“Mon fils a été tué il y a 5 jours… Tout ce que je veux, c’est l’enterrer. Mais ils gardent son corps, ils ne nous le donneront pas.”
Mokafih Abu Roumi s’est entretenu avec ISM le mardi 20 août à propos de la mort de son fils, Nassim Abu Roumi, âgé de 14 ans, et du harcèlement et des punitions collectives que lui et sa famille ont dû subir depuis.
Le 15 août, Nassim Abu Roumi et Hammouda Khader Sheikh (âgé de 14 ans également) ont tenté une attaque au couteau contre la police israélienne qui bloquait l’une des entrées de la mosquée Al-Aqsa (le Dôme du Rocher). Après avoir tenté de poignarder un officier de police israélien, Nassim a été abattu de plusieurs balles et est mort sur place; Hammouda a été touché à plusieurs reprises avant d’être emmené en détention. Sa situation actuelle est inconnue. Un policier israélien a été soigné pour “blessures légères”.
La séquence vidéo de l’attaque montre que Nassim a été initialement touché à la jambe, après quoi des officiers israéliens ont continué à lui tirer dessus. Mokafir pense que son fils a été littéralement exécuté car il ne représentait plus une menace pour la police, expliquant qu’ “ils [la police] auraient pu l’arrêter sans le tuer. Ces soldats (policiers) sont très bien entraînés, ils avaient… des années d’expérience, ils pouvaient contrôler un petit garçon. Mais ils voulaient le tuer”.
Immédiatement après l’attaque de Nassim, son père a été arrêté et détenu dans une cellule pendant plus de deux heures, après quoi il a été interrogé par des agents du Shin Bet. Il a été contraint de regarder la vidéo de la police israélienne tirant à plusieurs reprises des balles sur son fils alors qu’il était encerclé par les forces d’occupation israéliennes, et il était exigé de lui qu’il identifie Nassim.
Mokafih parle de son fils Nassim comme d’un “… enfant amical et honnête. Il était apprécié de tous à l’école et avait beaucoup d’amis. Il était en 7ème année dans [une branche de] l’école Al Aqsa à Ezariyya, il n’avait aucun problème de relations ou psychologique. Il aimait le football et Internet.” Il se souvient que son fils était profondément irrité par la brutalité des forces d’occupation israéliennes envers les fidèles palestiniens à la mosquée Al Aqsa le premier jour de l’Aïd, l’une des plus importantes fêtes musulmanes de l’année.
Les images de femmes et d’enfants violemment agressés l’ont profondément bouleversé. Son père affirme que son fils a agi seul et que l’attaque n’a été décidée ni planifiée par aucun parti ou mouvement politique.
Le 11 août, les forces israéliennes d’occupation ont utilisé des gaz lacrymogènes, des balles en acier recouvertes de caoutchouc et des grenades aveuglantes pour chasser des dizaines de milliers de musulmans palestiniens de l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa et permettre à 1300 colons juifs de pénétrer dans l’enceinte. Soixante-et-un Palestiniens ont été blessés, dont 15 ont dû être hospitalisés.
Quatre jours plus tard, à 16 heures de l’après-midi, Nassim a quitté la maison sans dire à personne où il allait. Plus tard dans la nuit, Mokafih a appris que son fils était mort.
Les services de renseignements israéliens – le Shin Bet – continuent de retenir le corps du fils de Mokafih. Les demandes de Mokafih pour récupérer la dépouille de son fils ont été à chaque fois rejetées au motif que l’enquête de la police sur la cause du décès est toujours en cours, alors même que des images de la fusillade de la police par Nassim sont largement diffusées dans les médias internationaux et en ligne.
La police exige aussi de Mokafih qu’il accepte les conditions préalables concernant les obsèques avant de restituer le corps de son fils.
En décembre 2017, la Haute Cour de justice israélienne a statué que les corps des présumés suspects ne pouvaient pas être détenus par l’État israélien. Mais 4 mois plus tard, la Knesset a adopté une nouvelle loi autorisant la détention des corps jusqu’à ce que les familles cèdent aux conditions préalables relatives à l’organisation des funérailles.
Les corps des Palestiniens tués par les forces israéliennes d’occupation servent de moyen de chantage.
Mokafih a déclaré que l’impossibilité de donner à son fils même une simple inhumation, était source d’angoisse et de chagrin énormes pour lui et sa famille. Selon les traditions funéraires islamiques, l’inhumation devrait avoir lieu dans les 24 heures suivant le décès. L’inhumation dans la dignité et selon les lois religieuses du défunt est un droit humain fondamental garanti par la Convention de Genève.
Même après la perte d’un fils, la famille Abu Roumi n’est pas seulement privée de ses droits fondamentaux, mais elle est également obligée de continuer à souffrir sans perspective que cela cesse.
24 août 2019 – ISM – Traduction : Chronique de Palestine