Par Marion Kawas
De nombreux détails avaient déjà fait l’objet de fuites, mais lors de cette conférence de presse ils ont été présentés comme un ensemble truffé de cartes. Pour de nombreux Palestiniens, cet exercice n’a fait que reconnaître ce qui est déjà la réalité sur le terrain.
Mais pour ceux qui se cramponnent encore au paravent de “l’ordre international”, le plan d’apartheid de Trump porte l’estocade à la solution tant vantée des “deux États”. Cette solution, qui traîne depuis plus de 25 ans, n’a eu pour résultat que toujours plus de vols de terres palestiniennes, plus d’implantations illégales de colonies israéliennes et une oppression accrue des Palestiniens.
Il est temps de comprendre que l’exercice d’ “édification d’un État”, initié par les accords d’Oslo, a échoué et a échoué d’une manière qui a paralysé la lutte palestinienne pendant des décennies. Il est également temps de reconnaître que le vol/l’arnaque/l’escroquerie du Siècle de Trump est malheureusement l’aboutissement logique de ces mêmes accords d’Oslo.
Dans les années 1970, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) était largement reconnue comme le seul représentant légitime du peuple palestinien. L’un des éléments clé de son programme était la création d’un état laïque, démocratique, indépendant en Palestine. Les gouvernements occidentaux de l’époque ont tout fait pour diaboliser l’OLP et l’exclure des forums internationaux et autres évènements.
Comment en sommes-nous arrivés à ce que nous constatons aujourd’hui ? Comment et quand l’OLP a-t-elle changé d’orientation et quelles ont été les répercussions sur la lutte des Palestiniens ? Pourquoi le Conseil National Palestiniens (PNC) a-t-il voté en 1998, sous la menace des armes de l’occupant, en faveur de l’amendement et de l’annulation d’articles cruciaux de la charte de l’OLP ? Vote qui a fini par neutraliser et marginaliser le PNC et l’OLP en tant qu’organes représentatifs efficaces des Palestiniens, vote qui fut à l’époque boycotté par de nombreux membres du PNC et par d’éminents intellectuels palestiniens visionnaires, tels qu’Edward Saïd.
Les Accords d’Oslo ont spectaculairement redéfini les paramètres du mouvement palestinien et ce qui était considéré comme « acceptable » ; mais ont-ils également permis de jeter les bases d’une plus grande normalisation avec Israël et de lui conférer légitimité ?
Si vous voulez que le gouvernement états-unien vous fasse une faveur, il semble qu’il faille en passer par la normalisation avec Israël, comme ce fut le cas dernièrement pour le dirigeant du Soudan al-Burhan. Ce sont là des questions d’une extrême importance qui nécessitent d’être sérieusement discutées au sein du mouvement palestinien dans son ensemble, diaspora et camps de réfugiés y compris.
La lutte de libération palestinienne ne peut aller de l’avant si les revers du passé ne pas sont affrontés, et si l’Autorité Palestinienne déshonorée, avec sa fonction d’agent de sécurité pour Israël, ne répond pas de ses actes.
Peu importe désormais de savoir si les Accords d’Oslo auraient pu fonctionner s’ils avaient été respectés et mis en œuvre comme promis – ils ne l’ont pas été. En fait, il apparaît maintenant que tout l’objectif des Accords d’Oslo (ou du moins de ses partisans) était de contenir, contrôler et censurer l’esprit militant et l’héritage de la lutte palestinienne. L’histoire nous a conduit à un autre moment charnière pour la communauté nationale palestinienne.
Ce moment peut être saisi pour prendre en compte ces réalités et donner naissance à des moyens audacieux pour de nouveaux dirigeants d’aller de l’avant, ou il peut être gâché rajoutant inutilement des années supplémentaires au chemin ardu vers la libération.
Les Palestiniens partout dans le monde ont protesté et manifesté au cours de la semaine dernière pour signifier leur rejet total de la dernière atteinte en date portée à leur dignité et à leur existence. Et non, ce n’est pas parce qu’ils s’obstinent à ne jamais « rater une occasion de rater une occasion » ! C’est parce qu’ils refusent ces « occasions » de capituler, de commettre un suicide national, et de renoncer à leur patrimoine et celui de leurs enfants.
Comme dans les périodes les plus sombres qui ont précédé, le peuple palestinien l’emportera et déjouera toutes les conspirations contre ses droits humains et nationaux légitimes. Le droit au retour, le droit à l’autodétermination véritable, le droit de vivre dans la dignité et la liberté – la nouvelle génération de Palestiniens est convaincue, tout autant que celles qui l’ont précédée, que ces droits sont sacrés et est décidée à ne PAS les laisser sacrifier.
* Marion Kawas est membre de l’Association Canada Palestine et co-animatrice de la Voix de la Palestine. Pour consulter son site : www.cpavancouver.org
08 février 2020 – The Palestine Chronicle – Traduction: Chronique de Palestine – MJB