Par Abdel Bari Atwan
Le projet du gouvernement britannique d’interdire le mouvement Hezbollah dans son intégralité – qu’il s’agisse de la branche politique ou militaire – et de le qualifier d’organisation terroriste ne peut être considéré isolément des tentatives américaines et israéliennes de mobiliser pour la guerre contre l’Iran. Cette mobilisation a été implacable au cours des dernières semaines aux niveaux régional et international.
Le gouvernement conservateur britannique de droite a rompu avec la politique européenne de longue date en déclarant qu’il traiterait désormais les ailes militaire et politique du Hezbollah comme une seule et même entité. Le ministre de l’Intérieur, Sajid Javid, a annoncé que l’interdiction déjà actée de l’aile militaire serait désormais appliquée à l’aile politique, et que toute l’organisation serait interdite.
Cette mesure a été prise en réponse aux pressions des États-Unis et d’Israël et il n’est pas surprenant que le ministre israélien de la Sécurité publique, Gilad Erdan, ait été parmi les premiers à s’en féliciter. Il a exhorté les autres pays européens à faire de même, et nous ne devrions pas être surpris si Donald Trump vomisse bientôt un tweet disant la même chose.
C’est le gouvernement britannique qui a eu pour la première fois l’idée de faire la distinction entre les ailes politique et militaire des mouvements de résistance. Il avait uniquement interdit l’aile militaire de l’armée républicaine irlandaise (IRA) lorsqu’elle luttait pour l’unification de l’Irlande.
Mais sa dernière initiative rompt avec ce concept, illustrant la manière dont de doubles normes sont appliquées aux Arabes et aux Musulmans, et en particulier dans le cadre du conflit israélo-arabe.
Le Hezbollah s’est habitué à de telles initiatives et nous doutons que l’organisation soit très affectée par la décision du Royaume-Uni. Depuis des décennies, il est sans cesse attaqué par les États-Unis, Israël et divers régimes arabes, et il s’est adapté à toutes les difficultés qui en résultent pour effectuer des transferts financiers et recevoir des dons de ses soutiens à l’étranger. De plus, le Hezbollah ne possède pas en son nom propre des dépôts dans les banques occidentales ni aux noms de ses dirigeants.
Le Hezbollah n’a jamais mené d’action militaire contre les intérêts britanniques, ni en Grande-Bretagne ni à l’étranger. La décision britannique est plus dommageable pour le Royaume-Uni lui-même que pour la partie libanaise, peut-être pas immédiatement mais peut-être à plus long terme. Elle ferme tous les canaux de communication alors qu’auparavant, les responsables du Foreign Office invitaient les interlocuteurs du Hezbollah à se rendre en Grande-Bretagne pour un échange de vues sur des questions politiques, de sécurité et autres.
L’initiative britannique aurait été compréhensible si une cellule du Hezbollah avait été stoppée en train de mener ou de planifier une action terroriste au Royaume-Uni ou ailleurs contre celui-ci. Mais quand une telle décision est prise uniquement en réponse à l’incitation américaine et israélienne, cela reflète un manque lamentable d’analyses sur les conséquences futures possibles, y compris pour la sécurité et les intérêts de la Grande-Bretagne. Nulle part dans le monde les développements futurs ne sont aussi imprévisibles qu’ils le sont au Moyen-Orient.
Ce n’est pas le Hezbollah qui menace la stabilité du Moyen-Orient, mais Israël – qui continue à occuper des terres palestiniennes, à faire échec à tout processus de paix – et à ses guerres sanglantes successives et ses crimes de guerre, en particulier dans le sud du Liban, dans la bande de Gaza et en Syrie.
Le Hezbollah est un mouvement de résistance légitime contre l’occupation israélienne, qui a volé des territoires libanais, syriens et palestiniens. C’est cela la réalité, et l’interdiction britannique n’aura probablement pas plus d’effet que l’interdiction américaine.
Cette interdiction reflète le chaos politique actuel en Grande-Bretagne et la faiblesse de son gouvernement, qui est totalement sous l’emprise des groupes de pression israéliens, qu’ils soient britanniques ou américains. C’est regrettable dans tous les sens du terme.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
27 février 2019 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah