Par Fahya Shalash
Ce fut un moment de bonheur lorsque l’on annonça à Ayed Mazloom qu’il avait deux jours entiers pour entrer sur ses terres dans le village d’Al-Janyeh, près de Ramallah, en Cisjordanie occupée.
Mazloom s’est préparé à « visiter » sa propre terre, située près de la colonie de Telmon qui a dévoré la plupart des terres du village d’Al-Janyeh. Après des heures d’attente pour obtenir une autorisation israélienne afin de pouvoir y entrer, l’accès lui a finalement été accordé.
« Je n’avais pas le droit d’y aller depuis plus d’un an, et nous ne pouvions pas cueillir d’olives ni labourer la terre. mais nous avons découvert que les colons nous volaient la récolte d’olives », a raconté Mazloom.
Au bout d’une demi-heure, plusieurs soldats israéliens sont venus lui dire qu’il devait quitter la terre immédiatement, sous prétexte que le temps de sa visite était achevé.
« J’étais choqué, je n’ai même pas eu le temps de vérifier l’état des arbres ou de m’en occuper », a-t-il déclaré à The Palestine Chronicle.
La famille de Mazloom a perdu plus de 500 acres [un acre représente près de 4000 mètres carrés – N.d.T] après qu’Israël les a confisqués et accaparés en raison de leur proximité avec des colonies juives, sans parler des terres qui ont été volées pour construire ces colonies.
Les forces israéliennes ont confisqué des centaines de milliers d’hectares en Cisjordanie depuis 1967, afin de faciliter la construction de colonies et de sites militaires israéliens.
« Ces arbres ont été plantés par nos aïeux. Depuis notre enfance, nous avons été éduqés pour prendre soin d’eux, chaque jour », a expliqué Mazloom. « La terre est pour nous aussi précieuse que nos enfants, mais l’occupant nous empêche d’y accéder et nous prive de ce droit fondamental. »
Rappel de faits
En 1993, l’accord d’Oslo, signé entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), stipulait la division de la Cisjordanie en trois catégories : la zone « A », sous contrôle palestinien, la zone « B », sous contrôle palestinien et israélien, et la zone « C », sous contrôle israélien exclusif. Cette dernière catégorie couvre à elle seule une superficie d’environ 60 % de la taille totale de la Cisjordanie, selon le Land Research Center.
Jamal Alamleh, le directeur du centre, a déclaré à The Palestine Chronicle qu’Israël n’interdit pas seulement aux Palestiniens d’exploiter leurs propres terres, mais démolit également tout bâtiment construit sur ces terres, même s’il s’agit d’une simple tente.
Les Palestiniens sont également empêchés de creuser des puits d’eau sur leurs propres terres.
« Les colons ont eu le champ libre pour perpétrer de nombreuses agressions contre les Palestiniens de la zone ‘C’. Les colons sont toujours entièrement protégés par des soldats israéliens », a dit Alamleh.
Si un Palestinien dépose une plainte contre les colons, personne n’en tiendra compte, mais il sera plutôt traité comme un agresseur sur les « terres de l’État (israélien) », selon Alamleh.
En 2020, un ministre israélien a demandé le réenregistrement des terres palestiniennes situées dans la zone « C » sous le nom des colons, afin de les rendre conformes à la loi israélienne. En pratique, cela signifie l’annexion de facto de zones palestiniennes, ce qui est illégal au regard du droit international.
« Si ces appels sont appliqués, les Palestiniens deviendront comme des intrus sur leur propre terre et, selon la loi israélienne, seront contraints de quitter (la zone C) et de se réinstaller dans les zones A et B, qui représentent moins de 40% de la superficie totale de la Cisjordanie. »
C’était un trésor, ce n’est plus qu’un rêve
Il y a quatre ans, Abd al-Kareem Yousef, âgé de 60 ans, se rendait sur ses terres lorsqu’il a été brutalement battu par les gardes de la colonie d’Ariel, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Il a subi de nombreuses coupures et contusions.
« J’allais planter des arbres mais les gardes de la colonie voisine m’ont arrêté et ont vérifié ma carte d’identité. Ils m’ont ordonné de faire demi-tour mais j’ai refusé, et lorsque je leur ai dit que c’était ma terre et que j’avais le droit d’y entrer, ils ont commencé à me frapper », a raconté Yousef à The Palestine Chronicle.
Jusqu’à aujourd’hui, Yousef ne peut pas entrer sur sa propre terre dans le village de Kfil Hares, près de la ville de Salfit.
Le bloc de colonies d’Ariel ne cesse de s’étendre au détriment des terres palestiniennes.
« Je me souviens d’y avoir travaillé avec mon père quand j’étais enfant et maintenant il m’est interdit d’y entrer ».
En confisquant sa terre, l’agriculteur a perdu une grande partie des moyens de subsistance de sa famille de neuf personnes. Autrefois, c’était son trésor. Aujourd’hui, c’est un rêve lointain, parfois un cauchemar.
Année après année, les terres palestiniennes privées continuent de se réduire, presque toujours en raison de l’expansion constante des colonies juives illégales, elle-même une violation flagrante du droit international.
Mais rien n’a été fait pour mettre fin aux souffrances des Palestiniens ou pour mettre un terme au cauchemar ininterrompu de Mazloom, Yousef et de nombreux autres.
Auteur : Fahya Shalash
* Fahya' Shalash est une journaliste palestinienne vivant à Ramallah. Diplômée de l'université de Birzeit en 2008, elle travaille depuis lors en tant que journaliste.Ses articles sont parus dans plusieurs publications en ligne, dont The Palestine Chronicle et Al-Mayadeen.
The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah