Par Addameer
Selon les estimations, 1 500 prisonniers politiques palestiniens détenus dans des prisons et centres de détention en Israël ont entamé une grève de la faim le 17 avril 2017.
L’appel à la grève de la faim est né d’un ressentiment envers les politiques cruelles d’Israël à l’encontre des prisonniers politiques et des détenus. Les prisonniers en grève de la faim exigent notamment des visites familiales, des soins médicaux appropriés, la fin de la pratique israélienne consistant à détenir des Palestiniens sans inculpation ni procès dans le cadre de la prétendue détention administrative ainsi que la fin du recours à l’isolement. Voici quelques éléments sur la grève de la faim des prisonniers palestiniens :
Quel est l’historique des grèves de la faim de prisonniers palestiniens ? Les grèves de la faim ont longtemps été employées dans différentes zones géographiques comme un moyen de protester et de revendiquer des droits fondamentaux, dont le droit de vote, le droit de ne pas subir la torture et le droit à l’autodétermination. La longue histoire des grèves de la faim massives et individuelles chez les prisonniers palestiniens reflète le manque de confiance dans tout processus judiciaire et le manque de garanties d’un procès équitable sous les systèmes judiciaires militaire et civil de l’occupation israélienne. Les prisonniers et détenus palestiniens ont recours à des grèves de la faim dès 1968 en tant que moyen de protestation pacifique légitime contre les politiques de détention israéliennes et les conditions de détention cruelles, notamment l’isolement cellulaire, le refus des visites familiales, les traitements médicaux inadéquats et la torture, ainsi que d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Quels sont les risques médicaux d’une grève de la faim ? Une grève de la faim comporte des risques pour la santé qui peuvent causer des dommages physiques au prisonnier ou au détenu tels qu’une perte de poids grave, des sensations de faiblesse, de fatigue, des insomnies, une perte d’audition, une cécité, des accidents vasculaires cérébraux, une insuffisance rénale ainsi que d’autres défaillances d’organes, des arrêts cardiaques et des crises cardiaques. Pourtant, malgré ces risques médicaux, les Palestiniens ont pu, grâce à des grèves de la faim, obtenir des droits fondamentaux et améliorer leurs conditions de détention.
Comment les autorités israéliennes font-elles face aux grèves de la faim ? Les grèves de la faim rencontrent souvent une répression violente et coercitive exercée par le Service pénitentiaire israélien et les unités spéciales ainsi que par le personnel médical pour pousser les détenus à mettre fin à leur grève de la faim. À la suite de grèves de la faim, Addameer a rendu compte de plusieurs cas de raids contre des cellules de prison, de transferts de grévistes de la faim dans des cellules d’isolement, de menaces de détention illimitée, d’interdiction des visites familiales, de réduction des dépenses de cantine.
Quelles autres mesures coercitives ont été prises ? En réponse au recours de prisonniers et de détenus palestiniens aux grèves de la faim, les autorités israéliennes ont pratiqué l’alimentation forcée pendant les années 1980. Cette pratique a par la suite cessé sur ordonnance de la Cour suprême israélienne suite à plusieurs décès de prisonniers palestiniens causés par l’alimentation forcée. Lors de grèves de la faim antérieures, Israël pratiquait l’alimentation forcée des grévistes de la faim afin de contraindre les détenus à mettre fin à leur grève de la faim sans aucune loi pour réglementer cette mesure. Plusieurs prisonniers palestiniens sont morts après avoir été soumis à l’alimentation forcée.
Parmi eux figurent notamment Abdul-Qader Abu al-Fahm, décédé le 11 mai 1970 lors d’une grève de la faim dans la prison d’Ashkelon, Rasem Halawah et Ali al-Ja’fari, décédés suite à l’insertion des tubes d’alimentation dans leurs poumons au lieu de leur estomac en juillet 1980, lors d’une grève de la faim dans la prison de Nafha, ou encore Ishaq Maragha, mort dans la prison de Beersheba en 1983. Récemment, une proposition de loi du ministre israélien de la Sécurité publique Gilad Erdan a été lancée en réponse à la grève de la faim massive de 2012 dans le but de mettre fin aux grèves de la faim ultérieures et de priver les détenus et prisonniers palestiniens de leur droit fondamental de protester pacifiquement. Le projet de loi a été approuvé par la Knesset israélienne le 30 juillet 2015.
Depuis quand les grèves de la faim sont-elles utilisées pour protester contre la détention administrative ? Au moins depuis les années 1990, les prisonniers palestiniens ont eu recours à des grèves de la faim comme moyen de protester contre l’usage arbitraire par Israël de la détention administrative. La détention administrative est une procédure qui permet à l’armée israélienne de détenir des prisonniers indéfiniment en s’appuyant sur des informations secrètes, sans les inculper et sans permettre leur comparution en justice. Selon les estimations, 750 Palestiniens sont en détention administrative, dont des femmes, des enfants et des membres du Conseil législatif palestinien.
Au cours des dernières années, les prisonniers et détenus palestiniens ont recouru à des grèves de la faim pour protester contre l’usage croissant et systématique de la détention administrative par les autorités d’occupation. Par exemple, en 2012, des prisonniers et des détenus palestiniens ont entamé une grève de la faim massive, lors de laquelle près de 2 000 grévistes de la faim ont exigé la fin de la détention administrative, du refus des visites familiales aux prisonniers de Gaza, de l’isolement et d’autres mesures punitives. La grève de la faim de 2012 s’est terminée par la limitation temporaire par Israël de la détention administrative. Cependant, quelques années plus tard, les autorités d’occupation ont intensifié le recours à la détention administrative, ce qui a donné lieu à une nouvelle grève de la faim en 2014, lors de laquelle plus de 80 détenus administratifs ont demandé la fin de cette politique arbitraire. La grève de la faim a pris fin après 63 jours, sans que le gouvernement israélien ait été contraint de limiter le recours à la détention administrative.
En outre, plusieurs détenus administratifs palestiniens ont entrepris des grèves de la faim individuelles pour protester après avoir été replacés à plusieurs reprises en détention administrative sans inculpation ni procès. Ces grèves de la faim individuelles ont été entamées par Mohammad Al Qeeq, Khader Adnan, Hana Shalabi, Thaer Halahleh et Bilal Kayed.
Pourquoi les Palestiniens recourent-ils à des grèves de la faim ? Les prisonniers et détenus palestiniens recourent à des grèves de la faim pour protester et faire entendre leur voix en dehors d’un système juridique injuste qui administre leur détention arbitraire et la répression de leur voix. Cependant, les autorités d’occupation israéliennes n’ont pas réussi à briser la volonté des grévistes de la faim palestiniens qui continuent de se servir de leur corps, en l’absence de recours judiciaires adéquats, pour pratiquer une désobéissance légitime. Les grévistes de la faim défient le pouvoir disciplinaire de contrôle et de domination : leur corps constitue donc un intermédiaire par lequel le pouvoir est déplacé et recréé. Les prisonniers et les détenus refusent de se conformer au système structuré de la prison fait de contrainte et de privation, où ils ne disposent pas d’une autonomie totale par rapport à leur corps. Ainsi, par le biais de grèves de la faim, ces prisonniers et détenus retrouvent leur souveraineté sur leur corps en devenant des décideurs face aux autorités pénitentiaires.
Quelles sont nos revendications ? Addameer Prisoner Support invite les partisans de la justice dans le monde entier à agir pour soutenir les prisonniers palestiniens, qui mettent en péril leur corps et leur vie au nom de la liberté et de la dignité. Addameer exhorte tout le monde à organiser des manifestations en solidarité avec la lutte des prisonniers et de détenus en grève de la faim. 2017 marque le centenaire de la déclaration Balfour, le 70e anniversaire de la catastrophe palestinienne (« al-Nakba ») et le 50e anniversaire de l’occupation militaire brutale. C’est aussi cette année qu’il faut tenir l’occupation israélienne pour responsable de ses actes et exiger la libération immédiate de tous les prisonniers politiques palestiniens !
Addameer appelle en outre la communauté internationale à exiger que le gouvernement israélien respecte la volonté des grévistes de la faim qui se servent de leur corps comme d’un moyen de protestation légitime, reconnu par la déclaration de Malte sur les grèves de la faim de l’association médicale mondiale (AMM) comme une « forme fréquente de protestation pour les personnes dépourvues de tout autre moyen de faire connaître leurs revendications ».
Auteur : Addameer
* ADDAMEER (mot arabe signifiant la « conscience ») Prisoner Support and Human Rights Association, est une institution civile non gouvernementale palestinienne qui œuvre en faveur des prisonniers politiques palestiniens détenus dans les prisons israéliennes et palestiniennes. Créé en 1991 par un groupe de militants motivés par la question des droits de l'homme, le centre offre une aide juridique gratuite aux prisonniers politiques, défend leurs droits au niveau national et international, et s'efforce de mettre fin à la torture et aux autres violations des droits des prisonniers par le biais d'une surveillance, de procédures juridiques et de campagnes de solidarité.Le compte twitter.
25 avril 2017 – Addameer – Traduction : Chronique de Palestine – Valentin B.