Par Miko Peled
Puisque le président Biden persiste à dire qu’il est attaché à la Solution à Deux États, peut-être devrions nous l’examiner à nouveau. Un regard neuf sur ce qui est devenu l’expression la plus courante dans le discours sur Palestine-Israël ne peut pas faire de mal.
1947
Il y a eu plusieurs versions de la notion de deux états. Celle qui s’est approchée le plus d’une mise en application est connue comme étant la Résolution 181 de l’ONU, ou Plan de Partage de la Palestine. Elle est presque devenue une réalité au sens où les Nations Unies ont émis un vote et l’ont acceptée le 29 novembre 1947.
Mais, alors que l’encre du document n’était pas encore sèche, les forces sionistes se sont lancées dans une campagne de nettoyage ethnique de vaste ampleur pour débarrasser le pays de sa population et s’emparer d’autant de terres que possible.
Au cours de cette campagne près d’un million de Palestiniens ont été forcés de quitter la Palestine et d’innombrables civils ont été massacrés et des centaines de villes et villages détruits.
Les sionistes ont pris les villes et les ont faites leurs. Ils ont pris les récoltes des champs et les fruits des vergers, ils ont volé l’argent des banques, des véhicules et des équipements agricoles d’une valeur de plusieurs millions, et se les ont appropriés.
Il était évident que les sionistes n’avaient aucunement l’intention d’accepter un plan de partage d’un pays qu’ils voulaient entièrement pour eux seuls.
Ils ont pris le pays et ses richesses et puis ont prétendu qu’ils avaient fait fleurir un désert.
La campagne s’est rétrécie – bien qu’elle ne se soit pas arrêtée complètement – début 1949, et très tôt dans les années 1950 deux régions jusqu’alors inconnues étaient créées : la Cisjordanie et la Bande de Gaza.
Ces régions n’ont pas été délimitées en tenant compte de frontières géographiques ou naturelles mais tracées sur la carte de la Palestine par les sionistes, qui à l’époque contrôlaient près de 80% du pays.
1967
Avançons jusqu’en 1967 quand Israël a une fois de plus attaqué les pays voisins, et a en 5 jours occupé la Cisjordanie, la Bande de Gaza, le Plateau du Golan, et la totalité de la péninsule du Sinaï. Cette partie de l’histoire est bien connue.
A cette étape, l’idée a émergé de redessiner le plan de partage, cette fois en prenant en compte les frontières d’avant la guerre de 1967, et d’accorder aux Palestiniens un petit « état » à l’intérieur de ces limites.
Quelques éminents sionistes, dont mon propre père, qui à l’époque était général de l’armée israélienne et membre du haut commandement israélien, et plusieurs autres soutenaient ce plan. Des voix palestiniennes de Cisjordanie et de Gaza s’étaient aussi exprimées en faveur de cette idée.
A partir de ce moment tout discours concernant la « paix » incluait l’idée d’un petit état palestinien aux côtés d’un Israël plus grand.
Israël quant à lui a fait tout ce qui était en son pouvoir considérable pour rendre ses nouvelles conquêtes irréversibles, et a très grandement réussi.
Simple annotation
Un pays qui était connu sous le nom de Palestine et dont l’histoire écrite remonte à au moins quatre milles ans était devenu une simple annotation relative à Israël. L’état d’Israël nouvellement établi est un état qui tire sa légitimité de la Bible, livre religieux qui a peu de pertinence, voire aucune en matière d’enregistrement de l’histoire.
Ceci a été possible grâce à une grande violence et à une campagne de désinformation ciblée bien orchestrée et bien financée et aux pressions politiques.
Ce paradigme selon lequel la Palestine n’est qu’une simple annotation relative à Israël a été accepté et est maintenant dominant. Israël est le sujet principal, et la Palestine est une petite région où les « Arabes d’Israël » peuvent jouir d’un degré d’indépendance à condition qu’Israël lui soit favorable.
Les divisions de la Palestine qu’Israël a créées ont été totalement acceptées et sont devenues la réalité de la Palestine : la Cisjordanie, la Bande de Gaza, et les citoyens arabes d’Israël – qui ne sont pas du tout reconnus comme palestiniens, comme s’ils venaient tous de débarquer de nulle part – et les réfugiés qui vivent hors de Palestine.
La réalité est que ces divisions n’ont aucune base réelle, elles n’ont aucune assise historique ni légitimité, mais les Palestiniens sont forcés de vivre dans le cadre de ces divisions.
Renverser le paradigme
Peut-on renverser le paradigme ? Le partage de la Palestine n’est pas possible et n’a pas de valeur. Tant qu’Israël existera, il n’acceptera jamais le partage et il ne sert aucunement les intérêts palestiniens. Toutefois, supposons un instant qu’une forme de partage soit possible et bénéfique, comment serait-il mis en œuvre ?
La notion qui prédomine est celle qu’Israël recevra la plus grande partie du pays, plus de 80%, et les Palestiniens accepteront ce que l’on voudra bien leur donner.
Et si c’était à négocier ? Peut-être que les Palestiniens, qui constituent maintenant la majorité de la population entre le fleuve Jourdain et la mer Méditerranée devraient disposer d’un état sur la plus grande partie de la Palestine, et Israël se limiter à la Cisjordanie et à la Bande de Gaza.
Il est devenu acceptable que les Palestiniens soient une annotation en référence aux Israéliens, et évident que les Israéliens méritent la part du lion dans le partage du pays selon leurs conditions. Il n’y a, toutefois, aucune raison d’accepter cela.
Il est temps de changer les conditions
Il faut être soit ignorant soit corrompu pour prétendre que la Solution à Deux États est une idée réaliste. Il n’est pas improbable que Joe Biden soit les deux.
Vaincre le régime violent d’apartheid en Palestine et le remplacer par une démocratie garantissant des droits égaux est la seule façon réaliste, viable et la plus juste qui soit d’aborder la question de Palestine.
La Solution à Deux États n’est rien d’autre qu’un permis pour Israël de continuer à maltraiter et détruire la Palestine tout en opprimant et tuant les Palestiniens.
Le droit est la force motrice des colonisateurs, et les Israéliens ne dérogent pas à la règle. Ils sont convaincus qu’ils ont droit à la Palestine, à autant du territoire qu’ils le veulent, et que même s’ils consentaient dans le cadre strict de conditions irréalistes à admettre que les Palestiniens méritent un semblant d’autodétermination, cela se fera selon leurs propres modalités.
Ils sont les maîtres et ils ont droit au pays et à ses ressources. Ils ont aussi le droit de déterminer qui vit et qui meurt et dans quelle partie du pays quels Palestiniens sont autorisés à vivre et sous quelles lois.
Toutefois, ce droit, à l’image de l’entreprise sioniste dans son ensemble, n’a aucune légitimité et doit être reconnu comme le crime contre l’humanité qu’il est.
C’est pourquoi, les auteurs du crime doivent être arrêtés et traduits en justice, le système d’apartheid démantelé, et une Palestine libérée et démocratique doit prendre sa place.
Auteur : Miko Peled
* Miko Peled est un auteur et un militant des droits de l'homme né à Jérusalem. Il est l'auteur de “The General’s Son. Journey of an Israeli in Palestine” et “Injustice, the Story of the Holy Land Foundation Five". Son compte Twitter.
19 juillet 2022 – MintPressNews – Traduction: Chronique de Palestine – MJB