Par Rasha Abu Jalal
Le Hamas a officiellement annoncé la reprise de ses relations avec le gouvernement syrien après une interruption de plusieurs années causée par le soulèvement syrien de 2011, ce qui soulève des questions sur les gains que le Hamas pourrait obtenir et sur les raisons pour lesquelles l’Iran a voulu servir de médiateur dans cette réconciliation.
GAZA CITY, Bande de Gaza – Dans une déclaration datée du 15 septembre, le Hamas a officiellement annoncé la reprise des relations diplomatiques avec le gouvernement syrien après une interruption de plus de 10 ans causée par le soutien de l’organisation islamique au soulèvement syrien de 2011.
Dans sa déclaration, le Hamas a souligné les efforts en cours « pour construire et développer des relations solides avec la République arabe syrienne, dans le cadre de sa décision de reprendre ses relations diplomatiques avec nos frères en Syrie ».
« La Syrie a soutenu notre peuple palestinien et les organisations de la résistance pendant des décennies, ce qui nous impose de nous tenir à ses côtés aujourd’hui à la lumière de l’agression brutale à laquelle elle est confrontée », poursuit le communiqué, en faisant référence aux récentes frappes aériennes israéliennes en Syrie.
Fin 2011, le Hamas a quitté ses bureaux à Damas après avoir condamné la répression violente du gouvernement syrien contre le soulèvement populaire qui avait éclaté plus tôt dans l’année. À l’époque, le président syrien Bachar el-Assad avait accusé le mouvement de soutenir les groupes armés syriens qui combattent son gouvernement.
Le Hamas a commencé à changer d’attitude à l’égard du soulèvement après avoir pris ses distances avec les Frères musulmans, se redéfinissant dans sa nouvelle charte politique diffusée le 1er mai 2017, comme un mouvement de résistance avant tout palestinien.
Dans sa précédente charte, le Hamas se définissait comme l’une des branches des Frères musulmans en Égypte.
Un dirigeant éminent du Hamas, qui a demandé à ne pas être nommé, a déclaré à Al-Monitor que la reprise des relations avec la Syrie « sera suivie de la réouverture des bureaux du mouvement à Damas dans un avenir proche. »
Il a précisé que le bureau du Hamas à Damas ne serait pas une alternative au bureau politique du mouvement dans la capitale qatarie de Doha, mais plutôt une branche des bureaux du mouvement situés dans plusieurs pays comme la Turquie, l’Algérie et Beyrouth.
Le dirigeant a déclaré que le bureau de Damas comprendra des dirigeants de second niveau, contrairement à la situation d’avant 2011, lorsque les premiers responsables du Hamas résidaient dans la capitale syrienne, laquelle était la base de Khaled Meshaal, le responsable du bureau politique du Hamas à l’époque.
La source a noté que « le Hamas préfère toujours que son bureau principal reste à l’étranger et que son responsable actuel – Ismail Haniyeh – reste au Qatar, en raison de plusieurs considérations politiques et sécuritaires, dont la plus importante est que le monde considère le Qatar comme un pays modéré, ce qui sert le Hamas. »
« Le Hamas souhaite s’ouvrir au monde et établir des relations avec différents pays. Mais la communauté internationale considère le gouvernement syrien comme un régime répressif avec les plus hauts records de violations des droits de l’homme », a déclaré la même source.
Et d’ajouter : « En outre, la situation sécuritaire en Syrie reste précaire avec les frappes aériennes israéliennes régulières sur la capitale et plusieurs villes syriennes, ce qui constitue une raison supplémentaire pourle Hamas de ne pas baser ses principaux dirigeants à Damas. »
La dernière série de frappes aériennes israéliennes en Syrie a eu lieu le 17 septembre. L’armée syrienne avait annoncé que cinq soldats avaient été tués dans cette frappe aérienne près de l’aéroport de Damas.
Ahmed Abdel Rahman, analyste politique et membre du Jihad islamique, a déclaré à Al-Monitor : « La déclaration du Hamas annonçant la reprise des relations avec la Syrie était prête il y a un mois, mais elle a été reportée à la demande du régime syrien, qui voulait s’assurer de la crédibilité du positionnement du Hamas. »
Il a ajouté que l’Iran, le Hezbollah libanais et le Jihad islamique ont joué un rôle dans le rétablissement des relations entre le Hamas et la Syrie, soulignant que le Hezbollah a eu le plus grand impact à cet égard.
Dans un discours prononcé le 17 septembre, le premier dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré que la décision du Hamas de renouer des liens avec le gouvernement Assad était la bonne chose à faire, ajoutant que « la Syrie, avec son peuple et ses dirigeants, restera le véritable soutien du peuple palestinien. »
Ayman al-Rafati, analyste et expert en sécurité et en politique, a déclaré à Al-Monitor : « D’après mes informations, il existe un consensus absolu au sein du Hamas pour rétablir les liens avec la Syrie. La normalisation des relations sera dans l’intérêt des deux parties. La Syrie a besoin du Hamas pour rétablir sa position et son image antérieures [avant 2011] d’un pays qui se tient aux côtés des Palestiniens contre Israël. »
Il a ajouté : « Pendant ce temps, le Hamas veut maximiser les efforts pour contrer la normalisation des relations entre les pays arabes et Israël. La Syrie est connue pour son refus intransigeant de toute forme de normalisation avec Israël malgré les pressions. »
Il a expliqué également que « toute partie qui souhaite intégrer l’Axe de la résistance et qui rejette la normalisation avec Israël doit être en bons termes avec la Syrie, qui est au cœur de cet axe. »
Les Émirats arabes unis (EAU), Bahreïn, le Soudan et le Maroc ont conclu des accords de normalisation avec Israël en 2020, dans le cadre des accords dits d’Abraham, sous les auspices du président américain de l’époque, Donald Trump.
Dans une déclaration publiée le 15 juillet, le premier responsable du Hamas, Ismail Haniyeh, a appelé à la construction d’une alliance politique régionale qui protégerait la région de la normalisation avec Israël, dans le but de faire face à une alliance israélo-arabe que les États-Unis sont en train d’établir pour s’opposer à l’Iran.
Talal Okal, analyste politique qui écrit pour le journal Al-Ayyam, a déclaré à Al-Monitor : « Je ne vois pas en quoi le régime d’Assad pourrait bénéficier de la reprise de ses relations avec le Hamas, qui a soutenu la révolution contre lui. Je pense que ce qui s’est passé l’a été sur instruction directe de l’Iran aux deux parties, dans un contexte de tentatives internationales de limiter le rôle de Téhéran dans la région arabe. »
Il a ajouté que le Hamas s’est empressé de rétablir ses relations avec la Syrie suite à la normalisation de plusieurs pays arabes avec Israël, comme le Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Maroc.
Okal a conclu : « Je pense que le Hamas n’a guère le choix, et la Syrie est un acteur majeur de l’Axe de résistance qui s’oppose à la normalisation du monde arabe avec Israël. »
Auteur : Rasha Abu Jalal
* Rasha Abou Jalal est auteure et journaliste à Gaza. Elle couvre les événements politiques et les questions humanitaires et elle a produit des reportages sur des questions sociales pour le journal local Istiklal pendant six ans. Rasha a également été membre du jury de l'événement annuel sur la liberté de la presse dans la bande de Gaza, Press House, en 2016. Son compte Twitter.
22 septembre 2022 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine