Par Adnan Abu Amer
Il est de plus en plus évident que la cyberguerre entre Israël et l’Iran s’intensifie, bien qu’aucun des deux camps n’ait admis sa responsabilité dans les récentes attaques.
Les choses sont devenues encore plus claires lorsque des centaines de milliers d’Iraniens se sont retrouvés dans l’incapacité de remplir les réservoirs de leurs véhicules en raison d’un problème informatique dans un important réseau d’approvisionnement. On a découvert plus tard qu’il avait été victime d’une cyberattaque.
Bien que l’Iran et Israël aient de nombreux ennemis, peu sont capables de lancer des attaques d’envergure, précises et efficaces contre l’un de ces deux pays, à l’exception d’eux-mêmes, bien sûr. Aucun des deux pays ne le reconnaît officiellement, mais d’autres ont démontré qu’ils étaient à la source des attaques.
Aucun de deux n’a pas besoin d’une confirmation officielle pour savoir que l’attaque vient de l’autre.
Ces attaques se produisent depuis plus de dix ans, mais au cours des deux dernières années, des cibles civiles ont été touchées des deux côtés. Peu après l’apparition de la pandémie de coronavirus, les Iraniens ont attaqué les systèmes de six installations d’eau et d’assainissement en Israël. L’État d’occupation a immédiatement repéré et réparé les dégâts.
Quelques semaines plus tard, les installations informatiques du plus grand port iranien, Bandar Abbas, ont subi une cyberattaque israélienne en réponse. Il y a trois mois, une attaque similaire à celle qu’a subie le réseau pétrolier, la semaine dernière, avait frappé le système informatique des chemins de fer iraniens, provoquant l’annulation de milliers de trains.
L’Iran a réagi en ciblant les systèmes de l’hôpital Hillel Yaffe à Hadera. L’attaque a été plus grave que les précédentes et a contraint le personnel hospitalier à travailler manuellement, ce qui aurait pu mettre en danger la vie d’Israéliens.
L’attaque contre le réseau d’approvisionnement en essence est considérée comme une réponse à l’attaque de l’hôpital ; elle a été vive, étendue et significative. Cette série d’actions et de réactions, n’est sans doute que le début d’un long conflit.
Il est vrai que la cyberguerre n’engendre pas souvent de pertes humaines. Israël, en particulier, a pris de solides mesures de sécurité. Cependant, les attaques iraniennes deviennent de plus en plus sophistiquées, à l’instar de celle du réseau électrique et des serveurs Internet qui a causé de sérieux dommages au secteur bancaire.
La situation prendrait un tour plus préoccupant si les Israéliens e trouvaient dans l’obligation de se doter de générateurs de secours ou de faire des copies de sauvegarde de leurs fichiers informatiques par crainte d’être piratés par l’Iran.
Israël a prévenu que le pays n’était pas prêt à affronter des cyberattaques qui pourraient faire des victimes. Et à mesure que les attaques se multiplient, Israël craint de ne pas être prêt non plus à affronter une accélération du rythme des attaques iraniennes contre des sites civils et militaires, accélération qui pourrait provoquer des dégâts importants et des pertes considérables.
Les attaques israéliennes contre des cibles iraniennes sont peut-être plus dramatiques, mais Israël redoute de plus en plus que les attaques iraniennes ne paralysent son économie et ses capacités techniques, que ce soit dans les banques, les hôpitaux, les institutions commerciales ou les infrastructures.
Les cyberattaques contre divers sites web et l’hôpital Hillel Yaffe, montrent qu’Israël n’est pas préparé à de telles attaques.
De fait, Israël est très vulnérable aux cyberattaques. On sait qu’il a subi 245 000 cyberattaques et délits cybernétiques depuis 2019, comprenant la diffamation, le harcèlement sexuel et le vol.
Les cyberattaques peuvent être meurtrières si elles provoquent la contamination de l’eau potable ou ciblent des systèmes d’exploitation dans des zones sensibles, comme des missiles ou d’autres armes.
Aucun des deux camps ne souhaite vraiment que cette cyberguerre dégénère en une confrontation totale, mais l’Iran n’a pas l’intention de subir, sans rien faire, les attaques israéliennes. Ses équipes de pirates informatiques réagissent à chaque attaque Israélienne, mais il ne s’agit pas d’un jeu vidéo ; les enjeux sont élevés et les conséquences pourraient être fatales.
Pour l’instant, Israël a une supériorité évidente sur l’Iran dans cette cyberguerre. Toutefois, comme cela s’est produit lors des phases précédentes de leurs affrontements, les Iraniens apprennent vite. Ils ont amélioré leurs capacités et sont prêts à répondre aux attaques israéliennes.
Auteur : Adnan Abu Amer
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
8 novembre 2021 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet