Par Ramzy Baroud
Dès que les médias ont fait état d’un accord entre le prisonnier palestinien Hisham Abu Hawash et les autorités pénitentiaires israéliennes, des fascistes israéliens, menés par l’élu à la Knesset Itamar Ben-Gvir, ont fait une descente furieuse à l’hôpital Assaf Harofeh où Abu Hawash était détenu.
Militant politique palestinien, Abu Hawash, âgé de 41 ans, est le père de cinq enfants. Il a été arrêté par l’armée israélienne à son domicile dans la ville de Dura, près d’Al-Khalil (Hébron), en octobre 2020. Durant les 141 derniers jours qui ont précédé l’accord, Abu Hawash a mené une grève de la faim, qui restera dans l’histoire de la résistance palestinienne comme l’une des plus longues et, sans doute, la plus importante.
Ben-Gvir et d’autres fascistes de son acabit ont été rendus furieux par la décision du gouvernement de libérer Abu Hawash le 26 février prochain, à un moment où la coalition de Naftali Bennet s’efforce de prouver sur le terrain sa ligne “pro-colons” juifs, et sa politique générale ultra-répressive contre toute forme de résistance palestinienne.
En effet, pour de nombreux Israéliens, tout compromis de ce type est considéré comme une défaite pure et simple pour Israël et une victoire incontestable pour les Palestiniens.
La fermeté d’Abu Hawash, qui, quelques jours avant l’accord, était tombé dans le coma, alors que son corps décharné et émacié faiblissait sous l’immense douleur de sa grève de la faim, était la marque du type de résistance dont ont fait preuve des milliers de prisonniers palestiniens dans le passé.
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il y a aujourd’hui 4600 prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes. La plupart d’entre eux sont emprisonnés à la suite de procès devant des tribunaux militaires israéliens.
Ces procès ne respectent pas les exigences minimales d’équité telles que définies par le droit international ou les normes juridiques pratiquées, même dans les pays reconnus comme démocratiques.
En outre, selon le groupe de soutien aux prisonniers Addameer, 500 Palestiniens sont détenus sans procès ni procédure régulière, un système draconien connu en Israël sous le nom de “détention administrative“.
Abu Hawash a lui aussi été détenu selon ce même système sinistrement connu, et décrit par le groupe israélien de défense des droits de l’homme B’tselem comme une “incarcération sans procès ni inculpation”, fondée sur une accusation non étayée selon laquelle “une personne prévoit de commettre une infraction à l’avenir”.
La détention d’Abu Hawash a été renouvelée à plusieurs reprises, comme c’est souvent le cas lorsque des prisonniers palestiniens sont arrêtés simplement pour être punis de leurs activités politiques ou de leur paroles contre l’occupation.
Dans de tels cas, ils sont maintenus dans un isolement total. Ils subissent tous des tortures psychologiques et, dans de nombreux cas, également des tortures physiques, leurs interrogateurs israéliens s’efforçant d’arracher des aveux qui pourront être utilisés contre eux devant les tribunaux militaires.
Le procès de Mohammed Al-Halabi en est un exemple. Il s’agit peut-être de la démonstration la plus scandaleuse de l’horrible système de ce que l’on appelle la détention administrative.
Le directeur des opérations de World Vision à Gaza est détenu en isolement depuis plus de cinq ans.
Depuis lors, il a été présenté plus de 150 fois devant un tribunal militaire israélien. L’un des humanitaires les plus éminents de Palestine vit maintenant le cauchemar sans fin de n’être ni libre ni inculpé.
Dans le cas d’Abu Hawash, la décision d’entamer une grève de la faim n’était pas arbitraire. Au contraire, il s’agissait d’une décision stratégique inspirée par la résistance populaire constatée en Palestine en mai dernier et par le sentiment renouvelé de force et d’unité parmi les Palestiniens.
La lutte pour la liberté des prisonniers politiques palestiniens est l’un des piliers les plus fédérateurs de la cause palestinienne. Bien que la plupart des prisonniers, comme la plupart des Palestiniens, soient directement ou de loin affiliés à des partis politiques précis, ces affiliations rapidement au second plan dès qu’ils entrent – enchaînés et maltraités – dans leurs prisons israéliennes respectives.
Qu’il soit partisan du Fatah, du Hamas, d’un groupe marxiste ou de tout autre mouvement, un Palestinien, lorsqu’il est emprisonné, cesse d’être membre d’une faction en soi, et est avant tout un Palestinien. Cela peut être facilement déduit des écrits qui sortent souvent clandestinement des prisons israéliennes.
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Par exemple, le document des prisonniers de 2006, préparé et signé par les dirigeants et les membres éminents de tous les partis politiques palestiniens en prison, reste l’appel à l’unité nationale le plus fort et le plus authentique jamais écrit.
Cet appel à l’unité émanant de l’intérieur des prisons israéliennes est précisément la raison pour laquelle le peuple palestinien continue à avoir cette perception collective que les prisonniers sont les véritables dirigeants de la société palestinienne.
Abu Hawash, comme beaucoup d’autres prisonniers qui ont subi l’expérience épuisante de la grève de la faim, devait très bien le savoir. Il devait également être pleinement conscient du fait que des millions de Palestiniens de toute la Palestine occupée et du monde entier observaient anxieusement la situation et agissaient déjà de diverses manières pour manifester leur solidarité avec Abu Hawash et sa famille.
Un jour avant l’engagement israélien de libérer Abu Hawash, un grand rassemblement à Gaza a réuni des dirigeants communautaires et des porte-parole de tous les groupes de la résistance.
Une personnalité éminente s’est engagée à ce que la mort d’Abu Hawash soit considérée comme un “assassinat” délibéré, promettant qu’une rébellion serait alors rapidement déclenchée pour le venger. Quelques heures plus tard, le gouvernement israélien acceptait les conditions proposées par la famille Abu Hawash.
Le fasciste Ben-Gvir avait en fait bien perçu les choses : le gouvernement israélien concédait une victoire aux Palestiniens. Mais pourquoi Israël céderait-il à un moment où il refuse de faire la moindre concession concernant la construction de ses colonies illégales, son apartheid en pleine expansion, son occupation militaire ou le statut de Jérusalem ?
La raison n’est pas liée au prisonnier lui-même, mais à sa position centrale dans la conscience collective des Palestiniens. Si Abu Hawash mourait, la Palestine aurait éclaté en une nouvelle insurrection et, à en juger par les événements du mois de mai, toutes les formes de résistance auraient été exploitées, une crise que la fragile coalition de Bennett ne peut se permettre.
C’est une image très forte que de penser qu’un homme mourant, attaché à un lit d’hôpital, puisse forcer Israël à céder sur une question aussi cruciale que celle de la liberté d’un Palestinien. Imaginez seulement ce qui se passerait si cette puissante énergie d’Abu Hawash était multipliée par des milliers d’autres comme lui, et soutenue par la résistance de millions de Palestiniens dans toute la Palestine occupée.
C’est le scénario apocalyptique qu’Israël craint le plus.
Auteur : Ramzy Baroud
* Dr Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Il est l'auteur de six ouvrages. Son dernier livre, coédité avec Ilan Pappé, s'intitule « Our Vision for Liberation : Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak out » (version française). Parmi ses autres livres figurent « These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons », « My Father was a Freedom Fighter » (version française), « The Last Earth » et « The Second Palestinian Intifada » (version française) Dr Ramzy Baroud est chercheur principal non résident au Centre for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web.
12 janvier 2022 – Communiqué par l’auteur – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah