Par Daniel Vanhove
Sans amélioration notoire pour les Palestiniens, et après la visite provocatrice d’A. Sharon sur l’Esplanade des Mosquées en septembre 2000, éclatait la 2è Intifada.
Pour mieux comprendre les enjeux de cette question centrale du Proche-Orient mais très mal présentée à travers les médias habituels, je décidais d’accompagner sur le terrain une délégation de citoyens affiliés au mensuel ‘Le Monde Diplomatique’.
Le choc entre ce qui était régulièrement rapporté par ces médias et la réalité vécue sur place eut sur moi l’effet de la foudre.
Ce premier voyage m’ayant totalement bouleversé, je décidai d’y retourner… pour finalement m’y rendre à plusieurs reprises les années suivantes. J’en écrivis deux livres et m’engageai auprès des Palestiniens rencontrés à témoigner sans relâche de l’injustice flagrante dont ils étaient victimes.
Pour ceux qui, loin des grilles de lecture occidentalo-centrées complaisantes, souhaitent suivre et comprendre ce qui se passe vraiment en Palestine, un blog est disponible et mis à jour quotidiennement.
Du bon usage des mots
Parmi plusieurs articles, j’en rédigeai un pour décrire les conditions infra-humaines des habitants de la Bande de Gaza, y expliquant qu’avec le blocus imposé par l’occupant en juin 2007 – et qu’aucun État extérieur n’a eu la volonté de briser – Gaza devenait un “camp concentrationnaire”, voire un “camp d’extermination”.
Que n’avais-je soulevé ?! De nombreuses réactions m’arrivèrent, m’expliquant qu’il est des termes convenus qu’il ne faut en aucun cas utiliser en-dehors du génocide organisé par le régime nazi contre les juifs durant la guerre 39-45.
Au fil des ans, j’écrivis d’autres articles, et constatant une dégradation continue des conditions de vie des Palestiniens imposées par les méthodes brutales de l’occupant israélien, particulièrement aux Gazaouis, dans un silence complice des autres nations, j’enfonçai le clou et me risquai à démontrer qu’il s’agissait-là selon les Conventions admises au niveau international, d’un “lent génocide”. [1]
Que n’avais-je encore écrit ?! Les interpellations – même de la part de militants de la cause palestinienne (!) – redoublèrent pour me rappeler qu’il est des termes strictement réservés aux évènements de la seconde guerre mondiale. Laissant voir à quel point le ‘politiquement correct’ s’est insinué partout, même au point d’une auto-censure chez certains.
Cependant, au fil des évènements de plus en plus dramatiques qui affectaient la population palestinienne et de l’impunité dont jouissait l’occupant, je persistai et continuai à écrire ma perception de la réalité de ce qu’il faut nommer par son nom, à savoir la “guerre coloniale” – et non un simple “conflit” que deux parties auraient à trancher sur quelque vague question de frontière – menée par le régime sioniste raciste contre les Palestiniens, dans le but de s’approprier leurs terres et leurs biens. Et au vu des pratiques criminelles et innommables des occupants, j’intitulai l’un de mes billets : “Sionisme = nazisme”.
Houlà… que n’avais-je cette fois osé comme termes ?! A nouveau, si quelques réactions furent positives, nombreuses furent celles où l’on m’expliqua qu’il ne fallait en aucun cas mélanger les genres. Je passe sur les insultes diverses auxquelles je me suis habitué, sachant que lorsque les intervenants n’ont plus d’arguments, ils versent dans ce genre d’hystérie qui doit assurément les soulager.
La fuite en avant de puissances déclinantes
Il y a quelques mois, lorsque D. Trump prit la décision de transférer l’ambassade des USA de Tel-Aviv vers Jérusalem faisant de celle-ci la nouvelle capitale de l’État hébreu, puis de reconnaître les hauteurs du Golan comme appartenant à Israël et enfin de ne plus déclarer illégales les colonies, je répétai les étapes du processus de démantèlement de la Palestine que j’entrevoyais pour la suite des évènements, à savoir : la démolition de la mosquée al-Aqsa pour l’érection du nouveau Temple dont rêvent les sionistes juifs et les chrétiens évangéliques, et l’annexion de ce qui reste de territoires palestiniens, à l’exception de la Bande de Gaza.
Aujourd’hui, après le pathétique numéro d’entre-soi des délinquants que sont Trump, Netanyahu and c°, à quoi assistons-nous, sinon à ce que j’ai exprimé ? Ce n’est que l’ordre qui diffère, la mosquée al-Aqsa étant toujours debout, bien qu’avec l’aval US il est à craindre que ce ne soit plus pour longtemps. Les fouilles soi-disant archéologiques – d’autant plus acharnées qu’elles ne révèlent rien sur la judéité des lieux – des autorités israéliennes ont des impacts directs sur les constructions avoisinantes, et de nombreuses habitations situées aux alentours de la mosquée se sont tellement fissurées, que plusieurs habitants ont dû en être évacués par crainte d’effondrement de leur maison.
Ce duo de délinquants, poursuivis chacun par la justice de leur pays, n’ont en réalité présenté aucun ‘plan de paix’, mais de ‘petits arrangements entre amis’ via un plan… d’annexion, qui leur permettra (peut-être) de se faire réélire. Dernière cartouche qui leur reste dans une configuration qui voit leur influence et leur hégémonie fondre jour après jour.
Ce “deal” présenté comme l’ultime chance pour les Palestiniens n’est en réalité que l’affirmation d’une suprématie blanche sur le Droit international dont elle bafoue tous les fondements. Et c’est sans doute l’aspect le plus grave pour la suite des évènements.
En effet, maintenant que l’administration américano-sioniste a clairement révélé ce qu’elle n’a eu de cesse de pratiquer pendant des années – avec la complicité d’autres pays tant européens qu’arabes – mais de manière dissimulée, comment vont réagir les autres États signataires de la charte des Nations-Unies garante du Droit international ? Vont-ils persister dans leur hypocrisie et s’aplatir devant ce diktat qui contrevient en tous points au Droit international, ou auront-ils le courage de faire face et dénoncer cette imposture ? C’est par leur inaction que ces pays ont laissé toute latitude au tandem Trump-Netanyahu, et d’en arriver-là !
Adopter le “deal” infâme de l’administration américaine serait renier ce Droit avec les conséquences désastreuses pour l’ensemble des Nations, consacrant de la sorte le retour à la loi du plus fort et l’effondrement de l’ONU. Le refuser et s’en tenir au Droit est courir le risque du courroux US et s’exposer aux actions criminelles et terroristes dont ils sont capables comme on peut le voir un peu partout sur la planète dès qu’un État s’oppose à leur politique prédatrice.
Contre-plan de Paix pour la Palestine – Israël
Pour sortir de cette impasse qui n’a que trop duré, je propose un autre plan, réellement axé pour une paix juste et définitive qui, par ricochet permettrait sans doute une contagion pacifique dans toute la région : j’invite l’ensemble de la Communauté internationale – à savoir, tous les membres de l’ONU et non les seules puissances habituelles – à remettre le dossier à plat et à revoir les décisions iniques prises lors du partage de la Palestine en 1947 en l’absence des premiers concernés qui allaient découvrir qu’on les avait volés d’une part de leur territoire.
Je propose de revenir aux fondamentaux, d’oublier les multiples plans qui n’ont abouti qu’aux désastres que l’on voit, et de reconsidérer la Palestine dans sa géographie originelle pour y appliquer le plus simplement possible et comme dans tout État moderne, la citoyenneté à tout habitant désireux d’y vivre pacifiquement, tant juif que chrétien, musulman, athée et autres confessions, sans que ce ne soit un critère pour l’obtention d’un droit à vivre et résider dans le pays.
Sans refus catégorique des États à ce “bide americano-sioniste” dont tout le monde pouvait anticiper les teneurs racistes, le régime israélien sera débordé de toutes parts, confronté à une résistance de mieux en mieux armée et organisée qui finira par l’évincer et l’écraser. Et les sionistes feraient bien de se rappeler l’avertissement de H. Nasrallah de plier bagage et rentrer d’où ils viennent, tant qu’ils le peuvent encore !
Richard Falk, ancien rapporteur spécial sur la Palestine pour l’ONU, déclarait : “La Palestine gagne ce qui est en fin de compte la guerre la plus importante: la lutte pour la légitimité, qui est le plus susceptible de déterminer le résultat politique. Dans le contexte des luttes anticoloniales”, dit-il citant Vietnam, Algérie et Irak, “la partie avec la plus grande persévérance et la plus grande résilience, et non pas celle qui contrôlait le champ de bataille, a finalement gagné” (R.Falk 2014).
Le “bide du siècle” annoncé depuis Washington a un avantage : il se révèle être la confirmation d’une guerre coloniale illégitime menée depuis plus de 70 ans contre une population de plus en plus démunie et oubliée.
Après une telle déclaration officielle, tous les mouvements de résistance à l’implantation de ce régime d’apartheid sont dès lors en droit d’y répondre avec tous les moyens à leur disposition, afin de récupérer ce qui a été volé au peuple palestinien. [2]
Notes :
[1] Dans la Convention des Nations-Unies du 09.12.1948 pour la Prévention et la Répression du Crime de génocide, celui-ci s’entend lorsque l’un des actes ci-après, est commis dans l’intention de détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
– Meurtre de membres du groupe;
– Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
– Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
– Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
– Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Sans le moindre risque de se tromper, l’occupant israélien est coupable de plusieurs de ces crimes. L’on est donc bien en présence du crime de génocide, lent peut-être, mais incontestable.
[2] La Résolution 2621 XXV du 12.10.1970 des Nations-Unies affirme « le droit inhérent des peuples coloniaux de lutter par tous les moyens nécessaires contre les puissances coloniales qui répriment leur aspiration à la liberté et à l’indépendance. » Cette légitimation du droit à la résistance est confortée par l’article 1er §4 du premier protocole additionnel de Genève du 08.06.1977 aux termes duquel, parmi les conflits armés internationaux, figurent ceux « dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,… »
31 janvier 2020 – Transmis par l’auteur.