Par Eman Abusidu
Quatre générations de réfugiés palestiniens, issues des 750 000 Palestiniens victimes du nettoyage ethnique de leur terre en 1948, sont dispersées dans la diaspora. Plus d’un demi-million de Palestiniens vivent au Liban, ce qui représente environ 10 % de la population totale.
Un peu plus de la moitié d’entre eux vivent dans des camps de réfugiés gérés par les Nations unies et dans des “regroupements” informels. Leur situation et leurs conditions de vie sont désastreuses.
Les douze camps officiels du Liban souffrent d’un manque d’infrastructures appropriées, de surpopulation, de pauvreté et de chômage. Imaginez une vie sans électricité, eau potable, services médicaux ou carburant !
Selon l’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA), le Liban compte le pourcentage le plus élevé de réfugiés palestiniens en situation de pauvreté absolue. Ils doivent faire face à de nombreuses restrictions imposées par le pays d’accueil et à une forme d’exclusion sociale.
Ils sont considérés comme des étrangers et sont effectivement exclus de la plupart des droits civils et socio-économiques, y compris des emplois, même si la plupart sont nés et ont grandi au Liban.
Urgent call to support #PalestineRefugees in #Lebanon thru @UNRWA. Unprecedented level of despair with growing hunger& anger. Food & Covid response & dignified shelters on top of the most urgent needs. pic.twitter.com/KcLb98os0e
— Philippe Lazzarini (@UNLazzarini) March 31, 2021
Actuellement les choses se compliquent encore pour les Palestiniens dans le pays ; leurs difficultés sont aggravées par la pandémie de Covid-19, la crise économique du pays et l’effondrement de la lire libanaise.
Selon Yukie Mokuo, du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), “La Banque mondiale a décrit ce qui se passe au Liban comme étant probablement l’un des trois plus grands effondrements économiques observés depuis le milieu du 19e siècle.”
Dans un rapport de l’UNICEF de l’année dernière, il a été souligné que 49 % des familles de réfugiés palestiniens ont un revenu mensuel inférieur à 25 dollars.
En outre, 89% des réfugiés ne peuvent satisfaire leurs besoins alimentaires et non alimentaires de base, tels que le carburant, l’électricité et l’eau potable. Pour la première fois, la faim frappe à la porte des réfugiés palestiniens au Liban.
En raison des coupures de courant, les camps de réfugiés palestiniens sont privés d’électricité jusqu’à 22 heures par jour. Deux des principales centrales électriques du Liban ont complètement cessé de fonctionner, ce qui a aussi limité l’approvisionnement en eau, car les stations de pompage ne peuvent pas fonctionner sans électricité.
Associées à la chaleur et au manque d’eau, les pénuries d’électricité sont souvent à l’origine de maladies.
Alors que le nombre d’infections Covid-19 continue d’augmenter, les souffrances des réfugiés palestiniens s’aggravent. Les hôpitaux libanais sont déjà confrontés à de nombreux problèmes découlant de la crise économique du pays ; la plupart n’ont pas assez d’électricité pour faire fonctionner les équipements médicaux essentiels.
Le secteur de la santé connaît également une grave pénurie de fournitures médicales.
Une campagne de vaccination de masse a été annulée en raison de coupures de courant dans la plupart des régions. Si telle est la réalité pour les citoyens libanais, qu’en est-il des réfugiés palestiniens qui, depuis des dizaines d’années, font déjà face à de nombreux et graves problèmes ?
Selon le Dr Hassan Mneimneh, président du Comité de dialogue libano-palestinien, la situation des réfugiés palestiniens au Liban s’est détériorée parce que le Liban n’a pas signé la Convention internationale sur les droits des réfugiés.
“Le Liban a toujours refusé d’accorder aux réfugiés palestiniens les droits humains de base”, a-t-il expliqué, “comme le droit de travailler, le droit à l’éducation, et les droits aux soins de santé et à la propriété.”
Pour certains groupes politiques du pays l’installation des réfugiés au Liban n’est pas envisageable. Selon eux, d’une part, “la réalité montre depuis 72 ans que les réfugiés palestiniens ne veulent pas s’établir définitivement au Liban, ils veulent tout naturellement retourner sur leurs terres” et d’autre part, “la Constitution libanaise ne permet pas l’installation permanente des réfugiés palestiniens au Liban.”
L’éducation est également un problème pour les réfugiés. Mneimneh est un ancien ministre de l’éducation. Les écoles tenues par l’UNRWA sont fermées depuis deux ans maintenant, explique-t-il.
“Cela représente une grande menace pour l’avenir des élèves qui perdent deux années d’éducation.” Depuis un mois, il est en contact avec l’UNRWA pour demander la réouverture des écoles.
Il a également envoyé une demande de campagne de vaccination contre le coronavirus pour tout le personnel éducatif. Les cours en ligne, a-t-il insisté, sont inutiles, surtout dans l’environnement des camps de réfugiés, où il n’y a pas d’électricité, pas de carburant, pas d’ordinateurs et peu d’outils électroniques.
Le Dr Walid Al-Ahmed, chef du département de la santé du comité populaire du camp de Mar Elias, est irrité et déçu par l’UNRWA. Il tient l’agence pour responsable de la détérioration de la condition des réfugiés palestiniens, car elle n’a élaboré aucun plan d’urgence pour faire face à la crise.
Certes, en 2018, le président américain de l’époque, Donald Trump, a porté un coup dur aux finances de l’UNRWA, en supprimant la contribution US qui s’élevait à 300 millions de dollars par an. Les budgets et les services destinés aux réfugiés ont dû être réduits.
En réponse à la crise économique au Liban, L’UNRWA a versé 40 dollars aux familles ayant des enfants de moins de 18 ans, mais selon Al-Ahmed, cette mesure est “inappropriée” car de nombreuses familles n’ont pas de jeunes enfants.
“Cette décision est injuste, car un grand pourcentage de réfugiés palestiniens sont âgés et souffrent de maladies chroniques. L’UNRWA a ainsi privé des milliers de familles palestiniennes de cette aide.”
Le responsable de l’association Aman du camp de Burj El Barajneh m’a présenté ses excuses pour avoir répondu tardivement à ma demande d’interview. Thaer Dabdoub n’a pas eu d’électricité pendant plusieurs heures dans le camp où il vit. Il n’y vit pas seulement en spectateur, il partage la profonde souffrance des réfugiés.
Il explique que les habitants de Burj Al-Barajneh sont obligés de se débrouiller seuls, sans aucune aide du gouvernement libanais ni de l’UNRWA. “Ils nous ont laissés seuls, sans aucune aide”, a-t-il insisté.
Les gens dépendent désormais d’initiatives humanitaires individuelles. Ceux qui sont à l’origine de ces initiatives tentent de fournir aux réfugiés des denrées alimentaires de base, des médicaments et des tubes à oxygène pour les patients de Covid-19.
“Malgré tous nos efforts,” a-t-il déclaré, “ces initiatives individuelles ne suffisent pas à répondre aux besoins du camp surpeuplé.”
Le Liban subit une grave crise économique depuis 18 mois ; les réfugiés palestiniens souffrent depuis des décennies. L’économie défaillante a plongé la moitié de la population dans la pauvreté et les conditions de vie se sont encore détériorées.
Alors que le pays hôte s’efforce de se sortir de cette situation difficile, les réfugiés palestiniens ne voient aucune lumière au bout d’un très long et sombre tunnel. Combien de temps pourront-ils encore supporter leur calvaire ?
Auteur : Eman Abusidu
* Eman Abusidu est correspondante du Middle East Monitor au Brésil. Son compte twitter.
10 août 2021 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet