Par Adnan Abu Amer
Les Israéliens pensent que le Hezbollah et le Hamas sont à l’origine de l’explosion survenue au carrefour de Megiddo, dans le nord d’Israël, à la mi-mars. Ils craignent de plus en plus que cette coopération ne soit le début de nouvelles opérations en Israël, bien que l’enquête sur l’explosion soit toujours en cours.
Cela pourrait indiquer un changement dans les stratégies des deux organisations qui, jusqu’à présent, ont évité de mener des opérations à l’intérieur d’Israël [Palestine de 48].
L’attaque de Megiddo intervient alors que les relations entre le Hezbollah et le Hamas se sont améliorées ces dernières années.
Le Hamas tente de relier les Palestiniens de la Cisjordanie occupée aux 200 000 réfugiés palestiniens vivant dans des camps de réfugiés au Liban et de créer une relation qui lui permette de coordonner les trois arènes palestiniennes de Gaza, de la Cisjordanie et du Liban dans la lutte contre Israël.
La bombe placée au carrefour de Megiddo révèle un lien entre un certain nombre d’éléments. Son type et sa méthode de détonation indiquent que le Hezbollah a été partenaire de l’opération, et peut-être même qu’il l’a initiée, même si depuis la deuxième guerre du Liban en 2006, le parti semble vouloir éviter le déclenchement d’un conflit avec Israël.
Toutefois, compte tenu de la crise politique en Israël, il pourrait avoir décidé de se coordonner avec le Hamas pour agir militairement contre Israël, mais sans s’exposer directement.
L’armée israélienne et ses services de sécurité ont tout intérêt à découvrir tous les éléments de l’incident et à savoir qui a fait quoi, comment, sous les ordres de qui, et surtout comment un homme armé et chargé d’explosifs a réussi à s’infiltrer du Liban en Israël, et s’il avait des complices à l’intérieur.
Au cas où ces relais existeraient, cela pourrait indiquer que le Hezbollah et le Hamas ont déjà une infrastructure commune en Cisjordanie.
Toutes ces questions doivent être examinées et il convient de vérifier si les deux organisations ont décidé de coopérer pour mener des attaques en Israël et en Cisjordanie.
Parallèlement, selon les analyses israéliennes, le Hamas s’est repositionné au Liban au cours des dernières années, afin d’établir un front supplémentaire contre Israël, qui serait utilisé en cas d’escalade à Gaza ou en Cisjordanie.
Cela implique que ses activités se déroulent sous les regards du Hezbollah et dans le cadre d’une coordination.
Cela confirme également que ce défi multipartite exige qu’Israël agisse de manière prudente et se coordonne à un niveau élevé avec un certain nombre de parties, notamment les États-Unis, l’Europe, les Nations unies, l’Égypte, la Jordanie et les États du Golfe, afin d’éviter une escalade.
Dans le même temps, l’occupant israélien doit rester vigilant et en attente d’un incident aux multiples facettes impliquant non seulement le Hezbollah, mais aussi la branche libanaise du Hamas.
Si tel est le cas, l’attaque de Megiddo est peut-être le dernier avertissement avant une guerre contre le Hezbollah. Une telle guerre entraînera probablement d’autres zones telles que la bande de Gaza et la Cisjordanie, et peut-être les Palestiniens de 48 [« Israël »].
Les Israéliens ont critiqué les services de sécurité après l’attaque de Megiddo, affirmant que l’armée avait été avertie d’une activité inhabituelle le long de la clôture de séparation du Liban, mais qu’elle n’en connaissait pas les détails.
L’attaque de Megiddo a révélé que le Hamas et le Hezbollah sont conscients de toutes les faiblesses tactiques, stratégiques et sociales d’Israël. Ces faiblesses seront perçues comme une occasion d’exercer une pression accrue sur l’occupant jusqu’à ce qu’il s’effondre.
Cela pourrait obliger Israël à suivre une nouvelle stratégie, avec des outils plus efficaces et plus intrusifs qui rétabliront la dissuasion.
Les responsables israéliens ont mis en garde contre le risque de voir se reproduire l’explosion de Megiddo, affirmant que cela augmenterait la portée des actions du Hamas et du Hezbollah sur le front nord, et si ceux-ci réalisent que leur heure de gloire contre Israël est arrivée, leur désir d’action augmentera.
Près d’une semaine s’est écoulée depuis l’incident, mais jusqu’à présent, il n’a pas été confirmé qui était responsable de l’envoi du tireur et de l’exécution de l’attaque, et l’affaire fait l’objet d’une enquête conjointe de l’armée, du Shin Bet, de la police et du Mossad.
Les cercles de sécurité israéliens sont frustrés de voir les dirigeants du Hamas au Liban se promener « comme des rois » et ses membres participer à toutes les activités militaires.
Ceux-ci participent à des activités de commando, au développement d’armes, à la production de missiles de précision, à l’entraînement des forces spéciales, à l’entraînement des tireurs d’élite, à la collecte de renseignements et aux enquêtes, à la fabrication d’armes antichars et à l’utilisation de drones, à la guerre électronique et cybernétique, ainsi qu’aux raids navals.
Les Israéliens estiment que des centaines de combattants se préparent dans des camps et des centres d’entraînement au Liban.
Les données israéliennes révèlent que l’objectif du Hamas est de créer de multiples scénarios, ce qui constitue un défi croissant pour l’armée d’occupation à la frontière libanaise, d’autant plus que la construction de la barrière est lente et que le gouvernement n’a pas encore transféré les fonds nécessaires à sa construction ou à l’installation de capteurs dans les zones frontalières difficiles d’accès.
L’origine des changements dans l’arène libanaise, selon les interprétations israéliennes, sont à rechercher pour une part dans les conditions de vie difficiles des 200 000 Palestiniens dans le pays, dont la plupart vivent dans dix camps de réfugiés de Tripoli au nord, en passant par Beyrouth, Tyr, Sidon et dans la vallée du Liban.
Auteur : Adnan Abu Amer
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
21 mars 2023 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine