Par Abdel Bari Atwan
Les missiles tirés sur les colonies israéliennes depuis la bande de Gaza alors que les ministres des affaires étrangères des Émirats arabes unis (EAU) et de Bahreïn signaient des “traités de paix” avec Benjamin Netanyahu à la Maison Blanche ont été un ferme rappel : ces accords sont sans valeur, et le seul peuple capable de mettre fin au conflit israélo-arabe, par la paix ou par la guerre, est le peuple de Palestine – avec le soutien de ses frères et sœurs arabes et musulmans et des partisans de la justice dans le monde.
Le président Donald Trump, qui a supervisé le spectacle dans le jardin de la Maison Blanche, a menti effrontément lorsqu’il a affirmé que cinq autres gouvernements arabes – pour ne pas utiliser le mot “pays” – allaient signer des accords similaires. Comment ces gouvernements auxquels il faisait allusion ont-ils pu prendre une mesure aussi honteuse alors qu’ils étaient trop gênés pour envoyer leurs ambassadeurs ou des délégués de second niveau pour les représenter au spectacle de cirque de mardi ?
Les EAU et Bahreïn, qui sont entrés dans le piège de la normalisation en toute connaissance de cause, sont à des milliers de kilomètres des territoires occupés par Israël et menaient une vie sans grand souci. Le fardeau du conflit est tombé sur les États de la ligne de confrontation – l’Égypte, la Syrie et la Jordanie – et leurs peuples, ainsi que sur ceux du Liban, avec le soutien militaire de l’Algérie et de l’Irak. Avec la signature de ces accords, les Émirats arabes unis et le Bahreïn se sont également transformés en États engagés dans la confrontation, mais contre l’Iran.
La présence militaire et sécuritaire israélienne qui s’installe à présent sur leur territoire constitue une menace existentielle pour la sécurité nationale de l’Iran. La principale raison pour laquelle leur nouvel allié israélien voulait ces accords est d’exploiter cette présence pour cibler plus efficacement les infrastructures militaires, nucléaires et autres de l’Iran.
La perspective de conclure des accords commerciaux avec un pays qui vit de l’assistanat (Bahreïn) et un autre dont l’ère pétrolière touche à sa fin (les Émirats arabes unis) n’a été envisagée qu’après coup.
Mardi, le président iranien Hasan Rouhani a averti que toute présence israélienne sur la rive orientale du Golfe constituerait une menace directe pour son pays, et que le Bahreïn et les EAU seraient responsables de toute attaque lancée depuis leur territoire contre l’Iran.
Les Israéliens n’ont jamais respecté les traités ou les conventions, ni honoré la moindre de leurs promesses, ni respecté les termes des accords qu’ils ont signés. L’exemple le plus flagrant est l’expérience humiliante de l’Autorité palestinienne (AP) avec les accords d’Oslo qu’elle a signés il y a 27 ans. Les gouvernements de Bahreïn ou des Émirats arabes unis peuvent-ils empêcher Israël d’utiliser leur territoire pour espionner l’Iran, envoyer des saboteurs pour faire exploser ses installations nucléaires ou ses terminaux pétroliers par voie maritime, ou établir des bases militaires près du détroit d’Ormuz et de la mer d’Oman ?
Au cours des années 1990, Israël a ouvert des missions commerciales au Qatar, à Oman, en Tunisie et au Maroc, ainsi qu’une ambassade en Mauritanie. Il a fallu un soulèvement armé dans les territoires palestiniens occupés en 2000 pour que ces bureaux soient tous fermés, l’un après l’autre. L’ambassade de Nouakchott a même été physiquement rasée et il n’en reste aucune trace.
Trump a déclaré lors de la cérémonie à la Maison Blanche que les Arabes en général, et les EAU et le Bahreïn en particulier, sont las de la guerre et que leurs jeunes aspirent à un avenir de développement et de prospérité. C’est vrai. Mais la seule guerre que ces pays menaient, avec l’Arabie Saoudite, était au Yémen, et non en Palestine occupée. Et il n’y a jamais eu la moindre preuve que la cause palestinienne était un obstacle à leur développement ou à leur prospérité.
Pourtant, Trump a réussi à extorquer 460 milliards de dollars à la seule Arabie Saoudite en un seul jour – plus que le coût de toutes les guerres israélo-arabes réunies, et plus de 400 fois le montant de l’aide fournie aux Palestiniens sur 40 ans.
Trump s’est également plaint aux journalistes avant la signature que les Palestiniens ne respectaient pas son administration ni les États-Unis en général, et c’est pourquoi il leur a coupé les 400 millions de dollars d’aide annuelle et a fermé le bureau de l’OLP à Washington. Il s’attendait à du respect ? Après avoir reconnu Jérusalem occupée comme la capitale “éternelle” d’Israël et adopté le “contrat du siècle” comme initiative de paix des États-Unis ? Pensait-il que les Palestiniens lui vendraient leur cause en échange d’une aide annuelle de son gouvernement ?
Tout comme la deuxième intifada palestinienne a entraîné la fermeture des bureaux commerciaux israéliens dans le Golfe, les ambassades de Manama et d’Abou Dhabi pourraient être fermées par quelques missiles iraniens ou houthi en raison d’une erreur de calcul entre les États-Unis et Israël.
Tant que des millions de Palestiniens seront privés de leurs droits dans les territoires occupés en 1948 et 1967 et dans la diaspora, il n’y aura pas de paix. Les derniers accords n’ont aucune valeur réelle et représentent en fait un danger pour leurs signataires des deux côtés : ils les aveuglent sur la réalité et leur vendent des illusions et des mirages.
Merci aux missiles de Gaza d’avoir mis en lumière la dure réalité et d’avoir rappelé à temps la véritable essence du conflit.
D’autres missiles vont certainement suivre.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
5 septembre 2020 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah