Par Ahmad Melhem
La popularité de Marwan Barghouti et Nasser al-Qudwa présente un sérieux défi pour le Fatah, le parti au pouvoir du président Mahmoud Abbas, et pourrait avoir des implications au-delà des élections législatives.
Ramallah, Cisjordanie – Le dirigeant palestinien emprisonné Marwan Barghouti a formé une alliance en vue des élections législatives à venir avec Nasser al-Qudwa, haut responsable qui a été limogé du Fatah, parti du président Mahmoud Abbas. Les deux personnalités, parmi les plus populaires du Fatah, entrent en concurrence avec leur propre mouvement par une initiative qui pourrait jeter les bases d’une nouvelle ère de la politique palestinienne.
La date limite de dépôt des listes électorales pour les prochaines élections, fixées au 22 mai, tombait le 31 mars à minuit, et 36 listes ont été soumises à la Commission électorale centrale.
Quelques heures seulement avant l’heure limite, la liste électorale officielle du Fatah et la liste Freedom (liste de la Liberté) – liste d’union entre MM. Barghouti et Qudwa – ont toutes deux été enregistrées par la commission.
M. Barghouti purge actuellement cinq condamnations à perpétuité dans une prison israélienne pour une prétendue implication dans des assassinats au cours de la seconde Intifada.
La liste Freedom comprend des dirigeants du Fatah proches de M. Barghouti, d’anciennes personnalités politiques, des prisonniers libérés de prison, en plus d’autres candidats indépendants.
Cette liste, où la part des femmes excède les 30%, est conduite par M. Qudwa, neveu de feu le leader palestinien Yasser Arafat.
M. Qudwa qui a de nombreux partisans dans la Bande de Gaza, a été exclu du Comité Central du Fatah début mars pour avoir tenté de présenter une liste de candidats séparée.
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C’est l’une des personnalités diplomatiques palestiniennes les plus en vue car il a servi en qualité de ministre des affaires étrangères et de représentant palestinien auprès de l’ONU dans les années précédentes.
L’épouse de M. Barghouti, Fadwa, personnalité féminine de tout premier plan dans le Fatah, figure en deuxième position sur la liste. Elle est membre du Conseil révolutionnaire du Fatah, et a obtenu le plus grand nombre de suffrages lors des élections de 2016.
Jamal Hawil, ancien membre du Conseil Révolutionnaire du Fatah qui a participé à la bataille de 2002 dans le camp de réfugiés de Jénine et a passé 11 ans dans des prisons israéliennes, est aussi sur la liste.
Cela vaut aussi pour Fakhri Barghouti, ancien prisonnier palestinien bien connu qui a passé 33 ans dans une prison israélienne et qui a été libéré lors d’un échange de prisonniers entre le Hamas et Israël.
Figure également sur la liste Abdel Fattah Hamayel, ancien membre du Conseil Révolutionnaire du Fatah et ancien maire de Bethléem. Il a été ministre du premier gouvernement présidé par Abbas en 2003 et membre du premier Conseil Législatif Palestinien (PLC) en 1996.
Ostensiblement, la liste Freedom est l’outsider de ces élections législatives, mais qui gagne en importance suite à l’accord électoral conclu entre MM. Barghouti et Qudwa.
Un membre de la famille de M.Barghouti, qui a refusé d’être nommé, a déclaré à Al-Monitor qu’avant de prendre la décision de s’allier à M. Qudwa, M.Barghouti a attendu fort longtemps que le Comité Central du Fatah mette à exécution l’objet d’un accord conclu avec Hussein al-Sheikh du Comité Central lors d’une visite en prison.
La source a fait remarquer que le Comité Central du Fatah n’a pas satisfait les exigences de M. Barghouti de modification de la loi électorale pour permettre à tous les citoyens de se porter candidats à l’élection présidentielle sans avoir besoin de figurer sur une liste ou d’appartenir à un parti politique, et de participer à la sélection des candidats du mouvement.
Cette liste porte un dur coup au Fatah car elle va sans aucun doute diviser ses suffrages, ayant par conséquent un impact négatif sur ses chances de gagner les élections.
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Ceci est particulièrement vrai en présence d’une troisième liste, affiliée au dirigeant du Fatah expulsé du parti Mohammed Dahlan, ce qui implique que les votes du Fatah seront divisés en au moins trois listes.
Hani Almasri, directeur général du groupe de réflexion Masarat et candidat sur la liste Freedom, a déclaré à la presse devant le siège de la Commission Électorale Centrale le 31 mars que la liste en appelle au changement et non à une réforme du système politique palestinien.
La raison en est que ce système politique est devenu irréformable et nécessite un profond changement de politiques, de lois et de méthodes de travail, en plus d’une mobilisation du potentiel du peuple palestinien contre l’occupation, la corruption et l’oppression, a-t-il ajouté.
M. Almasri a constaté que l’alliance électorale a amené des changements positifs. Cette liste a pris de l’élan, et est maintenant capable de rivaliser avec les autres et d’attirer de larges segments de l’électorat palestinien afin de provoquer le changement requis.
Il affirme que la liste répond au besoin de la population d’une liste concurrentielle capable de rompre la polarisation entre le Fatah et le Hamas et de sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent le peuple et les institutions.
Les élections législatives constituent un défi majeur que MM. Qudwa et Barghouti doivent surmonter grâce à leur alliance électorale, en prévision d’autres à venir, plus particulièrement l’élection présidentielle à laquelle M. Barghouti a l’intention de se porter candidat.
A la suite du dépôt de la liste, M. Qudwa a déclaré à la presse le 31 mars, « Nous avons déposé une liste très importante.
Le dirigeant Marwan Barghouti et le National Democratic Forum [la liste de N a-Qudwa] se présentent devant le peuple palestinien sur une liste unifiée pour concourir dans les prochaines élections législatives. C’est le résultat d’un travail sérieux. »
M. Qudwa a insisté sur la nécessité de tenir les élections présidentielle, législatives, et au PLC (Conseil législatif palestinien) dans les délais prévus, ce qui fait partie du processus démocratique. L’élection présidentielle est fixée au 31 juillet, stipule le décret présidentiel.
Des sondages de ces dernières années indiquent que Marwan Barghouti est le favori pour l’élection présidentielle. Le résultat d’un sondage récent mené par le Palestinian Center for Policy and Survey Research et publié le 23 mars a montré que 48% des Palestiniens veulent que Marwan Barghouti soit leur président, 28% ont choisi Ismail Haniyeh et 19% ont opté pour M. Abbas.
M. Hawil a déclaré à Al-Monitor que la nécessité d’injecter du sang neuf au sein de la population et de bien établir la démocratie comme démarche durable était derrière la candidature de M. Barghouti.
En outre, le peuple palestinien a le désir d’exercer son droit de choisir librement ses représentants, et pour M. Barghouti celui de présenter sa candidature à l’élection présidentielle.
Il a ajouté que M. Barghouti veut générer un grand changement dans la rue palestinienne afin d’impliquer tous les groupes et segments du peuple palestinien, en plus des cadres du Fatah, d’autant que beaucoup d’entre eux se sont plaints du mécanisme de sélection de la liste électorale du mouvement.
La portée d’une telle liste d’union, conduite par un membre du Comité Central du Fatah et soutenue par l’homme le plus populaire du mouvement, à savoir Marwan Barghouti, ne se limitera pas à l’exercice électorale. Au contraire, c’est le début d’une nouvelle phase pour le système politique palestinien.
Auteur : Ahmad Melhem
* Ahmad Melhem est un journaliste et photographe palestinien de Al-Watan News basé à Ramallah. Il écrit pour un certain nombre de publications arabes. Suivez son compte Twitter.
2 avril 2021 – Al-Monitor – Traduction: Chronique de Palestine – MJB