Par Adnan Abu Amer
Les partis israéliens ont connu des développements qui se sont succédé ces derniers temps, notamment la probabilité d’une explosion politique à la suite d’un éventuel accord avec le chef de l’opposition et chef du parti Likoud, Benjamin Netanyahu.
Cela aura un impact direct sur le parti Likoud lui-même, et sur le gouvernement, avec la possibilité que la coalition gouvernementale s’effondre. En outre, on s’attend à ce que le Likoud se lance dans une bataille pour trouver un successeur à Netanyahu, et des personnalités d’extrême-droite pourraient tenter de diriger son bloc parlementaire.
Dans le même temps, les cercles du procureur général, Avichai Mandelblit, qui supervise l’affaire Netanyahu, les enquêtes de police le concernant et son avenir politique, confirment que l’accord promis, qui implique le “plaidoyer de culpabilité” de Netanyahu, pourrait mélanger les cartes et entraîner la chute du gouvernement dirigé par Naftali Bennett.
Ceci, à son tour, ouvre grand la porte à plusieurs scénarios possibles en cas d’accord. Plus il y a de rapports sur la conclusion d’un éventuel accord avec Netanyahu, plus les craintes se renforcent pour l’avenir du gouvernement lui-même.
Si Nétanyahu obtient ce qu’il veut de l’accord avec le procureur, il se retirera de l’activité politique, au moins temporairement. Dans un tel cas, il sera impératif pour le Likoud de déterminer sa position quant au maintien en place du gouvernement dans sa formation actuelle.
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Plusieurs scénarios pourraient ensuite faire surface. Les détails de l’accord potentiel comprennent l’abandon de l’accusation de corruption, en échange de quoi Netanyahu plaiderait coupable d’accusations de fraude et d’abus de confiance. Il serait alors condamné à trois mois de service d’intérêt général et devrait démissionner de la Knesset.
En tant que personnage central, la mise en retrait de Netanyahu de la scène politique, bien que temporaire, peut contribuer au démantèlement du Likoud qu’il dirige, et à la possibilité pour ses membres de se disperser dans les autres partis politiques, bien qu’en plusieurs étapes.
Dans le même temps, les membres de la coalition gouvernementale au pouvoir ne craindront plus aucune menace car Netanyahu lui-même, et non le Likoud en général, représentait une menace existentielle pour la poursuite de leur travail.
Dans le même temps, l’accord potentiel avec Netanyahu, et son éventuel retrait de la scène, peut entraîner l’émergence d’une nécessité permettant à tous les partis de la coalition de revenir à leurs bases idéologiques, étant donné qu’ils sont venus de divers horizons pour former une coalition dont le principal objectif à l’époque était de renverser Netanyahu.
Dans ce cas, les écarts entre eux vont se creuser, ce qui pourrait conduire au démantèlement de la structure fragile de ce gouvernement. En d’autres termes, cela signifie que c’est peut-être le moment de former un gouvernement composé de la plupart des partis à majorité d’extrême-droite, actuellement représentés à la Knesset.
Au sein même du Likoud, l’accord promis va intensifier la bataille de succession qui a commencé de façon souterraine depuis le dépôt de l’acte d’accusation contre Netanyahu.
Cette bataille devrait s’intensifier au sein d’un parti qui s’accorde depuis plus de 15 ans sur un leader unique. Nir Barkat, Israel Katz, Yuli Edelstein, Miri Regev et Gilad Erdan, se considèrent comme des successeurs possibles de Netanyahou, même si le choix de l’un d’entre eux marquera le début d’une nouvelle ère et, en même temps, soulèvera des questions sur l’avenir du parti lui-même.
Les Israéliens estiment qu’ils sont confrontés à un accord qui ressemble à un pari dont personne ne sait comment il se terminera ni quels sont ses dangers inhérents.
Depuis le début des accusations de corruption, de fraude, de pots-de-vin et d’abus de confiance contre Netanyahu, la situation politique en Israël a changé. L'”accusé” a tenté à quatre reprises de former une coalition pour échapper au procès mais, au final, il a échoué dans ses tentatives.
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Au niveau de l’État, un accord de ce type entraînerait un désastre, surtout après avoir révélé l’ingérence d’un certain nombre de pôles du système juridique et judiciaire dans sa conclusion, malgré leur connaissance certaine que l’accord a créé une réalité qui prive toutes ses parties de la base morale pour le signer.
Ce qui est étrange, c’est que les autorités juridiques israéliennes aient accepté de conclure un accord avec Netanyahu, qui a créé un précédent en Israël en lançant des accusations sévères contre la police, affirmant qu’elles exercent une persécution politique à son encontre, qu’elles portent des accusations inventées de toutes pièces et qu’elles réalisent un coup d’État contre lui.
Lui et son équipe n’ont pas hésité à s’en prendre à certaines personnes de la police et du ministère public, y compris des personnalités publiques, jusqu’à accuser l’institution tout entière de conspiration criminelle.
Il est vrai que de nombreux Israéliens attendent avec impatience le moment où Netanyahu ira en prison. Même si les délits que Netanyahu devra admettre dans le cadre de l’accord attendu l’empêchent de reprendre une activité politique, cet accord n’exige pas que lui ou de sa femme de restituer l’argent et les avantages qu’ils ont reçus.
Il ne demande pas son engagement sans équivoque à se retirer de la scène publique pendant les sept prochaines années, qui sont les années de l’expiation, même si Netanyahu fera tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas admettre les délits pour lesquels il sera condamné.
Dans le même temps, alors que des voix d’extrême-droite s’élèvent pour considérer cet accord comme la moins mauvaise option, la prétendue gauche et le prétendu centre le considèrent comme un cadeau fait à la corruption, et une immunité acquise d’avance pour quiconque viole la loi, abuse de son influence ou commet le crime de trahison, de fraude et de corruption, sachant qu’un accord l’attendra un jour, à l’instar du précédent créé par Netanyahu ces jours-ci.
Il semblait difficile pour les Israéliens de parler de l’accord de Netanyahu sans souligner la crainte d’un certain nombre de ses hauts dirigeants de perdre ce qu’ils appellent la prétendue “société modèle” établie par les fondateurs de l’État, tels que Herzl et Ben-Gourion, qui est considérée comme une condition nécessaire à l’existence à long terme d’Israël.
Aujourd’hui, certains des corrompus portent le pouvoir de l’autorité dans l’État, et ils l’utilisent pour échapper à la justice.
Le résultat est qu’aujourd’hui, les Israéliens souffrent de ceux qui sont corrompus mais toujours au sommet. Cela signifie que la corruption rampante à laquelle nous assistons aujourd’hui est considérée comme un avertissement pour l’avenir du projet sioniste, selon les craintes des Israéliens.
Israël est confronté à un danger réel et imminent de perdre officiellement toute prétention à la moindre moralité, et il a honteusement cédé au chantage et aux menaces que Netanyahu a exercé sur son système judiciaire et légal, d’une manière moralement humiliante.
En fin de compte, Netanyahu pourrait bien réussir à se disculper du torrent d’accusations auquel il a été confronté ces dernières années, qui étaient suffisantes pour qu’il passe le reste de sa vie derrière les barreaux !
Auteur : Adnan Abu Amer
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
20 janvier 2022 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine