Par Adnan Abu Amer
Alors qu’un nouveau président américain s’installe à la Maison Blanche, il est clair que son prédécesseur a pris pour cible Jérusalem (al-Qods) occupée en donnant à Israël le feu vert pour affaiblir la présence palestinienne dans la ville sainte et imposer de nouvelles restrictions aux habitants autochtones.
Les Palestiniens sont dos au mur depuis que Trump a déplacé l’ambassade américaine à Jérusalem et déclaré la ville comme la capitale “indivise” d’Israël.
Les Israéliens pensent que même si le président Biden veut atténuer certains effets de la politique de Jérusalem de Trump concernant Jérusalem, il rencontrera des difficultés parce que l’ancien président a contribué à cimenter l’occupation israélienne à l’est de la ville.
Le déménagement de l’ambassade a été un tournant. Cela a donné au gouvernement israélien les conditions requises pour approfondir son contrôle sur les Palestiniens de Jérusalem et leurs quartiers.
La politique de l’État d’occupation est de les séparer de leur arrière-pays de Cisjordanie et de les rapprocher du statut des Palestiniens vivant à l’intérieur d’Israël.
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Environ 356 000 Palestiniens vivent actuellement à Jérusalem, soit 38% de la population totale de la ville.
Malgré les difficultés financières auxquelles ils ont été confrontés depuis la construction du mur d’apartheid, beaucoup ont encore des liens étroits avec la Cisjordanie, en raison de liens de travail ou de famille.
Et au fil des ans, leur lien avec Jérusalem-Ouest n’a jamais été rompu.
Sous Trump, l’Autorité palestinienne a vu son rôle réduit à la portion congrue, et il n’y a eu aucun processus politique. Israël a eu carte blanche.
Il a été le premier président américain en exercice à visiter ce que les Palestiniens appellent le Mur Al Burak Sharif, mais que les Israéliens nomment le mur occidental ou Mur des lamentations.
Dans le cadre de “l’accord du siècle” de Trump présenté il y a un an, Jérusalem est tombée sous une prétendue souveraineté israélienne, y compris la vieille ville et les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est.
Des plans ont été approuvés et activés depuis lors pour étendre les colonies illégales d’Israël dans la ville en construisant des milliers de nouveaux logements.
L’un des résultats immédiats de la politique Trump à Jérusalem a été une augmentation du nombre de Palestiniens de Jérusalem demandant la citoyenneté israélienne. Entre 2000 et 2003, le nombre de ces demandes était inférieur à une centaine. En 2009, ce chiffre était supérieur à 700 et l’année dernière, 1633 demandes ont été déposées.
Il y a également eu une augmentation du nombre d’étudiants de Jérusalem qui suivent les programmes israéliens, une initiative qu’Israël promeut dans le cadre de son plan quinquennal pour Jérusalem-Est approuvé en 2018.
Les cadeaux de Trump à Israël ne signifiaient pas un changement fondamental dans le la politique de l’État d’occupation à Jérusalem, et ils l’ont simplement renforcé. Près de 400 000 habitants jérusalémites palestiniens sont sans droits de citoyenneté, et Israël veut les maintenir dans cette situation.
L’une des images les plus frappantes du mandat de Trump était celle de l’ambassadeur américain David Friedman brisant un mur dans un tunnel dans le quartier de Silwan, en présence de l’épouse du Premier ministre Benjamin Netanyahu, Sarah, l’ancien maire de Jérusalem, le député Nir Barkat, et l’envoyé américain Jason Greenblatt.
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C’était un soutien manifeste aux organisations Elad et Ateret Cohanim, qui cherchent à développer le tourisme israélien dans la vieille ville, tout en expulsant les Palestiniens et en renforçant les colonies illégales.
La présidence Trump a clairement donné à Israël la confiance nécessaire pour étendre sa présence à Jérusalem-Est occupée, avec de plus en plus de colonies et d’institutions juives.
Une présence aussi forte ne jouissait pas d’un soutien aussi étendu sous l’administration Obama, et elle pourrait faire face à quelques difficultés similaires sous la présidence Biden.
Depuis l’occupation de Jérusalem-Est en 1967, aucune mesure israélienne effective n’a été prise pour accorder la citoyenneté aux habitants palestiniens. Les principaux obstacles restent la nécessité d’apprendre l’hébreu puis d’obtenir un permis auprès des services de sécurité, car la citoyenneté n’est pas seulement l’autorisation d’entrer en Israël, mais aussi la naturalisation pour ceux qui y vivent.
Une telle décision serait inévitablement confrontée à une bataille politique avec des groupes et partis politiques israéliens de droite d’extrême-droite refusant d’autoriser 400 000 Palestiniens ou plus à devenir citoyens israéliens, et d’impacter encore davantage l’évolution démographique du pays..
Dans tous les cas, cette évolution se fait au profit de la population arabe où le taux de natalité est plus élevé.
De plus, les Palestiniens eux-mêmes n’ont pas demandé massivement la citoyenneté israélienne, car le faire serait interprété comme une reconnaissance de fait d’une souveraineté israélienne sur la ville.
Cela servirait les intérêts d’Israël et apparaîtrait une certaine justification de ce que Trump a fentrepris depuis 2017.
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l’université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l’histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d’un doctorat en histoire politique de l’université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l’histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Twitter.
2 février 2021 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine