Par Haidar Eid
Le mois dernier, Saeb Erekat, négociateur palestinien en chef et secrétaire général du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine, est mort à l’âge de 65 ans. Son décès a été considéré par certains Palestiniens comme le symbole de la fin de l’ère d’Oslo et de sa logique tordue.
Erekat et de nombreux fonctionnaires politiques palestiniens de sa génération ont fermement soutenu la solution dite de deux États. Ils affirmaient que les Palestiniens seraient en mesure de conclure un accord équitable avec les Israéliens et leurs parrains américains pour établir un État palestinien indépendant sur une partie de la Palestine historique.
L’illusion que cela était réellement possible a été entretenue pendant des décennies de colonisation continue et d’accords désastreux. Cette illusion, c’était “l’opium du peuple palestinien”.
Les accords avec Israël signés par l’Égypte en 1978 à Camp David, par les Palestiniens en 1993 à Oslo et par la Jordanie en 1994 à Wadi Araba étaient censés initier une série d’étapes menant à l’autodétermination palestinienne et à la “paix” au Moyen-Orient.
Mais ces accords ont ignoré l’existence du peuple palestinien en tant que peuple, et ses droits fondamentaux, y compris le droit au retour des réfugiés palestiniens et l’égalité des citoyens palestiniens d’Israël devant la loi israélienne.
Au lieu d’insister sur ces droits fondamentaux et de suivre l’exemple du mouvement anti-apartheid sud-africain, qui a mobilisé la société civile internationale autour de l’idée d’une personne une voix et de l’instauration d’un État laïque, démocratique, non racial et non sectaire, les dirigeants politiques palestiniens ont réduit le peuple palestinien aux seules personnes vivant en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et à Jérusalem-Est.
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Cela a abouti à la formation d’un bantoustan palestinien de territoires disparates, où les Palestiniens vivent sous la terreur constante d’une occupation militaire, et où l’Autorité palestinienne n’a pas de réelle autorité.
L’insistance à poursuivre la voie d’Oslo vers une solution illusoire à deux États a persisté même après qu’Israël a adopté une loi sur les États nations, dans laquelle il a explicitement déclaré que le droit à l’autodétermination en “Terre d’Israël” était “l’apanage du peuple juif” – c’est-à-dire que selon l’État israélien, les Palestiniens ne peuvent pas jouir de ce droit. Et elle a persisté alors même que les États arabes poursuivaient leur normalisation avec Israël, sans aucune concession de la part d’Israël, selon la formule “la paix pour la terre”, et que les États-Unis proposaient un autre “accord de paix” dans lequel ils n’offraient aux Palestiniens rien de plus qu’une humiliante survie.
Oslo et ses processus dérivés refusent de voir un fait capital qui crève pourtant les yeux : le régime d’apartheid auquel Israël soumet la Palestine historique. Ils ne prennent pas non plus en considération le long héritage palestinien de résistance civile et politique, ni le Sumud * qui est né de cette lutte.
Au fil des ans, de nombreux Palestiniens ont pris conscience de ce qu’Oslo signifiait réellement et ont décidé d’utiliser d’autres moyens pour obtenir le respect des droits des Palestiniens.
En 2001, un an seulement après le déclenchement de la deuxième Intifada, le forum des ONG de la Conférence mondiale contre le racisme (CMCR) s’est tenu à Durban, en Afrique du Sud. Il a permis de poser un diagnostic très clair sur la nature du projet sioniste et de poser les premiers jalons d’une coopération active entre les Palestiniens opprimés et d’autres groupes marginalisés.
En 2005, le Mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) a été créé et deux ans plus tard, le Comité national du BDS a été formé pour présider à son développement. Le BDS, ainsi que la Campagne pour un seul État démocratique et la Grande Marche du Retour – pour ne citer que quelques exemples – incarnent le début d’un processus de dé-Osloïsation de l’esprit palestinien. Processus dans lequel Gaza a joué un rôle central.
La plupart des événements qui ont eu lieu dans la bande de Gaza depuis les élections législatives de 2006 sont le signe d’un rejet total des accords d’Oslo et de leurs conséquences. Si on garde à l’esprit que 75 à 80 % des habitants de Gaza sont des réfugiés, l’aspect anticolonial et anti-Oslo des résultats de ces élections devient d’autant plus clair.
Dans les années suivantes, les appels à un paradigme qui se démarque de la fiction de la “solution des deux prisons” se sont intensifiés. Ce paradigme voit les sacrifices de la population de Gaza comme un tournant dans la lutte pour la libération palestinienne. Il s’appuie sur le mouvement mondial anti-apartheid que les agressions israéliennes de 2009, 2012, 2014 sur Gaza et la Grande Marche du Retour ont énormément intensifié.
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Pour la plupart des militants palestiniens, la dé-Osloïsation de la Palestine est devenue une condition préalable à l’avènement d’une paix juste. Cela nécessite de redéfinir la cause palestinienne comme une lutte anticoloniale contre un système de colonisation et d’apartheid, et de réunir les trois composantes du peuple palestinien, à savoir les résidents de Gaza et de Cisjordanie, les réfugiés et les citoyens palestiniens d’Israël.
Les premières étapes de ce processus ont été franchies à Durban en 2001. La Conférence mondiale contre le racisme, l’outil de solidarité internationale le plus efficace au monde, a placé en tête de son agenda la lutte pour mettre fin à l’apartheid dans la Palestine historique dans sa Déclaration Les termes étaient clairs, précis, forts et – surtout – sans compromis sur les droits de l’homme fondamentaux :
« Nous déclarons qu’Israël est un État raciste qui pratique l’apartheid. La forme d’apartheid que pratique Israël est un crime contre l’humanité. Elle se caractérise par la séparation forcée et la ségrégation, la dépossession, la restriction de l’accès à la terre, la dénationalisation, la “bantoustanisation” et des actes inhumains ».
Cette déclaration a marqué, pour nous tous en Palestine, le début de notre moment sud-africain, une étape dans notre longue marche vers la liberté, l’égalité et la justice.
Note :
* Sumud désigne la qualité et l’expérience principale du Palestinien moderne, judicieusement rendu par la double signification de son équivalent anglais : détermination.
* Haiddar Eid est écrivain et professeur de littérature postcoloniale à l’université Al-Aqsa à Gaza, après avoir enseigné dans plusieurs universités à l’étranger. Vétéran dans le mouvement des droits nationaux palestiniens, c’est un commentateur politique indépendant, auteur de nombreux articles sur la situation en Palestine.
29 décembre 2020 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet