Par Yvonne Ridley
C’est pourquoi, nous ne devrions peut-être pas être du tout surpris de l’émergence manifeste du monstre à trois têtes représentant le privilège blanc, le racisme et le nationalisme dans les deux pays.
Cette grotesque troïka est indéniablement présente : Donald Trump, le président états-unien qui a déjà interdit à des millions de musulmans et de gens de couleur l’accès aux États-Unis a dévoilé, cette semaine, ses plans pour maintenir indéfiniment en détention les demandeurs d’asile et leurs enfants, sa dernière tentative agressive en date pour dissuader les migrants de franchir la frontière mexicaine.
En Israël, son allié politique international le plus proche Benjamin Netanyahu est un autre nationaliste blanc éhonté, à la tête de l’état sioniste d’apartheid qui organise la discrimination envers ses propres citoyens palestiniens, un cinquième de la population, en utilisant une législation ouvertement raciste.
S’il subsistait un quelconque doute quant au racisme sans artifice, la misogynie et la suprématie blanche à l’œuvre chez ces deux personnages, il s’est sûrement évanoui suite à l’interdiction, bien documentée, faite aux deux élues du Congrès états-uniennes Ilhan Omar et Rashida Tlaib de se rendre en Palestine occupée et en Israël. Les deux femmes sont musulmanes ; toutes deux sont des femmes de couleur ; et elles représentent la moitié du dit “Squad” (escadron) de la Chambre des Représentants à Washington, les autres membres du Squad étant Alexandria Ocasio-Cortez de New York et Ayanna Pressley du Massachusetts.
Mme Tlaib du Michigan, où elle est née, est la première Palestino-Américaine élue au congrès états-unien. Elle et Mme Omar du Minnesota, née en Somali, auraient toutes deux dû se joindre à 40 autres personnages politiques états-uniens pour le traditionnel voyage gratuit de Washington en Israël organisé par l’AIPAC, le très influent American Israel Public Affairs Committee (Comité américain pour les Affaires publiques israéliennes) ou l’un de ses affiliés sionistes. Cette réjouissance particulière est financée par l’American Israel Educational Foundation (Fondation pour l’éducation américano-israélienne) au nom bien inoffensif.
Ce voyage aurait donné l’occasion à Mme Tlaib d’enchaîner une visite privée de deux jours à sa grand-mère de 90 ans Muftiya à Beit Ur Al-Tahta, en Cisjordanie occupée. En apprenant ses projets, il semble que Donald Trump ait immédiatement téléphoné à son meilleur ami Benjamin Netanyahu à Tel Aviv. Le résultat était prévisible : Mmes Tlaib et Omar se sont vu refuser l’entrée en Israël au motif qu’elles soutiennent le mouvement pacifique de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) qui défend les droits des Palestiniens.
Que l’on puisse être étonné me dépasse. Il n’y a pas si longtemps, M. Trump a dit à Mme Tlaib et au reste du Squad de “retourner” d’où elles venaient. C’était un extraordinaire esclandre contre des membres démocratiquement élus du Congrès états-unien, qui lui a valu la condamnation des chefs d’état de pratiquement du monde entier à l’exception – vous l’aurez deviné – de son copain Netanyahu.
Le plus choquant c’est que ces deux nationalistes blancs ne se soucient visiblement plus de ce que le reste du monde pense de leurs misogynie, islamophobie, racisme et haine débridés. Donald Trump s’est même moqué de la déception évidente et des larmes de Mme Tlaib provoquées par l’interdiction de rendre visite à sa grand-mère nonagénaire, disant que la députée démocrate ne faisait que “des simagrées”.
Il vaut la peine de faire remarquer que Mme Tlaib a semblé visiblement bouleversée lorsqu’elle a rappelé que sa mère et elle-même avaient dû subir l’épreuve des “postes de contrôle déshumanisants” en Israël, bien que citoyennes états-uniennes rendant simplement visite à leurs proches palestiniens.
Et c’est là la véritable histoire dans tout ça, il ne s’agit pas seulement de deux nationalistes de droite blancs empêchant deux élues au Congrès états-unien de se rendre en Palestine ; il s’agit aussi des millions de Palestiniens qui, depuis le nettoyage ethnique de leur patrie en 1948 jusqu’à aujourd’hui, ne sont pas autorisés à exercer leur droit légitime au retour, même pour rendre visite à leur famille et amis.
Ces Palestiniens de la diaspora soutiennent peut-être ou pas le mouvement BDS, mais chacun d’entre eux sans exception se voit refuser l’accès par Israël s’ils tentent d’exercer ce droit, malgré la Résolution 194 de l’Assemblée Générale de l’ONU adoptée le 11 décembre 1948, qui établit clairement que toute personne a le droit, selon le droit international, de revenir dans son pays d’origine.
Le fait que ce droit soit refusé aux réfugiés palestiniens, et que M. Netanyahu appâte M. Trump pour qu’il annule leur statut de réfugié, en dans un premier temps, fermant l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) qui procure des services essentiels aux « réfugiés palestiniens », devrait nous faire honte à tous, et notamment à ceux qui prétendent défendre les droits de l’homme et l’état de droit.
Il est scandaleux que le plus proche allié des États-Unis refuse l’entrée à deux de leurs députées élues, mais ce qui l’est encore plus, c’est qu’elles ne font que subir ce que des millions de Palestiniens vivent chaque jour. Dans notre empressement à condamner M. Netanyahu pour le sort réservé à Mmes Tlaib et Omar, n’oublions pas de le condamner également pour le nettoyage ethnique en cours et la colonisation de la Palestine.
La Nakba n’a pas commencé et ne s’est pas terminée en 1948 ; elle se poursuit. Rashida Tlaib et Ilhan Omar sont certes des actrices importantes, mais c’est le droit inaliénable au retour des Palestiniens qui est le véritable enjeu dans cette histoire.
22 août 2019 – Middle East Monitor – Traduction: Chronique de Palestine – MJB