Par Rasha Abu Jalal
Le mouvement Hamas ne ménage pas ses efforts pour rétablir ses relations avec l’Iran, lequel a annoncé qu’il apporterait tout le soutien nécessaire aux Palestiniens confrontés au plan d’annexion de la Cisjordanie par Israël.
Le Hamas et le Djihad islamique étant restés en marge de la guerre civile syrienne et ayant abandonné leurs représentations respectives à Damas en 2012, l’Iran, un allié fidèle du régime syrien, avait suspendu son soutien financier aux deux mouvements, coupant ainsi leurs principales sources de financement.
Le retour de ces relations semble cependant se établi, notamment avec les récents événements dans la région. Le 28 mai, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé que son gouvernement avait l’intention d’annexer 30% de la Cisjordanie.
Le premier responsable du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, a déclaré le 6 juillet qu’il avait reçu un message du dirigeant suprême de l’Iran, l’Ayatollah Ali Khamenei, confirmant que son pays continuera à apporter son soutien aux Palestiniens.
“L’Iran n’épargnera aucun effort pour soutenir le peuple palestinien afin de restaurer ses droits et repousser les plans diaboliques de l’entité sioniste”, peut-on lire dans le message.
Cette communication intervient après que le président du Conseil de la Shura iranienne, Mohammad Bagher Ghalibaf, ait passé deux appels téléphoniques à Haniyeh et au secrétaire général du Djihad islamique, Ziyad al-Nakhalah, le 1er juillet, pour discuter des moyens de contrecarrer le plan israélien d’annexion.
Ghalibaf a réitéré le soutien de son pays au peuple palestinien face au plan de paix américain au Moyen-Orient, connu sous le nom “d’accord du siècle”.
Le Hamas a fait de son mieux ces derniers mois pour réactiver le soutien iranien. Le Hamas a condamné l’assassinat de Qasem Soleimani, le commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique iranien, par une frappe aérienne américaine à Bagdad le 3 janvier. Haniyeh s’est également rendu à Téhéran pour participer aux funérailles de Soleimani.
Mahmoud al-Zahar, membre du bureau politique du Hamas, avait déclaré lors d’un entretien avec Al-Nahda News le 9 juillet 2019, que le Hamas avait fait de grands efforts pour tenter de rétablir les relations avec le gouvernement syrien soutenu par le régime iranien.
Un éminent dirigeant du Hamas qui s’est entretenu avec Al-Monitor sous le couvert de l’anonymat a déclaré : “L’Iran a décidé de fournir à la résistance palestinienne le plus grand soutien possible pour faire face au plan d’annexion de la Cisjordanie par Israël. Ce soutien sera plus important que jamais, sans aucune restriction et de quelque manière que la résistance palestinienne le souhaite”.
Bien que l’Iran ait annoncé qu’il continuerait à soutenir la résistance palestinienne, un difficulté majeur se dresse sur son chemin, à savoir la politique de l’Autorité palestinienne et d’Israël de tarir les sources de financement du Hamas, en prenant des mesures strictes pour empêcher l’argent provenant de l’extérieur des territoires palestiniens d’atteindre le mouvement islamique par le biais des banques locales.
“Le Hamas a ses propres moyens pour obtenir l’argent. Les banques ne font plus partie de ses projets pour y parvenir”, a déclaré la source du Hamas.
Un rapport de Reuters publié le 26 avril 2019 indique que le Hamas utilise de plus en plus des méthodes sophistiquées pour collecter de l’argent à l’aide de Bitcoins, ce qui met en évidence les difficultés rencontrées par les autorités pour suivre les cryptocurrences finançant des groupes que certains qualifient de terroristes.
“Il n’est pas important que le public sache comment le soutien parviendra à la résistance, mais ce qui compte, c’est où et comment ce soutien serait utilisé sur le terrain pour contrecarrer le plan d’annexion israélien”, a expliqué la source du Hamas.
Et d’ajouter : “Le soutien iranien sera principalement orienté vers la Cisjordanie qui est actuellement en danger avec le plan d’annexion israélien. Le soutien se concentrera également sur la mobilisation du peuple palestinien pour faire face à ce plan”.
Le 2 juillet, le secrétaire général du Comité central du Fatah, Jibril Rajoub, et le leader du Hamas, Salah al-Arouri, qui est basé à Beyrouth, ont suivi une vidéoconférence exceptionnelle pour discuter d’un plan d’action commun pour contrer le plan d’annexion israélien.
“Nous devons réaliser que le champ de bataille est maintenant la Cisjordanie et que notre peuple à Gaza est prêt par tous les moyens à [contrer le plan]. Abu Obaida [porte-parole de la branche militaire du Hamas, les Brigades Izz ad-Din al-Qassam] a déclaré que l’annexion est une ‘déclaration de guerre‘”, a fait savoir M. Arouri lors de la visioconférence.
Le leader du Djihad islamique Khodr Habib a déclaré à Al-Monitor : “Le soutien de l’Iran est d’une importance capitale pour la résistance palestinienne et contribuera de manière significative dans la période à venir à la montée en puissance de la résistance contre l’occupation israélienne”.
Il a souligné qu’il existe une communication permanente entre les dirigeants de son mouvement et les responsables iraniens pour discuter des méthodes et actions permettant de traduire sur le terrain ce qui a été convenu lors des récents contacts.
Il a ajouté : “Les factions de la résistance ont tenu des réunions régulières afin de développer des mesures pratiques pour faire face au plan israélien. Tous nos efforts dans la prochaine étape se concentreront sur la résistance et l’opposition au plan [d’annexion], et nous y parviendrons”.
Talal Okal, analyste politique et rédacteur au journal Al-Ayyam basé à Ramallah, a déclaré à Al-Monitor, “La récente position de l’Iran de fournir le plus grand soutien possible au Hamas et au Jihad islamique dans le cadre de la lutte contre le plan d’annexion israélien, est le point culminant de toutes les initiatives déployées par les dirigeants des deux mouvements [de résistance] pour restaurer leurs relations avec l’Iran”.
Il a déclaré aussi que le Hamas estimait avoir commis une erreur historique en se détachant de l’Iran suite au conflit syrien et en cherchant d’autres sources de financement, comme le soutien du Qatar.
Okal a dit aussi que le Hamas avait compris que le soutien du Qatar est conditionné par le maintien d’un certain calme sur le terrain avec Israël, ce qui est en conflit direct avec les principes et les objectifs du mouvement. Le Hamas a été contraint de maintenir le calme avec Israël pour le moment, afin de recevoir plus de fonds du Qatar, d’autant plus qu’il est aux prises avec une crise financière majeure depuis que l’Égypte a établi une zone tampon le long des frontières avec la bande de Gaza en 2014 pour détruire les tunnels frontaliers.
“Le Hamas a réalisé qu’il avait un besoin impératif du soutien iranien plus que de toute autre source de financement, car l’Iran le lui fournirait sans aucune condition”, a conclu M. Okal.
Hassan Abdo, écrivain et analyste politique proche du Djihad islamique, a déclaré à Al-Monitor : “Les contacts récents entre le Hamas et le Djihad islamique avec l’Iran – et le message de Khamenei – sont la preuve que toutes les divergences entre les deux parties resteraient en suspens à partir de maintenant, car elles sont insignifiantes au regard du projet d’annexion israélien”.
Il a encore ajouté : “De nombreux autres pays arabes ont tourné le dos aux Palestiniens et ont contribué à renforcer leur blocus, faisant ainsi place net pour “l’accord américain du siècle” et au plan d’annexion qui en fait partie. La position de l’Iran était exactement le contraire”.
Auteur : Rasha Abu Jalal
* Rasha Abou Jalal est auteure et journaliste à Gaza. Elle couvre les événements politiques et les questions humanitaires et elle a produit des reportages sur des questions sociales pour le journal local Istiklal pendant six ans. Rasha a également été membre du jury de l'événement annuel sur la liberté de la presse dans la bande de Gaza, Press House, en 2016. Son compte Twitter.
13 juillet 2020 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine