadre des activités du Dawa [touchant aux questions socio-économiques] et des activités partisanes. Ce genre d’expérience est seulement rempli dans la génération plus âgée et parmi les anciens combattants qui ont une poids historique, et cela pourrait entraver l’accès des jeunes à des postes plus élevés”, estime-t-il.
Youssef, une éminente personnalité réformiste du Hamas qui dirige l’Institution de la Maison de la Sagesse pour la Résolution des Conflits et la Gouvernance à Gaza, a ajouté: “A certaines occasions, le leadership du Hamas invoque des excuses pour limiter les positions de leadership à une catégorie spécifique de dirigeants historiques parmi les anciens prisonniers qui ont survécu à la cruauté des prisons israéliennes. Le Hamas a ses propres règlements, lois, mécanismes électoraux et fonctionnement secret. Il ne permet pas de faire campagne, avec des candidats pouvant présenter leurs idées et leur plate-forme pour convaincre les cadres du mouvement qu’ils ont la compétence et la capacité requises pour gagner leur voix et les représenter.”
Pesanteurs internes
Il poursuit : “Malheureusement, à la lumière du processus électoral interne du mouvement, des personnalités telles que des imams et des prédicateurs ou des anciens détenus dans des prisons israéliennes ou des personnalités qui font souvent des apparitions publiques à des occasions nationales et religieuses, sont les plus susceptibles de l’emporter, en lieu et place d’universitaires et de personnes ayant des capacités et des compétences exceptionnelles, mais moins connues du public.”
Ihab al-Ghusain, ancien porte-parole du Hamas et membre de l’organisation, a déclaré à Al-Monitor que le mouvement n’avait pas de réglementation spécifique jouant contre les jeunes dirigeants.
Peut-être l’une des entités les plus importantes au sein du Hamas, composée de jeunes partisans, est le Bloc islamique, l’organisation étudiante du mouvement qui exerce ses activités dans les universités et les écoles.
Au cours des années, le Bloc islamique (al-Kotla al-Islamiyyah) a produit des dirigeants modèles parmi les étudiants, qui depuis ont occupé des positions politiques et militaires importantes au sein du Hamas, comme Ismail Haniyeh et Yahya Sinwar dans la bande de Gaza et Jamal Mansour et Yahya Ayyash en Cisjordanie.
“En ce qui concerne l’activité publique, le Hamas compte sur des dizaines de milliers de jeunes membres parmi les étudiants et les personnels des universités”, a déclaré à Al-Monitor M. Hani Mokbel, responsable du Bloc islamique. N’importe lequel de ces jeunes membres peut occuper des postes de responsabilité sur le terrain. Mais à mesure que nous progressons en termes de niveaux de dirigeants potentiels, nous constatons que la représentation des jeunes est limitée, probablement en raison des normes d’âge [non officielles] au sein du Hamas.”
Sari Orabi, un expert palestinien sur les partis islamistes, a déclaré à Al-Monitor: “Le travail de terrain au Hamas s’appuie sur des militants jeunes, mais cela ne se reflète pas dans les échelons les plus élevés du Hamas et reste limité aux niveaux subalternes. La présence de jeunes membres dans les centres de décision est également très limitée. C’est pourquoi le leadership du Hamas est restreint, avec peu de renouvellement.”
Il poursuit : “Certains des dirigeants actuels du Hamas sont parmi ceux qui ont contribué à la fondation du mouvement quand ils étaient jeunes à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Ces fondateurs restent aujourd’hui au sommet de l’organisation, même si certains d’entre eux sont très âgés.”
Le bureau politique de 12 membres, qui est l’organisme le plus important dans le Hamas, n’a pas de participant de moins de 50 ans, et certains ont entre 60 et 70 ans.
Les effets de la répression israélienne
Certains observateurs estiment que le manque de jeunes dirigeants dans le Hamas a plus à voir avec les actions israéliennes en Cisjordanie qu’avec une stratégie d’ordre hiérarchique au sein du Hamas. Il apparaît en effet que les nouveaux membres du Hamas capables d’accéder aux échelons supérieurs du mouvement sont régulièrement arrêtés par les autorités israéliennes d’occupation ou sont les victimes de tentatives d’assassinat. Ce phénomène n’est pas aussi répandu dans les régions moins touchées par les mesures israéliennes, comme la bande de Gaza et à l’étranger.
Un jeune militant, cependant, a déclaré que le Hamas semblait changer, même si avec lenteur.
“Le Hamas est de plus en plus intéressé par sa catégorie la plus jeune”, a déclaré Mohammed Abu Shkian à Al-Monitor. “Il a créé à la fin de 2015 un département de la jeunesse et a commencé à élargir sa communication avec les jeunes dans les clubs et centres culturels, plutôt que de se limiter aux mosquées. Une évolution intellectuelle est palpable dans la jeunesse du Hamas, qui revendique une plus grande représentation au niveau de la direction. Et de fait, le Hamas a formé des comités pour dispenser aux jeunes une formation aux postes de responsabilités.”
Pourtant, l’alternance à la direction dans le Hamas est toujours soumise à des influences qui tiennent à l’histoire. Celles-ci sont couplés avec un manque d’intérêt ou de la capacité à faire évoluer une réglementation interne pour donner aux jeunes une plus grande influence. Si les mêmes personnes, avec les mêmes attitudes, restent indéfiniment chargées de la prise de décision organisationnelle et politique, cela pourrait diminuer l’influence du mouvement et faire que les jeunes s’en éloignent.
* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé en Histoire de la question palestinienne, sécurité nationale, sciences politiques et civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.
14 décembre 2016 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine