Par Salem Barameh
Des sondages menés à des mois d’écart ne font que souligner le système à deux vitesses qui prive les Palestiniens de toute voix ou liberté réelle.
Pour la première fois depuis des décennies, l’Autorité Palestinienne (AP) et Israël vont tenir des élections législatives à quelques mois d’écart. Beaucoup de personnes de la communauté internationale et des médias verront cela comme un exercice démocratique conjoint, mais c’est en fait une fenêtre sur la réalité d’un système à deux vitesses qui prive les Palestiniens des droits et de la liberté élémentaires que beaucoup de personnes dans le monde prennent pour acquis.
Parcourez les routes sinueuses de Cisjordanie en cette saison printanière et vous verrez des affiches électorales qui maculent le magnifique paysage d’oliviers et d’amandiers. En les regardant de plus près, vous vous rendrez peut-être rapidement compte que le candidat sur l’affiche n’est pas un Palestinien motivé en campagne pour un siège au parlement. Il est probable que ce soit un candidat israélien qui se présente au parlement israélien.
Ceci soulève une question très pertinente : pourquoi les Israéliens font-ils campagne en Cisjordanie, alors que ce territoire est désigné par le droit international et consensus comme devant faire partie d’un futur état palestinien ?
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Israël occupe et contrôle la totalité de la Cisjordanie et en a de facto annexé de grandes portions par le biais de l’implantation de 650 000 à 750 000 Israéliens sur les terres palestiniennes. En vertu du statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, une entreprise coloniale de cette nature n’est pas seulement illégale mais est aussi considérée être un crime de guerre.
Pourtant, ces colons illégaux peuvent se présenter aux élections israéliennes, faire campagne et y voter et en sont venus à occuper la position de faiseurs de roi dans les coalitions politiques israéliennes.
La fameuse « démocratie » israélienne, tout comme ses politiques expansionnistes, ne s’arrête pas à la ligne verte, ni ne la reconnaît – au contraire ses bulldozers l’ont envoyée aux oubliettes. Dans la pratique, Israël exerce effectivement un contrôle total sur la terre entre le fleuve Jourdain et la Méditerranée.
Les Palestiniens de Cisjordanie, Gaza, et Jérusalem-Est ne sont pas habilités à voter pour le régime qui régit chaque aspect de leur vie, même si les Israéliens qui vivent sur le même territoire, eux le sont. Ces 5 millions de Palestiniens élisent l’AP, organe administratif qui n’a aujourd’hui qu’un contrôle partiel sur 40% de la Cisjordanie et dépend d’Israël pour sa survie.
L’existence de l’AP était supposée durer cinq ans, à savoir pendant la période de transition vers un état palestinien, mais cet état n’a jamais vu le jour. Les gouvernements israéliens successifs ont fait en sorte qu’il en soit ainsi, utilisant les implantations et l’annexion pour transformer la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem en un archipel d’agglomérations Palestiniens non reliées entre elles.
Les élections législatives de l’AP fixées au 22 mai surviennent après des années de répression politique et une vague récente de lois antidémocratiques qui furent adoptées par décret présidentiel palestinien et avaient pour cible l’indépendance de la justice et de la société civile.
De nombreuses personnes estiment que les élections à venir serviront à entériner le partage du pouvoir entre les deux partis au gouvernement, le Fatah et le Hamas, ce qui leur permettra de consolider les gains des dernières élections parlementaires de 2006.
Le fait est que dans une société où l’âge moyen est de 21 ans, la majorité, voir tous les postes de direction sont occupés par ceux qui ont en moyenne 70 ans.
Malgré une réelle soif de prendre part à un processus démocratique et de choisir des représentants les changements récents apportés par l’AP aux lois électorales ont rendu pratiquement impossible de concourir et de briser le monopole des factions dirigeantes en Cisjordanie et Gaza.
L’âge requis, par exemple, pour être candidat est de 28 ans, ce qui est l’un des plus élevés au monde et empêche de nombreux palestiniens de se présenter.
Pour figurer sur la liste électorale, les candidats doivent s’acquitter d’un droit de 25 000 dollars US et doivent démissionner s’ils occupent certains emplois, ce qui est extrêmement difficile dans une économie qui a un taux de chômage très élevé.
Enfin, l’élection a été annoncée à quelques mois seulement de sa tenue sous un nouveau système électoral basé sur la représentation proportionnelle, qui avantage les partis établis ayant une présence nationale forte plutôt que des nouveaux venus en politique.
Au-delà de ces limites structurelles, il y a le poids écrasant de l’occupation militaire sur la participation politique des Palestiniens. Israël refuse constamment aux Palestiniens la possibilité de tenir des élections à Jérusalem et a arrêté des élus au parlement.
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Les Palestiniens sous occupation vivent sous le joug des ordres militaires israéliens et n’ont par conséquent aucun droit civique ; ils n’ont aucune liberté de réunion, d’association ou d’expression, et il est illégal de former un parti politique palestinien.
La fable de ces deux élections n’est pas une histoire de démocratie mais celle qui consiste à apporter un vernis de légitimité à un système qui maintient la suprématie et la domination d’un peuple sur un autre. Dans cette réalité, on prive les Palestiniens de leur souveraineté et du pouvoir de façonner leur vie, leur avenir et de la capacité de contester cette oppression.
Ce système ne peut offrir une véritable démocratie et en tant que tel doit être démantelé. Il faut élaborer un nouveau contrat social dans lequel chaque personne peut exercer une véritable autodétermination, et où elle est libre et sur un pied d’égalité.
Les Palestiniens ont besoin d’un outil institutionnel pour redynamiser leur mouvement national afin qu’il puisse contester le statut quo. Pour aller de l’avant il faut un système politique réformé qui soit démocratique et représentatif, capable de donner une voix aux 13 millions de Palestiniens du monde entier.
Le chemin de la liberté commence avec nous.
* Salem Barahmeh est un militant politique et directeur général du Palestine Institute for Public Diplomacy
17 mars 2021 The Guardian – Traduction: Chronique de Palestine – MJB
Il faut commencer la lecture de ce texte par la fin : ” Le chemin de la liberté commence avec nous.” Nous voilà fixés. Ce qui importe c’est de se mettre en avant.Après avoir expédié les forces politiques principales dans le camp des gestionnaires-conservateurs,l’auteur prétend donc incarner la voie juste ? Quelle prétention ! Comment oser se poser en sauveur ? Au nom de qui ce “nous” ? La fameuse “société civile”, belle et pure ? Je comprends mal un tel mépris affiché pour les forces effectives de la Résistance, leur engagement jusqu’au martyr. Les élections à venir ont leurs défauts, mais la situation actuelle est bien différente de celle de 2006. Il serait très utile de l’analyser.