Par Abdel Bari Atwan
Netanyahu pourrait bien regretter d’avoir enfreint les règles d’engagement au Liban.
Il ne fait aucun doute que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, tiendra sa promesse de se venger du récent raid de drones israélien sur le sud de Beyrouth. La seule question est de savoir comment, quand, et quelles en seront les conséquences.
Les dirigeants israéliens en sont bien conscients et malgré leur bravade de façade, se préparent à la frappe imminente de représailles, plaçant leurs forces en alerte maximale.
Il n’y a rien de nouveau concernant des avions de guerre ou des navires de guerre israéliens violant l’espace aérien ou les eaux territoriales du Liban. Ils le font depuis des décennies et, ces dernières années, ont régulièrement utilisé l’espace aérien libanais pour lancer des tirs de missiles contre des cibles à l’intérieur de la Syrie, y compris sur des convois d’armes du Hezbollah.
Mais la dernière attaque était différente. En envoyant deux drones dans la capitale libanaise dans le but d’assassiner un haut responsable non identifié du Hezbollah, les Israéliens ont enfreint les règles d’engagement convenues de longue date entre les deux parties. C’est, à notre avis, la raison pour laquelle Nasrallah a eu une perception aussi grave de l’incident et a jugé impérative une forte réaction.
La cible visée par les drones aurait été une personnalité du Hezbollah dont l’identité n’a pas été révélée. Cette opération faisait partie d’une campagne d’assassinats ciblés dont la liste pourrait être étendue à n’importe qui.
Selon les médias israéliens, le premier drone aurait été un avion de surveillance censé suivre la personne ciblée alors qu’elle se déplaçait le long de la rue Muawwad, au cœur de la banlieue sud, où le Hezbollah entretient un hébergement tenu secret avec lequel il reçoit des visiteurs importants, tels des commandants. On suppose que la victime visée a joué un rôle d’intermédiaire entre le Hezbollah et le général Qasem Suleimany, commandant de la brigade al-Qods des gardiens de la révolution iraniens, ou aurait même pu être Suleimany lui-même. Le deuxième drone armé a été détruit à distance par les Israéliens après l’abattage du premier avion, faisant échouer l’opération d’assassinat.
Cette violation des règles d’engagement en vigueur depuis treize ans – depuis la fin de la guerre de 2006 – s’inscrivait dans un plan israélien plus large consistant à attaquer des groupes pro-iraniens dans trois pays différents – la Syrie, l’Irak et le Liban – dans une période de 24 heures. Cela ressemblait à une tentative de provoquer des représailles de la part l’Iran afin d’entraîner ce dernier dans une guerre plus vaste dans laquelle les États-Unis seraient impliqués. Mais les dirigeants iraniens se sont retenus et ont évité de tomber dans le piège, du moins jusqu’à maintenant.
La deuxième attaque israélienne sur le Liban, lorsque les avions de guerre ont bombardé la base d’un groupe palestinien soutenu par la Syrie – le Commandement du Front populaire général – dans la vallée de la Beqaa, peut également avoir eu d’autres objectifs : en réponse au discours de Nasrallah promettant de prendre des mesures de représailles et suite aux trois missiles lancés hors de la bande de Gaza dimanche soir contre la colonie de Sderot.
Le Premier ministre israélien, Binyamin Netanyahu, est convaincu que ses perspectives de réélection reposent sur des discours et des mesures fermes à l’égard de l’Iran et de ses alliés, générant un climat de crise dans la région et pouvant même provoquer une guerre régionale.
Mais il a peut-être poussé le bouchon trop loin.
Nasrallah n’a pas dit quand et comment les représailles du Hezbollah s’appliqueraient. Le Hezbollah laisse la planification, le ciblage, l’exécution et le calendrier de telles actions à ses commandants militaires. Tout ce que nous pouvons anticiper, c’est que ce sera douloureux et que cela ne fera pas la fortune électorale de Netanyahu contre les ex-généraux qui se moquent de lui pour son manque d’expérience militaire.
Les analystes et les observateurs se posent déjà la question suivante : que se passera-t-il après les représailles du Hezbollah ? Les dirigeants israéliens vont-ils absorber le coup sous la pression des États-Unis pour éviter de provoquer une guerre régionale généralisée ? Ou va-t-il réagir en déclenchant de nouvelles attaques ? Tout un enchainement d’événements pourrait se produire et le Hezbollah lâcherait alors tout son arsenal de missiles contre les infrastructures militaires et industrielles israéliennes. Et comme Israël a déjà pris pour cible l’Iran, l’Irak et la Syrie en plus du Liban et de Gaza, le Hezbollah ne sera pas seul dans la confrontation qui s’ensuivra.
Auteur : Abdel Bari Atwan
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
27 août 2019 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah