Par Aya Youssef
Une universitaire palestinienne au Royaume-Uni a été suspendue (*) de ses fonctions d’enseignement. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle s’est engagée aux côtés de la Palestine.
Shahd Abusalama venait d’être nommée maître de conférences à l’université de Sheffield Hallam (SHU), au Royaume-Uni, lorsqu’elle a reçu une lettre lui annonçant qu’elle était suspendue de ses fonctions d’enseignante.
Pourquoi ? Tout simplement pour avoir soutenu la Palestine.
Voici le déroulement des faits…
Shahd, réfugiée palestinienne au Royaume-Uni, militante et spécialiste des médias, a déclaré à Al Mayadeen English que ces attaques étaient motivées par un incident antérieur survenu à l’université.
Un étudiant de première année a été accusé d’être antisémite pour la simple raison qu’il tenait une pancarte sur laquelle était écrit “End the Palestinian Holocaust”.
“Je ne faisais pas partie de l’événement”, a déclaré Shahd, “et j’ai dit dans un fil Twitter que je n’utiliserais pas moi-même ce vocabulaire parce que je comprends l’instrumentalisation possible et le danger que représentent des mots comme celui-ci.” Malgré sa clarification, plusieurs personnes se sont précipités pour l’attaquer sur la base de son message Twitter.
Shahd a estimé qu’il serait “ridicule que quelque chose comme ça revienne à accuser une universitaire palestinienne d’antisémitisme, alors qu’elle utilisait ce terme en pensant au génocide de longue date commis contre le peuple palestinien par Israël.”
#Thread| An incident was brought to my attention of a first-year student at @sheffielduni who made a poster “Stop the Palestinian Holocaust” and was accused (by another Jewish student) of antisemitism for using the word #Holocaust. I have some reflections that I’d like to share.
— ShahdAbusalama (@ShahdAbusalama) December 4, 2021
Ignorant être l’objet d’une enquête
La veille de Noël, le Jewish News a publié un article accusant Shahd d’être antisémite et affirmant que l’université allait enquêter sur elle.
Dans ce même article, le journal protestait contre le fait que Shahd soit maître de conférences associé à l’université.
Bien sûr, pour une Palestinienne, les choses ne s’arrêtent pas là. Cet article a été suivi d’un autre, publié par Campaign Against Antisemitism la veille du Nouvel An, qui l’attaquait également pour la même raison.
Et tout récemment, le Jewish Chronicle lui a fait savoir que le journal allait faire un reportage sur plusieurs choses qu’elle a écrites, la plupart il y a dix ans, lorsqu’elle était encore dans la bande de Gaza.
“Ils sortent de très vieux tweets“, explique Shahd, “où j’écrivais sous le feu de l’ennemi en tant que personne qui a survécu à la terreur israélienne et en a été témoin de manière constante.”
“J’étais la dernière à savoir qu’il y avait des conversations à mon propos et m’accusant d’antisémitisme. Tout cela se passait dans mon dos”, a déclaré Shahd à Al Mayadeen English. “Cela devrait être une pratique normale que la personne mise en question soit informée en premier.
“Cela montre à quel point les étudiants palestiniens sont vulnérables”
Shahd est “inquiète” et “préoccupée” par le fait que son université se soucie davantage des insanités trouvées dans “les publications de droite et sionistes qui se consacrent à déformer les vérités” que de l’attaque dont elle a fait l’objet, considérant que l’université “manipule la vérité pour le bien d’Israël tout en ne respectant pas son obligation de protéger ses propres membres”, comme elle-même.
“C’est très alarmant ; cela montre à quel point les étudiants palestiniens sont vulnérables”, a déclaré Shahd.
Ces actions montrent que “même lorsque nous [les Palestiniens] pensons nous être libérés de l’oppression d’Israël, nous sommes toujours poursuivis par le discours violent qui a infiltré la plupart des institutions occidentales.”
“Et nous voyons cette violence, et nous la vivons, et ce n’est qu’une manifestation de la façon dont la violence israélienne poursuit les Palestiniens partout où ils vont.”
Selon Shahd, la Nakba se poursuit encore aujourd’hui, que ce soit à Gaza, à Al-Quds occupée, dans le quartier de Sheikh Jarrah et à Al-Naqab.
Elle considère qu’il s’agit d’un “schéma historique où le récit colonial sioniste est privilégié par rapport au récit des opprimés”, et que ce récit a toujours défendu “l’autodéfense des occupants tout en criminalisant les occupés”.
Shahd ne perçoit pas ces attaques comme des attaques personnelles mais comme des attaques “contre les causes de libération que je représente, à savoir la Palestine, et que les sionistes imaginent que je ne suis pas en situation de résister pour les droits de mon propre peuple à la liberté, à la justice, à l’égalité et au retour, c’est tout simplement scandaleux”.
Shahd a souligné qu’elle ne se laissera pas réduire au silence et qu’elle “sera toujours plus forte après ces campagnes de haine contre elle.”
Ce n’est pas la première attaque
En 2019, Shahd a été attaquée lorsqu’elle a lancé une campagne appelant à boycotter le “Concours Eurovision de la chanson” parce qu'”Israël” en est l’hôte. “Ils étaient en colère”, a déclaré Shahd, car “la campagne est devenue virale”.
À l’époque, le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) pour les droits des Palestiniens avait également appelé au boycott de l’événement pour empêcher “Israël” d’utiliser le concours pour “laver l’art de ses crimes contre les Palestiniens”.
Shahd résiste à l’occupation israélienne
Shahd est née et a grandi dans le camp de réfugiés de Jabalia, à Gaza, et elle résiste depuis lors.
Sa mère, Halima, lui a donné naissance alors que des fusils étaient pointés sur son ventre et que la grand-mère de Shahd portait une lanterne dans une main et un morceau de tissu blanc dans l’autre, craignant les conséquences mortelles de la violation du couvre-feu militaire imposé à l’époque dans le camp.
Le père de Shahd est un ancien prisonnier politique qui a enduré 15 ans de souffrance et de résistance dans les prisons israéliennes.
Elle a résisté en écrivant, en peignant, en dansant le dabke, en essayant de faire entendre et voir au monde entier ce que c’est que d’être un réfugié palestinien.
Shahd a reçu de nombreuses lettres de soutien, et de nombreux militants sont solidaires d’elle. Andrew Feinstein, fils d’un survivant de l’holocauste et ancien membre du parlement sous la direction de Nelson Mandela, a envoyé une lettre de soutien au département de Shahd à l’université de Sheffield Hallam.
Feinstein a déclaré que cette affirmation “est sans fondement et reflète davantage l’intolérance de la publication à l’égard de toute critique d’Israël et de son traitement du peuple palestinien.”
Shahd semble plus déterminée que jamais lorsqu’elle termine son histoire, en disant : “jusqu’à ce que nous obtenions notre liberté, nos voix seront plus fortes que jamais.”
Note :
(*) : grâce à la forte mobilisation en sa faveur, Shahd Absusalama a retrouvé ses fonctions au sein de l’université de Sheffield Hallam – 28 janvier 2022.
Auteur : Aya Youssef
24 janvier 2022 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah