Par Adnan Abu Amer
Des sources militaires israéliennes ont révélé que le soutien de l’Iran avait aidé le bras armé du mouvement Hamas à réaliser des progrès militaires continus dans la bande de Gaza, et à renforcer ses capacités de production de fusées et de drones.
Alors que le Hamas et le Fatah poursuivent leurs discussions sur les prochaines élections générales palestiniennes, des déclarations et des rapports israéliens ont circulé sur les capacités militaires croissantes du Hamas. Dans le même temps, Israël a lancé des frappes aériennes contre des cibles militaires dans la bande de Gaza aux premières heures du jour le 24 mars, en réponse à une roquette tirée de l’enclave vers la ville de Beersheba [Palestine historique]. Aucun blessé n’a été signalé.
Les rapports israéliens sur les capacités militaires du Hamas ont coïncidé avec les préparatifs du mouvement pour se présenter aux élections dans quelques mois. Cela soulève des interrogations sur de possibles contradictions entre les voies militaire et politique que le Hamas a récemment décidé d’adopter.
Un proche collaborateur du président Mahmoud Abbas a déclaré à Al-Monitor, sous couvert d’anonymat: “Les discussions entre le Fatah et le Hamas sont actuellement axées sur les élections générales. Les discussions sur les questions qui posent problème, telles que les armes [utilisées] et les attaques contre Israël, ont été reportées à une date ultérieure. Une telle atmosphère positive sur la scène politique palestinienne exige que le Hamas se concentre sur l’unification du front intérieur, loin de tout lien régional avec des pays qui cherchent à gagner une influence politique dans les territoires palestiniens, même si par le biais d’un soutien militaire.”
Le 17 mars, le correspondant de Haaretz, Amos Harel, a cité des sources israéliennes qui disaient : “Un progrès militaire continu a été observé dans la bande de Gaza. La branche militaire du Hamas, les Brigades Izz ad-Din al-Qassam, avec le soutien de l’Iran, a augmenté sa capacité de production de roquettes et de drones. Elle effectue également de fréquents essais de tirs en direction de la Méditerranée et multiplie avec une certaine régularité des expériences de tir de roquettes.”
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Les mêmes sources ont ajouté: “L’aveu [par les Israéliens] que les capacités du Hamas se sont renforcées est apparu dans le cadre des discussions sur le ainsi-nommé nouveau modèle iranien que Téhéran a appliqué dans l’armement des groupes qu’il soutient, dont le Hamas dans la bande de Gaza. Ce modèle est basé sur la mise en place d’installations pour la fabrication d’armes, en parallèle avec les canaux de contrebande que l’armée israélienne prend pour cible avec régularité. »
Mahmoud Mardawi, un responsable du Hamas et ancien commandant des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, a déclaré à Al-Monitor: “Le Hamas acquiert en permanence de l’expérience et travaille sans cesse à augmenter ses préparatifs aux combats terrestre, naval et aérien. Il reçoit de l’aide de la part de l’Iran et développe ses propres capacités militaires, creusant des [tunnels], recourant aux accès par la mer et à d’autres moyens de transport clandestin d’armes, que je refuse de révéler pour des raisons de sécurité. Israël est bien conscient que le Hamas se prépare militairement à la prochaine confrontation, avec des moyens militaires produits localement et passés clandestinement.”
Et d’ajouter : “[Le fait] que le Hamas bénéficie d’une aide militaire régulière de la part de l’Iran et développe ses propres capacités de combat ne contredit pas le dialogue en cours avec le Fatah. Mais il ne peut y avoir de consensus national sur l’abandon de la résistance ni sur la décision de paix et de guerre. Il n’y aura pas d’unité interne ni au détriment de la résistance ni de son arsenal.”
Le 18 mars, le chef de l’armée israélienne du commandement sud, le major général Herzi Halevi, a déclaré à la télévision israélienne Channel 12 qu’Israël avait mené à plusieurs reprises des frappes importantes contre des cibles du mouvement Hamas dans la bande de Gaza, notamment les tunnels, les lance-roquettes et les sites de fabrication.
Il a frappé ses forces navales, ses planeurs et ses drones et infligé des dommages à ses bateaux de guerre. Ses frappes aériennes se sont concentrées sur les sites de production de roquettes, en plus des passages de tunnels et des refuges souterrains au cœur de Gaza, où sont stationnés les cadres du Hamas.
Rami Abu Zubaydah, un expert militaire qui écrit pour Al Jazeera, a expliqué à Al-Monitor: “Le Hamas fait son maximum pour obtenir des fournitures militaires et des armements, et utilise chaque occasion pour assurer un flux continu d’armes vers [Gaza] par voie maritime et terrestre. C’est évident qu’il a commencé ces dernières années à compter fortement sur lui-même. La majorité de ses armes, équipements et roquettes sont des armes de fabrication locale, relevant d’une stratégie délibérée de construction et de développement de sa force militaire, à la lumière du faible approvisionnement venant de l’extérieur.”
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Il a noté également : “Le Hamas continue de s’appuyer sur les capacités et l’expertise iraniennes, et le mouvement envoie ses experts et ses combattants suivre des formations en Iran, bien que les opérations d’approvisionnement soient exposées aux attaques israéliennes.”
Un rapport du site d’information israélien Walla a révélé le 20 mars que les brigades al-Qassam sont passées du stade de divisions et bataillons non centralisés à une armée quasi-régulière avec une hiérarchie bien définie. Il a également mis en lumière l’aide financière et opérationnelle de l’Iran, y compris une massive “contrebande” d’armes dans Gaza, et les efforts du Hamas pour fabriquer de nouvelles armes – qu’il s’agisse de drones ou de missiles à plus longue portée.
Cela rendrait la prochaine confrontation militaire aérienne, maritime et terrestre, différente des précédentes et remplie de [mauvaises] surprises, a conclu le rapport.
Youssef al-Sharqawi, un expert militaire palestinien et responsable militaire de l’OLP, a déclaré à Al-Monitor: “Le soutien continu de l’Iran au Hamas démontre son intérêt à renforcer un soutien militaire dans Gaza en raison de sa proximité avec Israël et de sa capacité à lui infliger des dommages au cas où ce dernier frapperait l’Iran. Bien que la distance qui sépare l’Iran et Gaza empêche [ce territoire] de recevoir un approvisionnement militaire plus conséquent, Israël et l’Égypte s’acharnent à intercepter tout équipement de combat entrant dans Gaza par terre ou par mer.”
Il a ajouté: “Il est inexact de dire que l’accès régulier du Hamas au soutien militaire iranien aurait un impact sur l’actuel dialogue national Fatah-Hamas. Le Fatah traverse une crise profonde parce qu’il a reconnu Israël comme légitime dans les Accords d’Oslo de 1993 et qu’il ne parle plus de résistance armée. Par conséquent, un consensus entre les deux mouvements ne serait atteint qu’en cas de coordination sécuritaire entre le Hamas et Israël. Et c’est proprement inimaginable.”
Le Hamas exprime de temps à autre sa gratitude pour l’aide militaire fournie par l’Iran, car ce soutien a permis au mouvement de survivre aux attaques israéliennes de ces dernières années.
Dans le même temps, le Hamas a développé ses propres capacités militaires et moyens de combat, sans pour autant permettre à un tel progrès d’affecter le dialogue national avec le Fatah, lequel réprouve fortement les relations entre le Hamas et l’Iran.
Auteur : Adnan Abu Amer
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
8 avril 2021 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine