Par Daniel Vanhove
Ce n’est pas un hasard, mais au contraire voulu par les délinquants du petit cercle politico-médiatique qui nous gouvernent et où défilent les chroniqueurs attitrés venant nous déverser leur soupe habituelle. Sauf que de plus en plus de citoyens n’y croient plus et les renvoient à leurs gamelles.
Les raisons qui sous-tendent certains évènements, particulièrement quand ils sont inavouables, doivent rester cachées. L’on nous maintient dans l’ignorance, le brouillard, la confusion. C’est encore plus vrai en géopolitique, domaine essentiel qui conditionne les politiques intérieures ensuite, et où nous manquons souvent d’informations à la source qui nous permettraient d’élaborer une réflexion objective. Sauf que l’expérience nous a appris que la réalité des faits finit par remonter à la surface, nous révélant alors les impostures des équipes au pouvoir.
Ainsi de l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani accompagné par le chef du Hezbollah irakien Abu Mahdi al-Muhandis et quelques hommes. Beaucoup de choses ont été déclarées. Or chaque jour qui passe apporte de nouveaux éléments, venant contester les affirmations annoncées la veille ou l’avant-veille.
Plusieurs mensonges sont venus contredire les réalités du terrain. Ainsi, quand l’énergumène qui préside les USA tweete qu’après la riposte iranienne sur la base militaire d’Aïn al-Asad, tout va bien et qu’il n’y a aucune victime à déplorer, il ment. Il semble y avoir eu plusieurs morts et des hôpitaux en Jordanie, Israël et même en Allemagne ont accueilli des dizaines de blessés amenés par avions et hélicoptères en provenance du théâtre des opérations. Les autorités irakiennes ont d’ailleurs été appelées en renfort au niveau médical et logistique pour aider à dégager les victimes des gravats.
De même, quand ce grossier président se félicite quelques heures plus tard en conférence de presse que non seulement il n’y a aucune victime, mais que les dégâts matériels sont insignifiants, il ment encore. Les photos qui, malgré la censure imposée, ont fini par parvenir aux agences de presse montrent à quel point les infrastructures de l’une des bases militaires US les plus importantes de la région ont été détruites, la rendant quasi inopérante. Les témoignages de militaires présents sur la base au moment des impacts commencent à confirmer ‘l’enfer’ que ce fut.
Mais cela n’explique toujours pas pourquoi D. Trump a pris la décision d’assassiner le général iranien, contre l’avis de ses conseillers y compris ceux du Pentagone pourtant parmi les plus belliqueux que compte l’administration américaine. Au point que quelques heures plus tard, la Chambre des représentants ait voté en faveur d’un projet de loi limitant dorénavant les pouvoirs du président pour éviter de nouvelles initiatives guerrières contre l’Iran, celles-ci mettant la vie des ‘boys’ en danger.
Les raisons de cette intervention sont multiples. Une première en est que derrière ce type d’assassinat se trouvent les services secrets (Mossad) du régime israélien. Qui, malgré s’en être réjoui n’a pas fait grand bruit après le décès annoncé de Q. Soleimani, préférant rester discret, sachant la capacité de réponse des autorités iraniennes. Et craignant peut-être que la grande confrontation annoncée par différents acteurs de l’Axe de la Résistance – l’éradication à venir du régime sioniste, et qui était un objectif de Q. Soleimani – ne soit arrivée.
Derrière toute action qui ébranle le Moyen-Orient se trouve le gouvernement israélien, qu’il soit de droite ou de gauche n’est pas la question. La Palestine le paie chaque jour depuis plus de 70 ans d’une guerre coloniale que d’aucuns qualifient encore de ‘conflit’ entre parties – comme si une idéologie coloniale qui vole les biens et les vies des autochtones relevait d’un ‘conflit’ ; l’Irak de S. Hussein en a fait les frais sous prétexte ‘d’armes de destruction massive’ ; puis ce fut le tour de la Libye du colonel Khadafi qui voulait ‘massacrer la population de Benghazi’ ; et ensuite celui de la Syrie du clan al-Assad qui aurait réprimé avec violence une contestation citoyenne surgie ‘spontanément’, quand les documents de Wikileaks – dont la lente agonie de sa figure emblématique J. Assange se meurt dans les geôles britanniques dans l’indifférence quasi générale de nos gouvernements – révélaient le plan américano-sioniste de 2005 pour ’un remodelage du Moyen-Orient’. Aujourd’hui, c’est au tour de l’Iran des méchants ayatollahs pour leur obscurantisme chi’ite, et leur obsession d’acquérir la bombe atomique, quand on sait que ceux qui ont dénoncé ‘l’accord 5+1’ au bout de 15 ans d’âpres négociations sont les Américains, cornaqués en cela par Tel-Aviv.
Tout ceci n’a pour toile de fond que le démembrement des Etats nations du Moyen-Orient, pour les affaiblir et écarter ainsi toute menace sur Israël. Les intérêts du régime sioniste sont prioritaires et bien défendus par les lobbies juifs ainsi que par M. Pompeo et M. Pence convaincus de participer à l’histoire et aux thèses des chrétiens évangéliques, plus sionistes en cela que certains juifs eux-mêmes. Et les annonces répétées du président Trump voulant sortir ses troupes du Moyen-Orient, paniquent le régime israélien qui se voit d’un coup bien esseulé face à une résistance qui se renforce chaque jour. Il faut donc tout tenter pour les obliger à se maintenir dans la région, espérant que les réponses iraniennes les forceront à y rester. Mauvais calcul, mais tant Tel-Aviv que les USA les multiplient ces derniers temps, ébranlés par la perte de leur puissance.
Une deuxième raison en est que l’administration américaine exerce des pressions sur l’Irak comme sur la Syrie pour s’approprier leur pétrole et les revenus qu’en tirent ces États. Rien de moins. Non contents d’avoir ravagé et détruit ces pays à travers leurs brutales interventions militaires depuis des années, les USA ne cachent plus le fait qu’ils sont de vrais gangsters. Il y a quelques mois, le président B. al-Assad déclarait qu’il préférait le président Trump car il était ‘plus transparent que ses prédécesseurs’ qui agissaient de la même manière criminelle mais sans l’annoncer, se voyant même parfois auréolés d’un Prix Nobel de la Paix !
Dernière menace en cours : D. Trump a averti les autorités irakiennes que si celles-ci finissaient par contraindre les troupes US à quitter le pays, les avoirs irakiens issus du pétrole déposés dans les coffres des banques américaines seraient confisqués. Les montants en jeu n’ont pas été divulgués, mais selon certaines sources, il pourrait s’agir de plusieurs milliards de dollars. Si la mode vestimentaire a changé, ce pays est toujours animé par son esprit ‘Western’ qui à l’époque déjà l’a amené à s’approprier les biens des Amérindiens à travers un génocide qu’il faut continuer à dénoncer.
Une troisième raison est la signature des autorités irakiennes avec les autorités chinoises pour la reconstruction des infrastructures du pays au nez et à la barbe des Etats-unis. Au vu des destruction que ces derniers y ont provoquées, le marché est pharaonique, et malgré les pressions exercées par le gouvernement US pour dénoncer cet accord et tenter de rafler la mise, l’Irak y résiste et veut le maintenir.
Une quatrième raison pour laquelle D. Trump aurait pris sa décision : selon le premier ministre irakien démissionnaire Adil Abdul-Mahdi, la possibilité d’une détente entre l’Iran et l’Arabie saoudite en négociations pour tenter de désamorcer la guerre menée au Yémen et qui se révèle être un fiasco complet pour la monarchie saoudienne. Ce qui, au passage, n’est évidement pas du goût du régime de Tel-Aviv.
Les princes saoudiens ont d’ailleurs envoyé illico une délégation à Washington pour exhorter le gouvernement américain à la retenue, sachant leur incapacité à gagner celle qu’ils mènent au Yémen, une nouvelle guerre leur serait fatale. Dans le même ordre d’idées, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres à d’ailleurs déclaré : « Le monde ne peut se permettre une nouvelle guerre dans le Golfe ».
Cinquième raison de cet assassinat qui contrevient au Droit international, et non des moindres : le pétrodollar garantit aux USA le rôle du dollar dans son statut de réserve mondiale, ayant permis d’asseoir leur hégémonie sur la planète. Cela veut dire par exemple que quand n’importe quel pays au monde veut payer ses achats de pétrole à ses fournisseurs, il doit d’abord convertir sa monnaie et acheter des dollars pour pouvoir effectuer la transaction. Vu les montants engagés il n’est pas difficile de comprendre les sommes astronomiques que cela représentent et la puissance que les Etats-unis ont pu en tirer depuis des décennies.
Ces dernières années, quelques pays ont tenté de refuser ce diktat US et ont élaboré le projet de ne plus payer les factures pétrolières en pétrodollars, mais en yuans chinois ou en roubles russes, voire en euros au nombre desquels S. Hussein, M. Khadafi, H. Chavez… qui en ont fait les frais, ainsi que V. Poutine, Xi Jinping, N. Maduro, E. Morales, et l’Iran, tous sous pressions, mais néanmoins déterminés de se débarrasser de ce poids inique et refusant cette vision unipolaire américaine au profit d’un monde multipolaire plus équilibré que celui dicté par la puissance américaine en déclin, mais qui ne l’accepte pas.
Sixième raison dont je ne peux faire l’impasse, bien que plus triviale, mais faut-il s’en étonner : les élections présidentielles américaines de novembre prochain où D. Trump veut apparaître pour celui qui a rendu les USA « great again » ! Quand on en est à un tel niveau de bassesse et que l’on s’autorise tous les coups, il ne faut pas être surpris de tels calculs sordides. Comme je l’exprimais déjà dans mon livre « La Démocratie Mensonge », à ce niveau de pouvoir, nos vies de citoyens de comptent pas. Nous vivons vraiment dans des mondes différents. Ces gens-là ne se servent de nous que pour asseoir leur pouvoir. Tout le reste n’est que vétille aux yeux de ces psychopathes :
« (…) Dans le même temps, les pontes arrogants qui nous gouvernent – ou plutôt, nous manipulent – ne semblent pas encore bien se rendre compte que, si l’information ‘officielle’ circule partout et de manière instantanée via une orchestration parfaite de médias sous contrôle, fort heureusement aujourd’hui, la contre information circule également (…) Pour ceux qui nous gouvernent, la perte d’un, dix ou cent civils ne pèse rien, mais perdre un militaire qu’il a fallu former pendant de longues années aux techniques toujours plus complexes d’une puissance létale devenue aussi ruineuse que terrifiante, devient hors prix (…)
Ceux-là mentent comme ils respirent et continuent à penser que les citoyens sont dupes. Quand je me rappelle de la mise en scène grotesque de Colin Powell à l’ONU, alors Secrétaire d’Etat sous le 1er mandat de l’administration Bush, avant l’invasion de l’Irak, sortant de sa poche une petite fiole censée contenir l’échantillon d’un produit hautement toxique que Saddam Hussein, bête noire du moment, s’apprêtait à larguer en masse sur nos innocentes « démocraties », je ne sais s’il faut rire ou pleurer… Comment est-il possible, à ce niveau de pouvoir, de se prêter à pareille facétie ? Lentement, leur bêtise vient donc compléter leurs mensonges…
Combien de temps, une vraie « démocratie » peut-elle souffrir de se vider ainsi de sa propre substance, avant de basculer ? Les nettes poussées extrémistes perceptibles dans plusieurs pays ne sont probablement pas étrangères à cette malhonnêteté de nos classes dirigeantes. Par leur pleutrerie et leurs collusions malsaines, ces dernières laissent s’installer voire favorisent la peste brune que seuls leurs discours arrangés condamnent…» *
Dès lors, dans le droit fil de ce qui précède, l’Eurasie est en plein chamboulement et il serait bien utile que la diplomatie européenne ne se trompe pas d’alliances, au risque de nous entraîner du mauvais côté de la balance. Souvent, dans ce que l’on peut voir et entendre ces derniers temps, les messages des responsables politico-médiatiques des pays européens ne sont malheureusement pas encourageants et sont encore empreints de cette insupportable arrogance qui les caractérisent.
Comme je le dis souvent, la géographie finit toujours par avoir le dernier mot sur l’histoire. Ces responsables auront-ils le recul, la mémoire et un peu de modestie pour s’en souvenir et revenir à la réalité des faits au lieu de s’arc-bouter sur leur idéologie atlantiste perdante, comme tout un chacun peut le constater ?
Note:
* « La Démocratie Mensonge » – 2008 – Ed. M. Pietteur – Extrait
16 janvier 2019 – Transmis par l’auteur.