Par Adnan Abu Amer
Lorsque la dernière agression israélienne contre les Palestiniens dans la bande de Gaza a pris fin vendredi matin dernier, les diverses défaillances et erreurs de l’armée et du gouvernement d’occupation – qui ont pu compromettre les objectifs de l’offensive militaire – ont commencé à être connues. Elles peuvent nécessiter une enquête interne, car ces erreurs ont contribué à réduire la force de dissuasion de l’armée israélienne.
Les Israéliens prêtent attention à ce qu’ils décrivent comme “une vague de mauvaise appréciation de la situation” qui a prévalu au sein du gouvernement et des agences de renseignement au cours des derniers mois.
Ils pensaient que le Hamas se préoccupait de lever le siège de Gaza et de régler les problèmes quotidiens des Palestiniens et n’oserait donc pas s’engager dans une confrontation militaire. Pas même, pensaient les Israéliens, pour défendre Jérusalem, la mosquée Al-Aqsa et le quartier Sheikh Jarrah…
Cela a poussé les agences de sécurité israéliennes à demander des explications sur cette mauvaise appréciation des orientations politiques et militaires de la résistance.
Avertissement de la résistance
Même lorsque Muhammad Al-Deif, le premier commandant des groupes de la résistance palestinienne, a mis en garde vendredi 7 mai contre les répercussions du feu vert donné aux colons pour prendre d’assaut Al-Aqsa le 10 mai qui suivrait, il n’a pas été pris au sérieux.
On croyait qu’il bluffait ou tentait de mobiliser les Palestiniens, plutôt que de considérer son avertissement comme une véritable menace. Cependant, la bataille pour la défense de Jérusalem a prouvé la sincérité de la menace et l’échec d’Israël à évaluer la situation de manière adéquate.
Israël a dûment lancé son agression de 2021 en puisant la même veine que celle de son offensive de 2014, avec des frappes aériennes sur des tours résidentielles destinées à terroriser les Palestiniens pour qu’ils se soumettent, créant des fissures dans le soutien à la résistance et poussant celle-ci à exiger la fin des bombardements.
Mais les Palestiniens émergeant des ruines de leurs bâtiments n’ont pas réagi comme les Israéliens s’y attendaient. Les autorités d’occupation ont été choquées de les entendre appeler la résistance à continuer de tenir tête à Israël et à ne pas battre en retraite, même si leurs maisons venaient d’être détruites par l’entité sioniste.
Lorsque les groupes de résistance ont annoncé que leur nouvelle stratégie défensive était de « répondre aux bombes par des bombes », et qu’ils cibleraient un bâtiment israélien pour chaque bâtiment détruit à Gaza, la menace pour les bâtiments d’Ashkelon et de Tel-Aviv a été prise au sérieux.
De plus, lorsque l’accord de cessez-le-feu a été annoncé, mais avant qu’il n’entre en vigueur, les Palestiniens s’attendaient à ce que les Israéliens commettent un massacre avant l’heure d’arrêt des combats.
Les groupes de résistance ont alors averti qu’ils chercheraient des cibles à travers tout Israël, y compris Acre dans l’extrême nord du pays, si cela se produisait… Cela a mis fin à toutes les idées que les forces d’occupation auraient pu avoir en tête, dans leur volonté de verser autant de sang palestinien que possible avant le début du cessez-le-feu.
Un dôme de « plastique »
Les médias israéliens avaient toujours vanté les systèmes aériens de défense du pays comme étant capables de contrer tous les types de missiles. Le célèbre système de défense antimissile Iron Dome a attiré plus d’éloges que tout autre système.
Pourtant, les roquettes tirées depuis Gaza ont pu contourner tous les systèmes israéliens de défense. Des photojournalistes palestiniens et israéliens ont capturé des images en direct de l’échec du fameux Dôme de fer à contrer les roquettes de la résistance.
L’armée israélienne a commencé à en analyser les raisons. Certains l’ont attribué au grand nombre de roquettes tirées. Chaque salve comprenait pas moins de 50 roquettes, et à une occasion, les Brigades Al-Qassam – la branche militaire du Hamas – ont tiré jusqu’à 170 roquettes en 90 secondes, ce qui était difficile à intercepter pour le système israélien de défense.
Une autre stratégie pour leurrer les missiles du Iron Dome consistait à lancer d’abord des missiles non-explosifs afin que les missiles anti-balistiques israéliens se dirigent vers eux, ce qui impliquait que tous, ou presque, avaient été tirés avant l’arrivée de la véritable salve de roquettes de Gaza.
Les blogueurs palestiniens et israéliens ont qualifié le système de défense d’Israël tant vanté, avec beaucoup de moquerie, l’appelant le dôme de “soie” ou de “plastique”.
Bien qu’Israël ait menacé de procéder à une invasion terrestre pour éradiquer la résistance, cela ne s’est pas produit. Les organisations palestiniennes ont répondu par une menace similaire concernant les préparatifs de l’invasion, ce qui a laissé l’armée d’occupation sans aucun doute sur ce à quoi ses troupes sur le terrain pouvaient s’attendre dans Gaza.
Il a été dit aux soldats israéliens qu’ils seraient transformés en proies pour chasseurs… Leurs responsables politiques et militaires ont alors décidé de ne pas les envoyer au casse-pipe dans le « marais de Gaza ».
Une puissance de dissuasion gravement altérée
Les agences israéliennes de renseignement se sont efforcées d’infiltrer le réseau de communication de la résistance, mais en vain. Cela a eu pour résultat que de nombreux sites ont été bombardés deux ou trois fois en raison de l’impossibilité de disposer de renseignements fiables.
Technologiquement parlant, la résistance dispose de communications extrêmement discrètes et bien protégées, qui ne peuvent être interceptées. Cela a permis de limiter le nombre de victimes parmi les résistants et a rendu impossible la mise sur écoute de leurs échanges sur les tactiques à adopter. Onze jours de bombardements israéliens ont révélé les limites des Israéliens à cet égard.
Malgré ses larges capacités techniques et technologiques, Israël n’a pas non plus réussi à gagner la guerre de propagande par laquelle il espérait donner un vernis de légitimité à son ciblage des civils à Gaza et gagner l’opinion publique.
Il a sous-estimé la capacité des médias sociaux à remplacer les médias dominants en révélant la réalité et la brutalité de ce qui se passait sur le terrain. La destruction de la tour abritant les bureaux de l’Associated Press et d’Al -Jazeera, ainsi que des unités résidentielles, n’a clairement pas rendu service à Israël.
Des manifestations massives ont eu lieu partout dans le monde pour protester contre les crimes commis par l’État sioniste. En tenant tête à l’une des armées les mieux équipées au monde, les Palestiniens ont acquis une haute stature morale et légale.
Malgré les efforts incessants des trolls d’Israël [propagandistes pro-israéliens, parfois rémunérés, sur les réseaux sociaux], ceux-ci n’ont pas réussi à promouvoir la version sioniste des faits.
L’échec a été renforcé par les témoignages personnels de Palestiniens pris dans 11 jours et nuits de bombardements intensifs. Le monde savait qu’Israël ciblait délibérément des civils et bombardait leurs infrastructures et même des itinéraires précises, empêchant les ambulances d’atteindre les hôpitaux avec les victimes.
Les mensonges de l’armée israélienne sur le fait de ne cibler que les emplacements de prétendus « terroristes » ont été exposés à la vue de tous. Il n’est pas étonnant que de nombreux Israéliens en sont réduits à demander une enquête interne sur la façon dont le gouvernement a géré toute l’affaire.
Auteur : Adnan Abu Amer
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
25 mai 2021 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine