Par Ramzy Baroud
Le 10 novembre, le président bolivien, Evo Morales, a annoncé sa démission suite à ce que son adjoint, Álvaro García Linera, a qualifié de coup d’État militaire.
Les 14 années de mandat de Morales ont été considérées par beaucoup comme un succès pour le peuple autochtone de Bolivie. en fait, pour les peuples autochtones du monde entier. Aux côtés du président vénézuélien Hugo Chavez et du président cubain Fidel Castro, parmi d’autres dirigeants sud-américains socialistes ou à tendance socialiste, M. Morales représentait l’espoir de toute une génération.
Le 20 octobre, après les élections générales dans le pays, tout s’est écroulé. Les opposants à M. Morales, traditionnellement soutenus par Washington, ont accusé le camp du président d’avoir trafiqué les élections. Après l’annonce des résultats qui donnait à Morales une avance de 10% sur son rival, une campagne savamment orchestrée a été lancée par l’opposition pour renverser le président.
Des manifestations de l’opposition très médiatisées ont provoqué des soulèvements nationaux, des troubles politiques et un ultimatum de l’armée à Morales. Craignant de nouvelles violences et le chaos dans le pays, le président a annoncé sa démission.
Il serait prudent de dire que ce n’est pas la fin du socialisme bolivien ni de la campagne menée par le peuple pour la justice et l’égalité. Le mouvement populaire en Bolivie est fort et enraciné non seulement en Bolivie, mais dans toute la région et au-delà. C’est l’une des raisons pour lesquelles les Palestiniens de tous les horizons suivent de près l’évolution de la situation en Bolivie.
Les Palestiniens voient en la Bolivie – bien qu’elle soit géopolitiquement éloignée du Moyen-Orient – une véritable amie et une alliée de confiance. Par ailleurs, la démission de Morales est une5- Donner la priorité à la Palestine bonne nouvelle pour Tel-Aviv…
Ci-dessous sont mis en évidence sept cas où la Bolivie, sous l’impulsion de Morales, a montré un type de solidarité avec le peuple palestinien qui était parfois sans précédent dans le monde :
1- Couper les liens avec Israël
Même avant que la Bolivie reconnaisse officiellement la Palestine, le 14 janvier 2009, elle avait rompu ses liens avec Israël. Une semaine plus tôt, le Venezuela avait fait de même. La décision de la Bolivie a été prise en réponse à la guerre israélienne destructrice contre Gaza, connue sous le nom d’opération Plomb durci. A l’époque, Morales avait appelé à la destitution du prix Nobel de la paix du président israélien Shimon Peres, en raison de son soutien aux crimes israéliens commis dans la bande de Gaza assiégée.
2- Reconnaître la Palestine
Le 22 décembre, Morales a donné suite à sa décision de rompre ses liens avec Israël en reconnaissant officiellement l’État de Palestine en tant qu’État indépendant et souverain. La décision de la Bolivie faisait clairement partie d’un effort coordonné de l’Amérique du Sud visant à faire preuve d’une plus grande solidarité avec le peuple palestinien, à la suite d’une décision similaire prise par le Brésil et l’Argentine.
3- Soutenir la Palestine aux Nations Unies
Lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York le 21 septembre 2011, le Président Morales a déclaré: “Non seulement la Bolivie soutient la reconnaissance de la Palestine par les Nations Unies, mais notre position est de souhaiter la bienvenue aux Palestiniens à l’ONU”. Morales a également dénoncé Israël pour avoir “bombardé, attaqué, tué et pris des terres” à l’encontre du peuple palestinien autochtone. L’appui de la Bolivie à la Palestine auprès de l’Organisation des Nations Unies est resté fort et constant tout au long de la dernière décennie.
4- Déclarer Israël un État terroriste
Le 30 juillet 2014, le président Morales est allé plus loin en déclarant Israël “État terroriste” à la suite de la dernière guerre menée par ce dernier dans l’enclave de Gaza. La déclaration de Morales n’était pas de la pure rhétorique, mais suivie de mesures concrètes pour tenir Israël responsable de ses crimes contre les Palestiniens occupés et assiégés. Ce jour-là, la Bolivie a également classé Israël dans la catégorie “groupe 3”, ce qui signifie que tout Israélien souhaitant se rendre en Bolivie devait obtenir un visa nécessitant l’approbation de l’Administration nationale des migrations.
5- Donner la priorité à la Palestine
Lorsque la Bolivie a assumé la présidence du Conseil de sécurité des Nations Unies en juin 2017, elle a déclaré que la Palestine était une priorité absolue de son agenda politique. “Nos priorités : le conflit au Moyen-Orient de 50 ans d’occupation de la Palestine et la non-prolifération des armes chimiques et nucléaires”, avait alors tweeté le président Morales.
6- Énumérer les noms des Palestiniens martyrisés
Le 15 mai 2018, l’ambassadeur de Bolivie auprès des Nations Unies a enregistré l’un des gestes de solidarité les plus symboliques, mais les plus chargés en émotion, jamais manifestés devant les institutions internationales à l’égard de la Palestine. Sacha Llorenti a commencé son discours lors d’une session d’urgence aux Nations Unies en nommant les 61 Palestiniens assassinés par Israël dans la Grande Marche du Retour de Gaza. Les victimes palestiniennes ont toutes été tuées lors de manifestations populaires non violentes qui exigeaient la fin du siège israélien à Gaza.
7- Coopérer avec la Palestine
Le 22 juin 2019, la Bolivie a scellé sa solidarité avec le peuple palestinien avec la signature de l’accord de coopération pour le développement entre les deux pays. Bien que le libre-échange et la coopération entre les deux économies ne soient pas une tâche aisée, compte tenu du fait que la Palestine est sous contrôle total d’Israël, l’accord était une évolution naturelle et logique du soutien politique et de la solidarité populaire avec la Palestine, manifestées depuis de nombreuses années.
Il serait erroné de nier le pouvoir du mouvement indigène bolivien malgré la démission brutale de Evo Morales. Il serait également erroné de conclure que l’absence de Morales détruira automatiquement le lien solide qui unit la solidarité et la lutte commune entre la Palestine et la Bolivie.
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son prochain livre est «The Last Earth: A Palestine Story» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.
14 novembre 2019 – The Palestine Chronical – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah