Par Ramzy Baroud
C’est une “tentative de coup d’État”, a déclaré Netanyahu le 21 novembre, éructant contre son inculpation de fraude, de corruption et d’abus de confiance par le procureur général israélien, Avichai Mandelblit. Ceux qui restent loyaux à Netanyahu ont approuvé. Le 26 novembre, quelques milliers de sympathisants du Likoud se sont réunis à Tel Aviv sous le slogan “Stop au coup d’État” pour exprimer leur colère face à ce qu’ils considèrent comme une conspiration massive impliquant Mandelblit, les médias, diverses institutions de l’État et de “déloyaux» membres du Likoud.
Le principal rival du parti Likoud de Netanyahu, Gideon Sa’ar, a été la cible d’une grande partie des agressions verbales.
Sa’ar, qui avait presque sombré dans l’oubli après avoir quitté la Knesset en 2014, a refait surface sur la scène politique israélienne après les élections d’avril 2019. L’incapacité de Netanyahou à former un gouvernement s’est alors aggravée par un échec similaire à former une coalition gouvernementale après les deuxièmes élections générales, qui ont eu lieu quelques mois plus tard en septembre dernier.
Depuis 2014, personne n’osait défier le règne de Netanyahu sur le Likoud. “Ce n’était pas nécessaire”, a écrit Yossi Verter à Haaretz le 29 novembre. Netanyahu “les a amenés au pouvoir, maintes fois. Mais un certain nombre de petites choses se sont passées depuis”.
C’est à cause de ces “petites choses” que Sa’ar a osé à nouveau défier Netanyahu. Ce qui est important dans le défi de de Sa’ar à la direction du parti, n’est pas la possibilité qu’il renverse Netanyahu, mais le fait que le “roi d’Israël” n’impose plus le type de crainte et de respect qu’il a péniblement produit depuis une décennie d’un pouvoir quasi incontesté.
Dès que Sa’ar a appelé à de nouvelles primaires du Likoud, les seconds-couteaux de Netanyahu, tels que le ministre des Affaires étrangères Yisrael Katz, et d’autres politiciens influents – Nir Barkat, Miri Regev, entre autres – se sont précipités sur Sa’ar, le traitant de “déloyal”. Les manifestants de Tel-Aviv avaient des qualificatifs bien plus humiliants pour ce membre rebelle du Likoud. Cependant, malgré les cris tonitruants et les insultes, Netanyahu a dû faire une concession, en promettant le 23 novembre qu’il mettrait en jeu son poste à la direction du parti dans les prochaines semaines.
Netanyahu n’a pas d’autre choix. Même s’il peut encore se maintenir à la tête si les primaires ont lieu à temps, il ne peut pas se permettre de voir s’approfondir les doutes existants au sein de son parti. S’il ne parvient pas à assurer sa légitimité au sein de son propre parti du Likoud, il pourrait difficilement prétendre être en mesure de diriger tout Israël après une éventuelle troisième élection générale en mars.
Cependant, Sa’ar n’est pas le plus gros problème de Netanyahu.
La situation de Netanyahu – en fait, de tout Israël – se complique de jour en jour. Le dirigeant israélien a réussi à concilier ses propres intérêts politiques et familiaux avec les intérêts collectifs de tous les Israéliens. “Je fais tout ce qui est nécessaire pour que le travail du gouvernement et du cabinet se déroule de toutes les manières nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens israéliens”, a-t-il déclaré à un journaliste le 23 novembre, affirmant qu’il s’acquittait toujours de sa tâche de Premier ministre “de la meilleure façon possible, avec un dévouement suprême à la sécurité d’Israël”.
Très désireux de rester au pouvoir le plus longtemps possible, Netanyahu utilise toujours le même discours politique qui l’a aidé à unifier de nombreux secteurs de la société israélienne depuis plus de dix ans. Mais ce stratagème ne donne plus le résultat escompté. Pour sa part, Benny Gantz, le principal rival de Netanyahu au sein du parti Bleu et Blanc (Kahol Lavan), a neutralisé le succès du premier ministre dans la manipulation du terme “sécurité”, car lui aussi est un partisan de la guerre à outrance.
La dernière opération guerrière de Netanyahu à Gaza, le 12 novembre, au cours de laquelle l’armée israélienne a assassiné 34 Palestiniens, y compris des femmes et des enfants, en est un exemple. Pendant la guerre de destruction de courte durée, Gantz était occupé à essayer de former un gouvernement, Netanyahu ayant déjà échoué dans cette tâche. Recourant à la guerre, Netanyahu a tenté d’envoyer trois messages, tous destinés au public israélien : un à Mandelblit, pour remettre à plus tard l’acte d’accusation; le second à Gantz, pour qu’il reconsidère sa décision de l’empêcher de prendre part à un futur gouvernement, et le dernier au public israélien, pour lui rappeler sa propre et supposée capacité à garder la main contre le “terrorisme”.
Mais tout cela a échoué : Gantz a déclaré le 20 novembre son incapacité à former un gouvernement, préférant l’échec plutôt que d’assurer une survie politique à Netanyahu dont l’acte d’accusation devait être publié de façon imminente. En effet, la décision du procureur général est arrivée le 21 novembre, inculpant pour la première fois dans l’histoire du pays, un Premier ministre dans l’exercice de ses fonctions. Pire encore, le parti Bleu et Blanc a considérablement élargi son avance sur le Likoud, selon un sondage d’opinion commandé par la télévision israélienne Channel 12 et publié le 26 novembre.
Mais de quel autre langage – hormis celui de la guerre, au nom de la sécurité, et des accusations de complots politiques – Netanyahu peut-elle réellement se servir durant cette période? Ce genre de tactiques ont souvent fonctionné dans le passé. En fait, elles ont si bien fionctionné que toute la doctrine politique de Netanyahu a été conçue autour d’elles. Aujourd’hui, le dirigeant israélien est à court d’idées et rapidement à court d’alliés, non seulement de l’extérieur [du Likoud], comme son ancien allié et président du parti Yisrael Beiteinu, Avigdor Lieberman, mais également au sein de son propre parti.
La raison pour laquelle Netanyahu est toujours au pouvoir après tous ses revers et ses échecs semble tenir au fait que ses rivaux n’ont pas encore réussi mobilisé les suffrages et le soutien du public pour le renverser une fois pour toutes. Il faudra certainement plus qu’un Gantz pour déloger Netanyahu, qui reste têtu, car ce dernier a consolidé et enraciné son pouvoir par le biais d’un système complexe de favoritisme politique profondément ancré dans de nombreuses facettes de la société israélienne.
Il paraîtrait pourtant que la fin de l’ère Netanyahu soit enfin arrivée, mais elle sera probablement plus longue et plus malodorante que prévu. S’il demeure vrai qu’un changement aussi important dans le système politique israélien ne procurera ni paix ni justice aux Palestiniens – ni stabilité à la région – il pourrait potentiellement constituer l’équivalent d’un tremblement de terre politique en Israël même, dont les conséquences ne sont pas encore connues.
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son prochain livre est «The Last Earth: A Palestine Story» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.
4 décembre 2019 – Communiqué par l’auteur – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah